Depuis le 20 octobre, partout à travers le pays, des prisonniers ont entamé une grève et diverses actions de désobéissance civile en réponse à ce qu'ils appellent une « politique criminelle injuste et exclusive ». Ils affirment que le système carcéral et pénitentiaire actuel les soumet à une mauvaise alimentation, des soins de santé déficients, des procédures juridiques et administratives lentes et inefficaces et diverses violations de droits humains.
Cette grève fut appelée par le Mouvement National Carcéral (Movimiento Nacional Carcelario -MNC) dans l'objectif de faire connaître ces demandes à l'opinion publique et ainsi, d'exercer des pressions sur le gouvernement national afin de résoudre la crise carcérale en Colombie, qui dure depuis plusieurs années et qui n'affectent pas seulement les 9500 prisonniers politiques colombiens, mais bien tous les prisonniers dans leur ensemble.
Parmi les revendications, nous retrouvons la mise sur pied d'une table nationale de concertation qui réunirait la société civile et le gouvernement national afin de trouver une solution à l'urgence sociale et humanitaire dénoncée par les prisonniers. Ils appuient également le projet de loi 082 qui se retrouve devant le Congrès de la République et qui réduirait de 20% les sanctions imposées aux prisonniers colombiens. Cependant, les prisonniers soulignent que ce projet de loi ne doit pas être conditionnel aux évolutions du dialogue qui se déroule à La Havane pour trouver une solution au conflit armé.
En plus de visibiliser les conditions inégalitaires vécues par les prisonniers politiques en lien avec les visites et les soins de santé, dans son communiqué, le MCN expose clairement sa position face à l'extradition : « Non à l'extradition, oui au rapatriement des Colombiens qui sont en prison à l'étranger ».
Les protestataires ont occupé les prisons pendant toute la semaine dans plusieurs pénitenciers : de Bogotá et Barranquilla, La picota de Bogotá, Ternera à Cartagena, Tramacúa à Valledupar, Cómbita et Barne dans la région de Boyacá, La Dorada à Caldas, Acacías à Villavicencio et dans les régions de Santa Marta et Arauca. Dans le cas de la grève en Arauca, le responsable des droits humains a dû démisionner en raison des pressions des forces de l'Instituto Nacional Penitenciario y Carcelario –INPEC. Toujours selon le MNC, il y aurait 3000 prisonniers qui seraient en grève de la faim dans la prison de La Picota.
Deiler Santiago, prisonnier politique de l'Armée de libération nationale (Ejército de Liberación Nacional -ELN) a affirmé que la désobéissance civile pacifique doit mener à la reconnaissance d'une crise humanitaire et sociale où le gouvernement fait acte de présence et intervient dans les prisons, puisque jusqu'à maintenant, le gouvernement n’a répondu que par l'indifférence. Jorge Otálora, en sa position de défenseur de la population carcérale, a fait la même demande.
Il y a des prisons qui dépassent leur capacité de prisonniers de 350%, incluant celle de l'INPEC, où les prisonniers ont organisé une journée de protestation lors de laquelle ils ont refusé de recevoir un prisonnier de plus.
Le mercredi 22 octobre, le directeur de l'INPEC s'est réuni avec des prisonniers de la prison La Picota afin d'assurer l'entrée d'avocats et de défenseurs des droits humains pour le jour suivant et ainsi pouvoir assurer un suivi de la situation. Le sénateur Iván Cepeda Castro du Parti démocratique (Polo Democrático) a participé à cette rencontre ainsi que le défenseur des droits humains Uldarico Flórez Peña. Ce dernier a voulu visiter cet établissement pénitentiaire mais les gardiens lui ont refusé l'entrée bien qu’il avait obtenu l'autorisation du directeur de la prison. Un des arguments avancés par les gardiens, qui n'ont pas voulu s'identifier et qui ne portaient pas leur badge avec leur nom de famille sur leur uniforme, tel que prescrit, est que l'avocat détenait sur lui la revue Semanario Voz, qui contient dans son dernier numéro un article sur la crise carcérale et la situation des prisonniers politiques.
Une autre question que l’on retrouve dans les débats actuels et qui a été soulevée lors du Séminaire international sur le crime politique, organisé durant les jours précédents par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques, des collectifs, familles et amis des détenus et l'Université pédagogique nationale et le Congrès des Peuples, est la révision de la politique criminelle du gouvernement, qui a eu comme conséquence de resserrer les peines pour les délits mineurs. Cette révision mène à une augmentation du nombre de prisons soumises à la lenteur du système judiciaire. De ce séminaire est également ressorti le fait que la discussion à propos du crime politique est indispensable au mécanisme qui ferait avancer le règlement du conflit armé, dans le cadre duquel devraient être reconnus les droits et libertés à s'organiser et construire la paix à partir de la pensée critique. En ce sens, il y avait une affinité entre les interventions de Carlos Gaviria et Carlos Alberto Ruiz qui mentionnaient tous deux la nécessité de renverser le processus juridique de dénaturation des crimes politiques. Toujours lors de ce séminaire, une autre proposition fut soulevée : l'importance de la participation des prisonniers politiques dans la prochaine délégation de victimes à La Havane comme garantie d'un accord qui conçoit la paix en la basant sur la justice.
Traduit par le PASC article original: colombiainforma.info