Les zones récentes d’extraction pétrolière sont devenues le théâtre d’une lutte ouvrière très active. C’est ce que montrent les faits récents qui ont eu lieu à Puerto Gaitán où 1.100 travailleurs recrutés par la multinationale espagnole Cepcolsa à travers l’entreprise sous-traitante Montajes J.M. se sont mis en grève le 20 juin dernier. Les revendications des ouvriers concernant les conditions extrêmes d’exploitation et les pénuries qui leur sont imposées ont été soutenues par les habitants de cette importante bourgade du sud-est de la Colombie, qui sont sortis eux aussi dans les rues en portant leurs propres revendications. Le 14 juillet, des centaines de salariés de la Pacific Rubiales sont eux-aussi entrés dans la grève.
La situation est devenue brulante quand le gouvernement a réagi de manière répressive, déclenchant des affrontements violents entre les militants, les forces armées et les CRS, qui ont occasionné une douzaine de blessés.
Puerto Gaitán est la plus grande région de production de pétrole du pays. Dans les champs de Rubiales et Quifa sont produits 250.000 des 800.000 barils produits par jour au niveau national. Quand l’extraction du brut a commencé, la ville avait seulement 5.000 habitants et elle en a maintenant 30.000. Seule une toute petite partie de la main d’œuvre est directement sous contrat, alors que 12.000 employés n’ont aucune stabilité, avec des journées qui peuvent aller jusqu’à 18 heures de travail. Certains travaillent pendant 40 jours sans avoir la semaine de repos réglementaire dans l’industrie (où l’on travaille 21 jours et où on se repose 7 jours). Beaucoup d’entre eux ne sont pas affiliés à la sécurité sociale, ceux qui sont en période d’essai ne sont pas payés, les logements sont insalubres et les salaires sont misérables : Un ouvrier de base reçoit à peine le salaire minimum soit un quart de ce que perçoivent les salariés en contrats indéterminés.
Le système de la sous-traitance et l’hostilité des entreprises a empêché la syndicalisation des ouvriers. Pourtant, ces derniers mois, un grand nombre d’entre eux ont décidé de présenter leurs revendications et se sont lancés dans la lutte. Certains travailleurs temporaires se sont affiliés à l’Union Syndicale Ouvrière, la USO. Aux exigences qui leur ont été présentées, Cepcolsa et Montajes J.M. ont répondu par des fins de contrats pour se moquer des revendications et se débarrasser des ouvriers. C’est l’étincelle qui a fait naitre le conflit actuel.
L’éditorial du journal El Tiempo du 20 juillet évoque un soi-disant « plus grand espace » pour la syndicalisation dû aux « accords signés entre Bogotá et Washington, afin de débloquer le Traité de Libre Commerce entre la Colombie et les Etats-Unis qui doit être examiné par le Congrès nord-américain ». Mais en réalité, les événements de Puerto Gaitan montrent plutôt la comédie orquestrée par le président Santos, car il ne s’agit en réalité que de laisser faire les compagnies à travers l’utilisation des différentes modalités de sous-traitance – Qu’on les nomme « coopératives de travail associé », temporaires, ou quoi que ce soit – et de nier la stabilité laborale, en considérant comme une blague les droits d’organisation et la négociation collective.
L’éditorial déjà cité souligne également que « Pour trouver une solution aux controverses, le vice-président Angelino Garzón joue un rôle clef et ce sont ses services qui ont cherché à contacter les parties pour qu’elles se mettent d’accord » et il regrette que « le fonctionnaire ait fait un faux pas (…) quand il a accusé les entreprises pétrolières d’ ‘indolence’ et a affirmé qu’elles doivent comprendre qu’elles ne sont pas dans une République bananière ». En fait, ce genre de discours est le livret officiel qui permet de tromper le mouvement ouvrier et la lutte populaire, il a déjà servi à dégoupiller des bagarres importantes dans le bureau d’Angelino, qui a licence pour dire des choses qui continuent à le faire apparaitre comme un personnage de gauche.
En effet, la CUT et la USO ont signé un accord avec Garzón et ont suspendu le mouvement d’ampleur qui s’était déclenché, sur la base de quatre promesses qui n’engagent absolument pas les entreprises à résoudre le terrible régime imposé aux travailleurs : 1) La réalisation le 3 août d’un « Dialogue Social à Puerto Gaitán, en présence de toutes les autorités nationales, départementales, municipales compétentes, les organismes de contrôle, l’industrie pétrolière présente sur la municipalité, avec ses forces vives et les représentants du mouvement syndical. Cette réunion aura pour objectif d’analyser en profondeur la problématique sociale, les impacts de l’activité pétrolière et de trouver des solutions » ; 2) Convoquer « la Table de concertation de politique salariale et laborale concernant le secteur des mines et de l’énergie » ; 3) Rechercher des mécanismes pour reprendre sous contrat les travailleurs que Montajes J.M. a laissés sans emploi, et 4) Pas de représailles contre ceux qui ont participé au mouvement de protestation.
Les batailles livrées par les travailleurs du pétrole de Puerto Gaitán font partie d’une nouvelle étape des luttes ouvrières en Colombie, où le prolétariat a dû recommencer à remonter la pente par la conquête de droits élémentaux comme celui de s’organiser et celui de la stabilité de l’emploi. C’est le même type de luttes que livrent les salariés de la floriculture, les coupeurs de canne, et beaucoup d’autres en vue qui apparaitront tôt ou tard.
En Puerto Gaitán renace la lucha de los corajudos petroleros, Colectivo de abogados Jose Alvear Restrepo Traduction : Coordination Populaire Colombienne à Paris