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07/04/2018

Notez que le PASC ne réalise désormais plus d'accompagnement avec les communautés du Choco.

Le PASC a été fondé en 2003 pour accompagner les communautés du Choco. Dans ses premières années, les séjours d'accompagnement du PASC s'effectuaient dans leur totalité dans les Zones Humanitaires du Bajo Atrato, bassins du Jiguamiando et du Curvarado. La première campagne du PASC contre les agrocarburants est directement liée à l'histoire de ses communautés.

Après une quinzaine d’années de lutte, les communautés en résistance civile des bassins du Jiguamiando et du Curvarado ont obtenu un jugement de la cour constitutionnelle ordonnant la restitution de leurs terres illégalement occupées par des mégaplantations de palme africaine. Depuis leur premier déplacement en 1997 et la reconnaissance de leur titre collectif de propriété en 2001, les communautés du Jiguamiando et du Curvarado se sont organisées en Zones Humanitaires et Zones de biodiversité et se sont dotées de mécanismes d'accompagnement nationaux et internationaux.

Les avocat-es de la communauté sont parvenu-es à documenter les liens entre ces projets de «développement », financés par l’État colombien et les programmes d’aide internationale, et les structures paramilitaires toujours en place. L’enjeu de la palme dans le Choco s’est converti, après des années de luttes, en un enjeu national portant sur la restitution des terres aux communautés paysannes, victimes des crimes paramilitaires. Rappelons que le gouvernement du Président Santos, dans un effort pour se différencier de son prédécesseur (Uribe), entretient un discours en faveur de la restitution des terres, mais ses pratiques le contredisent. Malgré l’ordre de la cour, les plantations de palme sont toujours là.

Sur le terrain, ces contradictions entre discours et réalité se vivent au jour le jour, entre invasion des terres, menace de mort et judiciarisation :
 

Criminalisation :

Une série de montages judiciaires contre les leaders reconnus des Conseils mineurs qui habitent les Zones humanitaires et Zones de biodiversité du Curvarado et Jiguamiando a été orchestrée par les entrepreneurs de la palme les accusant le plus souvent d'appartenir à la FARC-EP. Cette stratégie judiciaire permet d'une part d'empêcher les représenatnt-es de la communauté d'aller témoigner contre eux en cour et permet de mettre légalement en doute leur droit sur la terre.
 

Présence paramilitaire:

Depuis la mi-avril 2011, des troupes de paramilitaires armés de AK-47 sont de nouveau présentes aux abords des villages des communautés en résistance. La présence paramilitaire était moins évidente depuis le procédé dit de démobilisation en 2005. Les paramilitaires étaient toujours présents mais ils avaient jusque là préféré une présence plus discrète, munis de vêtements civils d'armes courtes et de radios.

Re-colonisation du territoire:

Et depuis la mi-décembre 2010, plus de 200 hectares au sein du territoire collectif du Curvarado sont occupés illégalement par des envahisseurs protégés par les paramilitaires. Ces envahisseurs sont, en majorité, des paysans originaires d’autres régions qui ne sont pas impliqués au sein des processus de résistance paysanne et qui sont prêts à accepter des projets de « développement ». Le but de leur installation sur le territoire est, entre autres, de « restituer » les terres aux communautés prêtes à négocier avec les entrepreneurs. Des représentants de compagnies de bananes seraient derrière cette nouvelle phase d’occupation des terres. Bien qu’une résolution d’éviction des occupants illégaux ait été émise, celle-ci n’a pas été appliquée puisque la police de la région d’Uraba dit ne pas avoir la capacité en termes d’effectifs pour procéder à l’éviction.

Histoire d’un déplacement forcé

En 1997, sous le prétexte de la présence de la guérilla de la FARC-EP dans la région, a eue lieu dans le département du Choco une vague opération militaire nommée « Operacion Génesis », sous le commandement du Général Rito Alejo del Rio Rojas de la Brigade XVII de l’Armée Nationale. Simultanément, alors que des hélicoptères de l’Armée bombardaient toute la région, des groupes paramilitaires identifiés comme AUC (Autodéfense Unies de Colombie) faisaient des incursions dans les villages de la population civile. Ils ordonnaient aux gens de quitter le territoire et commettaient des massacres tandis qu’ils brûlaient maisons et récoltes. Les communautés de la rivière Jiguamiando, du Curvarado et celles du Cacarica étaient parmi les centaines de communautés qui ont ainsi dû fuir leurs villages avec à peine les vêtements qu’ils avaient sur le dos. Aujourd’hui, presque 10 ans plus tard, tous les crimes commis lors de l’opération « Génesis » sont toujours dans l’impunité la plus totale.

Histoire d’une lutte pour la Vie et le Territoire

Alors qu’elles étaient déplacées, les communautés ont dû vivre en périphérie des villes dans des conditions inhumaines, entassées dans des établissements temporaires, dépendantes de l’aide alimentaire souvent insuffisante. Sans connaître leur existence mutuelle, les communautés afro-colombiennes et métisses du Jiguamiando et du Cacarica ont progressivement commencé à s’organiser afin de pouvoir effectuer le retour sur leurs territoires respectifs.

Vers la fin de l’année 1999 et le début de 2000, en différentes étapes, les communautés retournent enfin sur leurs terres ancestrales. Les communautés du Jiguamiando tout comme celles du Cacarica s’affirment en tant que population civile en résistance. Ces communautés réclament leur droit à la Vie, au Territoire, à l’Autodétermination, à la Liberté, à la Justice et à la Dignité. Elles ont dû développer des mécanismes de protection afin de pouvoir continuer à résister de maniére civile au milieu du conflit armé : dans le Cacarica deux « Zones Humanitaires » ont été créées et trois dans le Jiguamiando, les comunautés du Curvarado en partie hébergées dans le Jiguamiando ont ensuite créé deux nouvelles Zones Humanitaires sur leurs terres (avril et octobre 2006). Les « Zones Humanitaires » sont des lieux physiquement délimités où plusieurs communautés se regroupent pour vivre ensemble. Elles permettent de distinguer la population civile au milieu du conflit armé, dans le but de ne pas être impliquées dans celui-ci par aucune des parties. Elles s’opposent à l’exploitation sauvage des ressources naturelles de leur territoire ainsi qu’à un développement imposé et taché de sang. Les communautés du Jiguamiando, tout comme celles du Cacarica, veulent pouvoir continuer à vivre librement sur leur territoire, en pratiquant l’agriculture de subsistance traditionnelle.



En juin 2006, on calculait qu’environ 15 000 hectares de forêt des bassins du Jiguamiando et du Curvarado avait disparu, laissant place à la monoculture de palme africaine, sur un territoire dont les communautés ont pourtant reçu un titre collectif légal selon la loi 70 protégeant les territoires ancestraux des communautés afro-colombiennes. Dans le cas des communautés de CAVIDA dans le Cacarica, département du Choco, l’entreprise Maderas del Darien coupe illégalement depuis des années d’immenses quantité de bois d’oeuvre de grande qualité sur le territoire collectif des communautés.

Auteur.trice
PASC