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Douze des treize personnes détenus à la suite des attentats du 2 juillet dernier à Bogota font partie du Congrès des peuples, mouvement social et politique né en 2010. Ils ont participé aux grandes mobilisations paysannes et indigènes à l'échelle nationale. Qui sont-ils ?
« Parce que nous faisons partie du mouvement social et parce que nous sommes organisés nous sommes continûment des suspects aux yeux du gouvernement. Et parce qu'ils doivent obtenir des résultats, les étudiants, les paysans et les indigènes sont des proies faciles », déclare à Verdadabierta.com Alberto Castilla. Sénateur du Pôle démocratique et membre du Congrès des peuples.Ce mouvement trouve son origine dans la minga de résistance indigène de 2009, lorsque environ 12 000 indigènes avaient pris la route panaméricaine pour protester en raison du non respect des accords signés par le gouvernement en 2004.
À la suite de cela des processus sociaux se sont joints, ainsi que des organisations de jeunesse, des étudiants et des syndicats pour donner naissance à une minga social et communautaire
Depuis 2010 ce mouvement social et politique est présent à l'échelle nationale dans des régions où existe le conflit armé. Depuis lors ils se sont constitué en nouvel acteur politique.
Un an plus tard, environ 10 000 personnes provenant de diverses régions du pays se sont rencontrées à Bogota pour réaliser le Congrès constitutif de l'organisation. Ils ont alors lancé la Projet du pays pour la vie digne. « Depuis lors nous travaillons dans les villages, dans les quartiers, dans les universités, avec les gens d'en bas pour la construction d'une alternative pour le pays », affirme le sénateur.Dans le mouvement confluent avec une forte présence du mouvement étudiant – organisé dans la Mesa amplia nacional estudiantil –, le secteur paysans – organisé dans le Coordinador nacional agrario – et les communautés indigènes – organisées dans l'Asociacion de cabildos indigenas del Norte del Cauca et le Concejo regional indigena du même département.
« Aux actions de masse s'ajoutent les congrès que nous avons réalisés pour tracer notre propre modèle d'action politique, comme le congrès pour les terres, le territoire et la souveraineté en 2011, ou le congrès pour la paix en 2013.
Ces congrès ont établi nos propositions, comme la Table de dialogue, indépendamment de celle des guérillas, avec les mouvements sociaux et le mandat pour la terre et le territoire », affirme Castilla.Malgré le fait que le mouvement agisse socialement dans des régions où existent les FARC et l'ELN, les porte-parole ont affirmé qu'il n'existe aucun lien avec les insurgés. « Ils ont leur espace, et nous le nôtre, nous sommes à l'écart de la lutte armée comme issue politique à la situation du pays », déclare Sebastian Quiroga, politologue et et porte-parole du Congrès des peuples. Il ajoute : « On a toujours utilisé la mobilisation comme outil de contestation, ce qui nous éloigne radicalement de l'emploi de la violence politique et du recours aux armes ».
Existe-t-il une relation avec l'ELN ?
Les membres du Congrès des peuples disent que ce n'est pas parce qu'ils sont d'accord dans certaines régions avec la guérilla pour parce qu'ils s'opposent à l'exploitation pétrolière ou encore parce qu'ils partagent le principe de « pouvoir populaire » hérité de la théologie de la libération du curé Camilo Torres qu'ils doivent être considérés comme des guérilleros.« Les guérillas ont leur agenda, ils peut exister des points communs, mais notre action politique part de la vie civile. Il semblerait que le gouvernement ne le comprend pas », assure Quiroga.La semaine dernière la police a mené une opération contre un supposé réseau urbain du Front Domingo Lain de l'ELN, accusé d'être responsable des deux pétards contre les locaux de l'AFP Porvenir et d'autres faits qui ont altéré l'ordre public en 2014 et au début de 2015.
Lors de l'audience d'accusation le parquet n'a rien pu prouver que la participation de David Camilo Rodriguez, alias « Le Prof », dans les faits qui ont secoué la capitale du pays le 2 juillet dernier. Et selon des porte-parole de l'organisation Rodriguez n'appartient pas au Congrès des peuples.Concernant les douze autres détenus la justice à signalé qu'ils ont participé à une journée de protestation le 20 mai à l'Université nationale, durant laquelle ont été blessés neuf membres du bataillon mobile antiémeute (ESMAD).
Ils ajoutent qu'il existe des preuves du lien entre « El Profe » et certains des participants à la manifestation, notamment pour la production de « papas »-bombes et d'autres éléments de propagande. Ce sont des faits qui restent encore à éclairer. Mais le lien entre les accusés et ce qui est arrivé à Porvenir n'existe pas.Achevé l'audience d'accusation, Gerson Alexander Yacumal et Heiler Lamprea ont été accusés de rébellion et de terrorisme. Les neuf autres membres du Congrès des peuples ont été accusés des délits de trafic d'explosif, de port d'explosif et de fabrication d'explosif, et de violence contre les employés du service public. Dans le cas de Paola Salgado, qui a travaillé dans la secrétariat à la santé de l'hôpital de Suba, s'ajoute le délit de port d'armement explosif réservé à la force publique.Face à cette situation le sénateur Catilla dit que les accusés sont victimes de montages judiciaires et que, au contraire, ils sont tous des défenseurs des droits humains dans différents secteurs du mouvement.« Le parquet condamne le fait de lire Camilo Torres et d'exprimer ses idées comme une apologie de la guerre, alors qu'il existe différents versants au camilisme, comme le christianisme, qui ne sont pas armés », dit Sébastian Quiroga. De la même façon, le mouvement établit que le gouvernement doit les reconnaître comme l'acteur politique qu'ils sont. Ils ont servi d'interlocuteur dans le développement de différents espaces sociaux, ainsi le secteur paysan lors de la Mesa nacional de interlocucion y acuerdo (MIA).
Persécution politique contre les mouvements sociaux ?
À la fin de 2014 la Marche patriotique a dénoncé la persécution et la criminalisation dont avaient été victimes ses militants depuis la constitution du mouvement en 2010.
Le document signale qu'en cinq ans d'existence 28 de leurs membres ont été assassinés dans le pays, dont 12 personnes assassinées par la force publique et 16 par des acteurs non identifiés.
À cela s'ajoutent les détentions et les procès contre les étudiants, les professeurs et les syndicats de l'organisation, comme dans le cas de notre universitaire Francisco Tolosa, qu'ils ont accusé de rébellion agravée parce qu'il a, soi-disant, appartenu à la commission internationale des Farc et parce qu'il serait le numéro deux du Réseau urbain Antonio Narino de cette guérilla. Plusieurs mois plus tard, ne pouvant pas prouver ces faits, ils ont dû le libérer.
La même chose pour Omar Marin, Jorge Eliecer Gaitan et Carlos Lugo, trois étudiants appartenant à la Fédération des étudiants universitaires. Ils ont été arrêtés et accusés du délit de rébellion dans le développement des protestation de la Mesa amplia nacional estudiantil.
Trois ans plus tard rien n'a été prouvé, ils ont dû être libérés.Ainsi donc, bien que ce soit le premier cas d'arrestations massives concernant des membres du Congrès des peuples, nous avons déjà plusieurs dénoncé les persécutions contre plusieurs dirigeants dans les départements de Santander, Arauca et à Bogota. L'un des cas les plus connus c'est l'assassinat de Carlos Pedraza, coordinateur du Mouvement des masses social et politique du Centro oriente. Dans des circonstances étranges il était apparu avec des tirs dans la nuque et avec des signes de tortures sur son corps.Quiroga signale que le soutien aux dialogues de paix de La Havane et la demande d'ouvrir les dialogues à l'ELN met en danger les militants des droits humains face aux groupes de l'extrême droite.Pour le moment si l'accusation contre les douze membres du mouvement était prouvée, ses représentants se réuniraient pour analyser les faits et faire une déclaration face à l'opinion publique. Cependant, conclut Castilla, ils restent sur une position de présomption d'innocence et du droit à protester.L'histoire n'est pas finie, et on attend le verdict du juge, lequel détermine s'ils restent en détention provisoire.