TROUS DE MÉMOIRE
Trous de mémoire est un projet de théâtre-forum sur l'extractivisme. Extract-ti-vice. De quoi parle-t-on ? Il s'agit de l'extraction intensive des ressources naturelles, du pétrole, des minerais, du gaz… qui seront vendus sur les marchés, habituellement internationaux. Un sujet d'économie, mais ces ressources se trouvent sur des territoires abritant des êtres vivants. Présents à travers l'histoire de ce territoire appelé Québec et à l'échelle internationale, les grands projets extractivistes ne cessent de se multiplier, suivant la cote des marchés.
Lire :
- Les impacts sociaux et environnementaux de l'extractivisme
Le projet Trous de mémoire est né d'une alliance entre le Projet accompagnement solidarité Colombie – PASC, Daviken Studnicki-Gizbert, professeur d'histoire à l'Université McGill, et le McGill Research Group Investigating Canadian Mining in Latin America – MICLA.
La pièce de théâtre-forum Trous de mémoire a été présentée en 2014 et 2015 à plusieurs endroits de la province du Québec à des communautés touchées par des projets extractifs ou sensibles à la question. Voir :
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AGROCARBURANTS
Le PASC a été fondé en 2003 pour accompagner des communautés afrodescendantes et métisses dans le département du Choco. Dans les premières années, les séjours d'accompagnement du PASC s'effectuaient dans leur totalité dans les Zones Humanitaires des bassins du Jiguamiando et du Curvarado, au Bajo Atrato. La première campagne du PASC contre les agrocarburants est directement liée à l'histoire de ces communautés.
En 1997, sous le prétexte de la présence de la guérilla des FARC-EP dans la région, une vaste opération militaire nommée « Operacion Génesis », a été déployée dans le département du Choco, sous le commandement du Général Rito Alejo del Rio Rojas de la Brigade XVII de l’Armée nationale. Les communautés des rivières Jiguamiando, Curvarado et Cacarica étaient parmi les centaines de communautés du Bajo Atrato qui ont alors été victimes de déplacement forcé et ont ainsi dû fuir leurs villages. À partir de 1999, en différentes étapes, les communautés sont retournées graduellement sur leurs terres ancestrales et se sont déclarées en tant que population civile en résistance, réclamant leur droit à la vie, au territoire, à l’autodétermination, à la justice et à la dignité. Elles ont obtenu la reconnaissance de leur titre collectif de propriété en 2001, selon la loi 70 protégeant les territoires ancestraux des communautés afro-colombiennes. Depuis leur retour sur le territoire, elles se sont organisées en Zones Humanitaires et Zones de biodiversité et se sont dotées de mécanismes d'accompagnement nationaux et internationaux.
En 2006, on calculait qu’environ 15 000 hectares de forêt des bassins du Jiguamiando et du Curvarado avait disparu, laissant place à la monoculture de palme africaine. Après une quinzaine d’années de lutte, les communautés en résistance civile des bassins du Jiguamiando et du Curvarado ont obtenu un jugement de la cour constitutionnelle ordonnant la restitution de leurs terres illégalement occupées par des méga-plantations, mais elles se battent encore aujourd’hui pour pouvoir récupérer l'ensemble de leur territoire puisqu’une partie des monocultures de palme semble être là pour rester. Pour en savoir plus.
L’huile extraite des fruits de la palme africaine est une des huiles les plus consommées au monde. Très utilisée par l’industrie agro-alimentaire parce qu’elle est peu coûteuse, elle se retrouve dans de nombreux produits sur les tablettes de nos épiceries. Elle sert aussi à la fabrication d'agro-combustible. Les agrocarburants sont obtenus à partir de plantes oléagineuses (comme la palme africaine, le canola ou le soya) ou de l'éthanol, provenant de la fermentation de la cellulose contenue dans les végétaux (tels le maïs, la canne à sucre ou le blé).
Biodiésel, biocarburants, agrocarburants… Des mots qui évoquent des valeurs écologiques liées à un développement durable. Rien n'est pourtant plus loin de la réalité. D'un point de vue écologique, les agrocarburants produisent davantage de gaz à effets de serre que les combustibles fossiles, en plus d'être développés par une agro-industrie qui privilégie les monocultures intensives, grandes consommatrices de produits chimiques et responsables d'appauvrissement des sols. Et c’est sans compter que dans de nombreux cas, les plantations de palme africaine sont implantées suite à la déforestation d’immenses étendues de forêt tropicale humide et sur des terres souvent volées à des paysans, qu’on veut transformer en ouvriers agricoles.
Pour ces raisons entre autres, ce type de monoculture met directement en péril la souveraineté alimentaire, la biodiversité et les réserves d'eau potable, bref il accélère la crise écologique et la destruction de la petite paysannerie. Si cette nouvelle ruée vers l'Or vert permet aux magnats de l'énergie de parer leur recherche de profits de quelques sceaux « écologique » et « durable », leur objectif en reste néanmoins inchangé : fournir aux sociétés de (sur)consommation l'énergie nécessaire pour poursuivre le rythme effrénée de production actuelle. D'après l'Ong GRAIN, « pour les hommes d’affaires comme pour les hommes politiques, les agrocarburants représentent certainement l’une des plus acceptables des énergies “renouvelables” car ils peuvent facilement s'intégrer dans l’économie basée sur le pétrole qui existe actuellement. » La réponse à la crise énergétique consiste à répéter le scénario du pétrole : exploitation intensive, destruction environnementale, colonisation des territoires paysans, voire même guerres impérialistes pour le contrôle des territoires stratégiques.