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18/11/2019

Ríos Vivos, un mouvement né en 2008 en opposition au projet Hidroituango, est en tournée au Canada pour exiger que cesse la complicité internationale avec les pratiques de mort exercées par la compagnie hydroélectrique. Comme le courant des rivières, qui résistent à l’horreur, les peuples soutiennent la dignité dans tous les coins du monde.

« Justice énergétique: pour la défense du fleuve Cauca en Colombie » est le nom qui a été donné à cette tournée à laquelle participe actuellement le Mouvement Rios Vivos avec la voix de Isabel Zuleta, au Canada. La tournée se tiendra dans sept villes (Vancouver, Saskatoon, Montréal, Winnipeg, Québec, Ottawa y Toronto). En tant que mouvement de personnes affectées par le mégaprojet Hidroituango, Ríos Vivos vient au Canada pour sensibiliser sa population, mais plus précisément pour exiger que la Caisse de dépôt et placement du Québec retire le financement octroyé à la compagnie hydroélectrique, Empresas Públicas de Medellín, à travers un prêt de 300 millions de dollars via la Banque interaméricaine de développement (BID).

Avant la venue d’Isabel Zuleta, plusieurs personnes de différentes organisations à Montréal et à travers le Canada se sont réunies pour organiser cette tournée. (…) [Au Québec, il y a notamment la campagne] « Lavons les mains sales de la caisse ». La tournée répondait à deux grands objectifs qui résument les demandes du Mouvement Ríos Vivos, c’est-à-dire exiger que la Caisse retire son financement et promouvoir une tournée inverse (d’acteurs du Canada en Colombie) qui permettrait de visibiliser au niveau national et international les violations de droits humains commises dans le cadre du projet Hidroituango. 

Dans le premier cas, Rios Vivos exige le retrait du financement ou, en raison d’un échec de ce premier objectif, que le financement soit conditionnel au respect de certaines conditions. La Caisse de dépôt et placement du Québec dit qu’elle a des politiques d’investissements « verts » et fait la promotion du développement avec des critères environnementaux et responsables pour ses investissements. Cependant, dans le cas d’Hidroituango elle est loin de répondre à ce prérequis.

Isabel attire notre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas ici de «financement transparent», les conditions du prêt (s'il en existe), ne sont pas accessibles aux communautés, au contraire, cette information est complètement obscure.  En plus d'être conditionné par un accès Internet, le prêt est publié en langues étrangères, incompréhensible pour les habitants du pays touché. Et c’est qu’il doit être transparent, puisque c’est à partir de l’accès à ces informations que des demandes et des plaintes concrètes peuvent être élaborées, depuis la mise en lumière des engagements manqués. S'il y a cohérence avec les politiques dites «vertes», la Caisse devrait retirer son financement. Si le Caisse ne retire ni ne conditionne son financement, il est clair qu'elle admet ici qu’il y a violation des droits de l'homme, elle en devient complice.

Il y a un peu plus d’un an, Ríos Vivos présentait une plainte auprès de la BID dans le cadre du processus de surveillance des mégaprojets. Cette plainte a été présentée par 477 des personnes affectées par Hidroituango, demandant que le mégaprojet fasse l’objet d’une enquête pour des dommages causés, grâce à son financement. Le 18 octobre cette année, une lettre de soutien avec plus de 4 000 signatures a été déposée à Washington pour demander une réponse à cette demande d’enquête. En arrivant au Canada, un autre objectif était que le pays signe et soutienne cette demande d’enquête, à laquelle personne n’avait toujours pas répondu jusqu'au début du mois de novembre. Le 10 novembre, le conseil d'administration de la BID a annoncé l'ouverture de l'enquête. Selon le CIEL: « La BID Invest a investi des millions de dollars dans le projet et a facilité l'investissement d'un milliard de dollars supplémentaire de la part d'autres banques internationales. Ces investissements sont maintenus malgré la grave crise du projet ».

Le second objectif central de la tournée d’Isabel est de générer un processus d’articulation médiatique avec la presse internationale pour que la réalité de ce qui se passe avec le projet soit visibilisé massivement. En Colombie, les modes de communication n'échappent pas au problème des intérêts qui entourent la compagnie Empresas Públicas de Medellín, ce qui a rendu la réalité vécue dans les territoires affectés par Hidroituango presque complètement inconnue dans le reste du pays.

Lorsque les médias furent appelés lors de la manifestation de 2012 [en Colombie], ils ont dit qu’ils ne partiraient pas car ils risquaient de perdre leur modèle publicitaire, dit Isabel. Et ils ajoutent que «c'est une décision politique de créer une bulle médiatique», ce qui entraîne une information absente dans les régions et sa diffusion sélective par des parties privées.

« Quand ils ont montré des choses, c'est parce que c'est absolument évident, comme lorsque le tunnel a été couvert (suite à la rupture du barrage) et 7 000 personnes ont été évacuées; il y a 7 000 personnes qui ne sont pas là, et c'est tellement évident que ça ne va pas se voir ». L'objectif de Ríos Vivos est d'amener le Canada et d'autres pays à se rendre en Colombie afin que la bulle soit déverrouillée et que les médias nationaux soient obligés de montrer les graves impacts environnementaux et sociaux générés par l'hydroélectricité, car il s'agit d'un problème financier au niveau extraterritorial. Au niveau territorial, cela va au-delà, c’est un problème qui concerne la vie.

Le 13 novembre un sit-in a eu lieu devant le siège social de la Caisse de dépôt de Montréal pour manifester le refus au «financement de projet de mort». Entre le français et l’espagnol, malgré les -7 degrés et l’imposante neige, il a été entendu à l’unisson: «¡Ríos para la vida, y no para la muerte! Les fleuves pour la vie et non pour la mort !  ¡Yo tenía mi casita, y la Caja me la quita! Solidarité !

Malgré le fait que le comité organisateur de la tournée ait envoyé à plusieurs reprises des lettres pour demander une rencontre avec Isabel, la Caisse ne leur a pas octroyée. Lors de la manifestation, un porte-parole de la Caisse a fait acte de présence et a reçu des lettres et documents adressés à la Caisse pour dénoncer la situation. Suite à une visite à l’Assemblée nationale du Québec (avec l’appui de Québec Solidaire) et de quelques articles dans les médias de masse du Québec qui sont sortis suite au rassemblement, la Caisse a répondu à l’appel et accepté de rencontrer la porte-parole du Mouvement Rios Vivos a la fin du mois de novembre.

Auteur.trice
Juliana Marín Rodríguez