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24/08/2012

La prison colombienne se caractérise par des violations généralisées et systématiques des droits humains, reflétée dans l'entassement des prisonniers, le manque flagrant d'espaces de travail, d'étude et  de loisirs, l'absence d'attention médicale adéquate, le traitement hostile de certains gardes et des directeurs des prisons envers les détenus, plus spécialement envers ceux qui exigent la garantie de leurs droits. Aussi, les manquements dans la distribution d'aliments et l'inaccessibilité des diètes spéciales pour ceux et celles qui en ont besoin, le manque de produits ménagers, de vêtements adéquats selon les conditions climatiques, de couvertures, de couchettes, de médicaments adéquats s'ajoutent à la longue liste. L'isolement social, le manque de moyens de communiquer avec le monde extérieur, les tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants sont perpétrés dans l'impunité, selon les recherches effectuées sur la situation que nous dénonçons. 

Néanmoins, l'un des principaux obstacles au respect des garanties et des droits humains pour la population prisonnière en Colombie est la politique carcérale et criminelle de l'État. La prison est utilisée comme un dispositif primaire de lutte à la criminalité et d'imposition de sanctions, au lieu de la prise en charge des causes économiques et politiques à l'origine des conflits sociaux, causés par le conflit armé colombien. 

L'emphase de la politique criminelle colombienne, qui est mise sur la prison et l'enfermement qu'elle génère, a amené à la construction de mégaprisons, supposément afin de diminuer la surpopulation, mais la situation se complique car plus d'incarcérations sont générées. Ces incarcérations supplémentaires sont synonymes de plus de violations des droits des personnes privées de liberté. Tout cela dans l'optique de nier la gravité des inégalités sociales et du manque d'espaces démocratiques de résolution de problèmes, à la base des conflits sociaux, de l'inconformisme et des crimes communs.

En date d'aujourd'hui, par exemple, 19 prisons se trouvent en journées d'actions de désobéissance civile dans le but d'exiger le respect et les garanties de leurs droits, pour exiger de l'État colombien la protection des droits à la vie, à l'intégrité physique et psychologique et à la santé, ainsi que des conditions de détention dignes.

Seulement dans la ville de Bogota, 8500 hommes de la prison Picota et ERON Nouvelle Picota (haute sécurité), en plus de 2400 femmes prisonnières de la prison de Buen Pastor, se trouvent en grève de la faim. Quelque 8000 prisonniers de la prison nationale Modelo se trouvent en désobéissance civile, qu'ils appliquent en refusant d'entrer à leurs cellules, en ne se laissant pas compter et en n'utilisant pas les uniformes. Dans d'autres prisons, comme celle de Giron du Santander, les détenus ont décidé de refuser tout port de vêtement.

Présentement, à Bogota, où notre fondation fait du travail direct en matière de droits humains, 4 prisons sont en situation de surpopulation: un taux moyen de surpopulation de 107,1% avec 18868 personnes détenues, alors que la capacité maximale est de 9113 personnes.

 

La prison Picota de Bogota a 1587 places disponibles et compte près de 6000 personnes en ses murs, ce qui démontre une surpopulation critique, un taux de 278,1% au-dessus de sa capacité. 

 

Dans la prison ERON de Bogota, ou Établissement de Réclusion de l'Ordre National, Nueva Picota, qui garde détenus quelques 2500 hommes, les violations de droits humains sont également multiples. Le prisonnier politique Pedro Riviera dénonce: "les services de santé offert sont absolument déficients et ne couvre pas les nécessités réelles des personnes qui se trouvent dans cet établissement; les personnes handicapées ne reçoivent pas de traitement adéquat, et les personnes très âgées et en mauvaise santé ne peuvent pas recevoir une permission pour sortir de la prison. Par exemple, on n'a pas permis à cet homme, Victor Domingo Prieto Agudelo, âgé de 90 ans, de l'aile 2 niveau 5 de cette prison, de sortir, puisque les services juridiques de la prison ne sont pas en fonction". 

Buen Pastor: Le matin du 6 aout 2012, quelques 2400 femmes privées de liberté ont entamé une grève de la faim pour leurs conditions de détention qui violent leurs droits fondamentaux ainsi que ceux des enfants de moins de 3 ans qui se trouvent en compagnie de leurs mères détenues. Notons que la prison est prévue pour la détention de 1275 personnes seulement.

Ces femmes dénoncent "[qu']il n'existe qu'un seul médecin pour [nous toutes], et il n'y a ici aucun pédiatre, ni personnel médical suffisant et qualifié pour répondre aux nécessités médicales et d'éducation des enfants de moins de 3 ans qui vivent avec nous; l'alimentation est inadéquate; dans les 15 derniers jours, 2 détenues sont mortes; dans chaque cellule disponible nous sommes entre 6 et 7 à dormir. Nous avons eu des épidémies de varicelle. L'INPEC (Institut National Pénitencier et Carcéral) ne nous fournit pas d'articles ménagers."

La majorité des prisonnières n'ont pas accès à un service de gynécologie, ni de pédiatrie dans les lieux où des enfants se trouvent. 

La prison Nationale Modelo: cet établissement a une capacité de 2907 détenus. En date d'aujourd'hui, 8 août 2012, elle compte en ses murs 7968 hommes prisonniers; une surpopulation de 174,1%. En ce sens, elle est surpeuplée de 5061 personnes, ce qui fait en sorte que les détenus de cette prison sont obligés de dormir empilés dans des salles de bains, portiques, ou en partageant une cellule avec 10 personnes supplémentaires, et ce sans attention médicale efficiente et disponible. 

Les détenus de quatre autres prisons, Acacias-Meta, Combita-Boyaca, La Pola-Cundinamarca, et la prison Nationale Modelo-Bogota, ont manifesté leur intention d'initier aussi des journées de désobéissance civile et de grèves de la faim.

Une situation généralisée: La surpopulation critique, et les multiples violations aux droits humains dans les prisons, est une situation généralisée dans les 142 Établissements Pénitenciers et Carcéraux existants en Colombie sous la tutelle de l'INPEC. Selon le Directeur général de cette institution il existait, en date du 6 avril 2012, un total de 115 526 personnes détenues en Colombie, pour un système carcéral d'une capacité de 75 620 personnes. Le taux de surpopulation général au pays est de 52,8%.

Cette situation, en partie, découle de l'application étatique d'une politique criminelle  qui favorise la privation de liberté sans garantir les droits des personnes incarcérées, plutôt que la mise en place de politiques pouvant solutionner la violence politique et les conflits sociaux, ainsi que les infractions aux normes légales.

La prison Colombienne s'est convertie en un lieu où les droits humains sont continuellement et systématiquement violés, et ce dans une impunité généralisée. 

 

Cette situation se présente toujours malgré les multiples recommandations, plaintes, dénonciations, demandes et actions de tutelle, entre autres actions politiques et juridiques. Ces actions revendiquaient toutes la protection des droits des personnes incarcérées et l'amélioration des conditions de détention, et notre Fondation Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques (FCSPP) continue de lutter contre l'impunité de l'État colombien en général, et de l'INPEC en particulier. 

Il est bon de préciser ici que la situation a été évaluée il y a plus de quatorze ans. En avril 1998, la Cour Constitutionnelle a affirmé "que le système pénitencier était dans un état inconstitutionnel". Cette affirmation était due au fait que les autorités responsables ne refusaient ouvertement de reconnaitre la normativité (ainsi que la jurisprudence) nationale et internationale quant aux droits des personnes privées de liberté. Elles ne reconnaissaient pas non plus que "les prisons colombiennes s'étaient transformées en un problème d'ordre public et en centres où les droits fondamentaux des prisonniers étaient systématiquement violés", une situation qui dure encore aujourd'hui.

Également, des Congressistes colombiens, britanniques et des organisations nationales et internationales en matière de droits humains, tels l'Organisation Mondiale contre la Torture, ont demandé à l'État colombien la protection et les garanties des droits des personnes incarcérées. Néanmoins la situation carcérale continue à se détériorer avec la hausse des violations de droits humains.

 

Source: "Diez mil novecientas personas presas en desobediencia civil y huelgas de hambre en las cárceles de Bogotá", FCSPP, publié le 8 août 2012.

 

 

Auteur.trice
FCSPP