Aller au contenu principal
10/11/2024

La fabrication de batteries pour les véhicules électriques nécessite plusieurs métaux qui permettent entre autres le stockage de l’électricité. À la fin de la décennie, on souhaite construire de 25 à 40 millions de véhicules électriques si on compte l'industrie chinoise et Tesla. Il y a actuellement assez de nickel pour en fabriquer seulement environ 13 millions. Ainsi, les mines actuelles ne pourront pas répondre à la demande future.

Les 4 principaux métaux qui entrent dans la composition des batteries électriques sont le lithium, le nickel, le cobalt et le graphite.On estime que plus de 380 nouvelles mines de graphite, de lithium, de nickel et de cobalt devront ouvrir dans le monde d'ici 2035 pour répondre à la demande de véhicules électriques qui est en forte croissance. Il existe aussi une nouvelle génération de batteries, qui utilisent plutôt du lithium, du fer et du phosphate.

Une mine prend normalement environ une quinzaine d'année avant de pouvoir entrer en activité. Un des éléments qui retarde souvent les projets est le financement de ces derniers. Mais on observe l'émergence d'un nouveau phénomène : les constructeurs automobiles aux prises avec des difficultés d’approvisionnement pour la fabrication de leurs batteries électriques commencent à financer directement les projets d'extraction de minéraux critiques. Ainsi, certains d'entre eux sont en train d'acheter des mines afin de sécuriser leur approvisionnement pour les 8, 10 ou 15 prochaines années.

 

L'extractivisme et la filière batterie au « Québec » et au « Canada ».

Les gouvernements des soit-disant Québec et Canada, appuient sur l’accélérateur à coups de milliards pour se positionner dans l’industrie de la batterie automobile. Le « Canada » aurait un potentiel énorme à ce chapitre, notamment pour les projets d'extraction de métaux stratégiques. De nombreux sites pour des mines de lithium sont en cours de développement au pays et d'importants gisements de minéraux critiques se trouvent dans la région du Cercle de feu, dans le nord de l’Ontario, sur le territoire de communautés autochtones.

Au « Québec », de manière globale, le nombre de claims miniers a bondi de 65 % en deux ans. En février 2023, on comptait 302 564 titres miniers actifs sur plus de 16 millions d'hectares. Bien qu'il y ait encore peu de projets d'extraction de minéraux critiques, on peut s'attendre à une forte augmentation de ceux ci dans la prochaine décennie. La province compte actuellement une seule mine de lithium en activité : la mine Sayona à La Corne, en Abitibi-Témiscamingue. Mais l'entreprise a investi plus de 60 millions de dollars pour relancer sa production en mars dernier et d’autres projets sont en développement. De la même manière, le Québec ne compte qu’une seule mine de graphite, à Lac-des-Îles dans les Laurentdies, mais cette production va augmenter. Quelques projets sont en cours de développement, dont le projet de Nouveau Monde Graphite, qui s’approche d’une production commerciale. Cette entreprise compte exploiter la mine Matawinie à Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière, en territoire Atikamekw-Nehirowisiw. Elle vise une production de 100 000 tonnes de graphite par année. Par ailleurs, quatre autres firmes étudient des projets miniers de graphite au Québec. Enfin, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la minière First Phosphate prétend que le territoire de 1500 km2 sur lequel elle possède un bail minier contient le phosphate le plus pur au monde et à un fort potentiel de développement.

Quant aux usines de fabrication de batteries électriques, il y a actuellement 3 projets au pays : ceux des usines ontariennes de Stellantis et LG à Windsor, de Volkswagen à St. Thomas, ainsi que celui de l’usine Northvolt à McMasterville au Québec. Mais il manque actuellement de minéraux critiques au Canada pour répondre à la future demande de ces grandes usines de batteries.

Un document du gouvernement fédéral issue d'une réunion d'un comité sur la « croissance propre » indique que « Le rythme d’ouverture de nouvelles mines de métaux pour batteries doit quintupler d’ici 2035 pour soutenir pleinement la production nationale de batteries ». Mais plusieurs analystes juge cet objectif peu réaliste et questionnent la capacité réelle à ouvrir autant de mines en si peu de temps. Et même si 15 nouvelles mines de minéraux stratégiques entraient en opération d’ici 10 ans, comment ces usines vont-elles s’alimenter d’ici là ? Elles devront donc importer la matière première nécessaires à la production des batteries. Encore une fois, les conséquences de ces projets extractifs seront vécues par les populations du Sud global.

 

Impacts au Sud et responsabilité du Canada

Tout en se targuant de participer à la transition énergétique avec leurs projets d'extraction de minéraux critiques, les entreprises minières continuent de s'approprier des territoires, détruisant au passage les moyens de subsistance des habitants de régions souvent parmi les plus pauvres du monde.

Pour ne citer que quelques exemples, mentionnons les atrocités liées à l’exploitation minière en République démocratique du Congo. Ce pays est responsable de 70% de l'approvisionnement mondial de cobalt et les dénonciations concernant ces mines sont à glacer le sang : exploitation d'environ 40 000 enfants, viols, assassinats, expulsions... Sur l’île indonésienne de Sulawesi, on prévoit l'ouverture de dizaines de nouvelles mines et fonderies de nickel. Les plans incluent le déversement de déchets miniers dans l’océan, menaçant les moyens de subsistance des pêcheurs. Et comme si ce n'était pas assez, pour nous sauver du changement climatique (sic), les sociétés minières veulent exploiter le fond de l’océan, dont les fonds marins du Pacifique. En Amérique latine, notamment au Guatemala et en Colombie pour ne nommer que ces pays, la répression contre les opposants aux projets miniers est toujours au rendez-vous, incluant massacres, assassinats ciblés, déplacements forcés de population, appropriation de territoires et destruction environnementale.

Face à ce sombre panorama, n'oublions pas que plus de 60 pour cent des sociétés minières mondiales ont leur siège social au Canada. Ainsi, la plupart des dénonciations concernent des projets miniers appartenant à compagnies canadiennes. La nature systématique des crimes commis par les minières canadiennes à l’étranger est bien documentée.

 

Colombie : nouveau Plan national de développement axé sur les minéraux critiques

La Colombie aurait la 10e plus grande réserve au monde de nickel. Le gouvernement actuel de Gustavo Petro, engagé dans la « transition énergétique », à élaboré un Plan national de Développement. Ce plan déclare que la nouvelle politique minière va mettre l'emphase sur « l'exploration, l'extraction et la commercialisation des minéraux stratégiques tels que le cuivre, le nickel, le cobalt et le lithium. ». Dans le cadre de cette politique, le gouvernement colombien veut créé 30 nouvelles aires d'exploration et d'exploitation minière à l'échelle du pays.

Actuellement, il existe une seule mine de nickel en Colombie : la mine de Cerro Matoso dans la province de Cordoba. Ce serait une des plus grandes mines à ciel ouvert de ferronickel au monde. Plusieurs membres des communautés locales, des militants et des journalistes indépendants ont dénoncé les impacts de cette mine. Cette dernière s'étend sur plus de 85 hectares situés sur le territoire d'une réserve autochtone et plusieurs villages se trouvent autour de la mine, dont un à seulement 750 mètres de celle-ci.

La mine cause beaucoup de pollution de l'air et relâche des gaz qui contiennent des substances cancérigènes. La population de ces villages et les travailleurs de la mine souffrent de problèmes de santé à cause de cela et des poursuites judiciaires contre la mine sont en cours. De plus, il existe plusieurs dénonciations selon lesquelles cette minière payerait le « Clan del Golfo » (un cartel de narcotrafiquants) afin de pouvoir opérer et que les paramilitaires menacent et assassinent ceux qui protestent contre la mine.

Le président de la mine de Cerro Matoso prévoit déployer des travaux d'exploration pour des projets d'exploitation de nickel dans au moins 3 autres provinces : en Antioquia, au Narino et au sud du Cauca.

 

Plus de mines pour nous sortir de la crise écologique?

Les abus liés à l'implantation de projets miniers un peu partout dans le monde depuis des décennies ne sont plus à démontrer : désastres environnementaux, sociaux et violations de droits humains sont presque invariablement au menu. Aujourd'hui les sociétés minières, dont rappelons-le la majorité ont leur siège social au Canada, renouvellent leur discours et écoblanchissent leurs activités. Encore une fois, les capitalistes n'ont pas manqué de mettre en œuvre leur vieil adage « never let a good crisis go to waste » : ils ont trouvé le moyen de profiter de la crise climatique pour s'enrichir. Leur solution : exploiter plus de mines !

La prétendue « transition énergétique » ne peut reposer en grande partie sur le remplacement du parc automobile grandissant par des voitures électriques. Plus de véhicules électriques, équivaut à construire plus de mines, ce qui provoquera inévitablement plus de déforestation, de pollution, de violations de droits territoriaux et de violences contre les populations qui résistent à ces projets. Au soit-disant Québec et Canada, le plan pour la « transition énergétique, n'est pas différent : c’est essentiellement un plan de développement minier et d'implantation d'usines de batteries. Un plan qui va permettre aux gouvernements à venir et aux entreprises avides de profits, de continuer à détruire des écosystèmes et à s'approprier des terres, principalement en territoire autochtone.

Que ce soit ici ou ailleurs dans monde, régler la crise environnementale par plus d'extraction coloniales est une aberration. Car nous faisons face à beaucoup plus grave que la crise climatique à elle seule : c'est une crise écologique et humaine sans précédent qui est à nos portes si nous ne changeons pas le modèle économique et notre relation avec le territoire.

 

Références

Augmentation de l'extractivisme minier pour répondre à la demande en VE

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1919007/mineraux-cobalt-nickel-lithium-batteries (2022)

https://www.ledevoir.com/environnement/730506/les-ressources-minieres-sont-elles-illimitees-pour-produire-des-vehicules-electriques? (2022)

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1990316/projets-miniers-quebec-titres-miniers (2023)

https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/2023-11-20/mines/quatre-ingredients-strategiques-pour-les-batteries.php (2023)

https://www.lapresse.ca/affaires/2024-08-27/mineraux-critiques/le-succes-de-la-filiere-batterie-pourrait-etre-menace.php (2024)

Impacts dans différents pays du monde

https://miningwatch.ca/fr/node/10834

Potentielle ruée vers les minéraux critiques en Colombie. <https://www.geopoliticalmonitor.com/colombias-nickel-reserves-a-blessing-and-curse/

Auteur.trice
PASC