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19/09/2017

Les communautés de Pio XII et d’Orotoy de Guamal (dans la région du Meta) luttent depuis février pour que l’entreprise Ecopetrol ne s’installe ni pour explorer ni pour exploiter un puits qui se trouve sur la propriété de La Porfia. Depuis huit mois, ils s’organisent pour affronter Goliath. Ils ont mis sur pied un Comité environnemental des communautés de Pie XII et d’Orotoy pour la défense de l’eau et de la vie. Ils protègent les régions du Piedemonte Llanero, là où naissent les rivières. Ils savent que ni le pétrole ni l’argent ne se boit et que, sans eau, il n’y a pas de vie. Les habitants de ces communautés sont des paysannes et des paysans humbles, très attachées à leur territoire, qui ont passé leur vie à cultiver leurs terres et à prendre soin de leurs animaux. Comme nous disait l’un deux : « Avec deux hectares, je me suis occupé de mes trois fils et j’ai payé leurs études. Nous menons cette lutte non seulement pour nous, mais pour nos enfants et nos petits-enfants aussi, pour les générations futures ».

Pendant ces 8 mois, ils ont maintenu une vigile pacifique 24 heures par jour devant la propriété de La Porfía (le lot de 9 hectares qu’Ecopetrol a acheté à des fins de forage et d’exploration) qu’ils ont baptisée avec ironie le projet Trogon 1, « trogon » étant le nom d’un oiseau de la région, très beau avec ses couleurs vives. Ces derniers mois, cet oiseau a d’ailleurs été contraint de quitter peu à peu son habitat en raison de la présence de machinerie lourde qui déplace tant de terre. Il est à noter que Repsol a acheté 45 % de tout le grand projet comme le Bloc CPO09, qui englobe cinq municipalités du Meta.

Les institutions, le maire de Guamal en tête, protègent Ecopetrol et répriment ceux et celles qui participent à la vigile. Plusieurs pressions sont faites pour leur faire abandonner la lutte, entre autre l’aide alimentaire d’une femme a été interrompue.

Les habitant.es de la communauté demandent qu’Ecopetrol et que Repsol se voient retirer leur permis environnemental, pour les raisons suivantes :

1— Il n’est pas possible d’exploiter des terres situées à moins de 575 mètres au-dessus du niveau de la mer, Pio XII n’étant que partiellement au-dessus de ce seuil.

2— Selon l’Union agricole familiale (Unidad Agrícola Familiar – UAF), une exploitation agricole devrait être minimalement de 28 hectares, et toutes les fermes de la région n’atteignent pas ce seuil, la majorité n’en comptent que 3 ou 4. De plus, il s’agit d’une zone très peuplée.

3— Les communautés et municipalités de Guamal, Acacias et Cubarral sont menacées par un grand risque de perturbations sismiques et d’inondation en raison de la faille de Villavicencio. Cela vaut tout particulièrement pour les communautés qui se trouvent au-dessus de 575 mètres.

4— La voie d’entrée par laquelle passent tous les camions et la machinerie d’Ecopetrol ne sera pas en mesure de supporter la machinerie lourde. Cette voie a été construite par les habitants de la région au prix de nombreux d’efforts. Cela dit, cette voie s’est beaucoup détériorée ces derniers mois depuis qu’Ecopetrol y fait passer continuellement ses camions et ses machines.

Les communautés ont sollicité le dialogue auprès d’Ecopetrol et de la Mairie, afin de connaître les détails des projets de l’entreprise. Cela leur a toujours été refusé. Ecopetrol ne discute qu’avec les maires et les conseillers qui les appuient. Toutefois, ils n’ont jamais communiqué avec les communautés concernées et n’ont pas donné suite aux nombreuses pétitions.

Le 24 juin, l’Escouade antiémeute (Escuadrón Móvil Antidisturbios – ESMAD) a été mobilisée pour veiller en permanence, conjointement à la police, sur la propriété d’Ecopetrol, tout juste devant la vigile pacifique. L’armée est également venue sur les lieux.

En août, les communautés ont formé la Table de convergence sur les ressources hydriques de Guamal, qui œuvre en relation et en coordination avec les autres tables de convergence de la région.

Toutes les ressources mises en commun proviennent des personnes qui, par conscience, se sont organisées pour affronter Ecopetrol et son projet de mort. Certain.es font preuve de solidarité à leur égard, sans plus. Les économies de certaines familles ont été dépensées dans la lutte qui dure depuis huit mois. En dépit de cette situation, elles poursuivent leurs efforts. La solidarité est importante !

Le 18 août, quatre camarades se sont cadenassées et ont bloqué l’entrée à la propriété d’Ecopetrol. Elles ont également déclaré une grève de la faim. Le 19 août, à 4 h, un grand nombre des membres des forces policières et de l’ESMAD sont arrivés sur les lieux et ont commencé à battre les camarades cadenassées et tous les gens qui se trouvaient avec elles. Ils ont arraché et coupé les cadenas avec des pinces, un acte brutal de la part des forces de sécurité de l’État contre une action totalement pacifique. Comme il n’y avait pas d’ambulances pour soigner les blessé.es, ils ont appelé le Bureau du protecteur du citoyen et une ambulance de la Croix rouge est finalement arrivée sur les lieux.

Toutefois, la lutte n’a pas été menée en vain par ces femmes et par ces hommes. Elles et ils ont conquis une certaine visibilité et la solidarité d’autres organisations comme les groupes Corporación Chuapo, Censat Agua Viva Amigos de la Tierra Colombia, le Comité civique des droits de la personne du Meta (El Comité Cívico por los DDHH del Meta) et d’autres. Elles et ils ont aussi réussi, grâce à leur persévérance, à obtenir du Bureau du procureur la suspension du projet jusqu’à nouvel ordre. De plus,  Ecopetrol pourrait écoper de sanctions pour les dommages faits à l’environnement.

Un document, rédigé par le procureur responsable des questions environnementales dans les plaines orientales, Hilmer Fino, a relevé huit éléments qui constitueraient des irrégularités ou des manquements à l’engagement de la part d’Ecopetrol au moment de construire le puits et il demande à l’Autorité centrale des permis environnementaux (Autoridad Nacional de Licencias Ambientales - ANLA) qu’elle mène une enquête, mais aussi de le faire « le plus brièvement possible et avant que soient causés des dommages irréversibles, en attendant quoi toutes les activités d’Ecopetrol sur la plateforme du puits d’exploration Trogon 1 sont suspendues ». Selon le procureur, les étendues d’eau et le type de production agricole de la communauté, celles qui prévalent dans les fermes de moins de trois hectares, pourraient être menacées.

Le réseau RedHer a accompagné la mobilisation pendant quelques jours et nous avons été témoins de la manière dont les forces policières, l’ESMAD et l’armée ont mené leurs interventions. Ces forces ont pour mission, en principe, de protéger la population. Qui plus est, leurs services se paient avec les impôts de toutes les Colombiennes et de tous les Colombiens. Ainsi, ils se trouvent à servir, sous les ordres de l’État colombien, les multinationales (comme Repsol) qui exploitent impunément les ressources de la Colombie, et ce, sans remplir les devoirs qui leur incombe en vertu du permis environnemental et sans prendre en compte les communautés. Enfin, ils le font tout en sachant bien que de nombreuses familles paysannes seront déplacées de force, sans compter que les sources d’eau risquent de se tarir et que la biodiversité de la région pourrait être affectée.

Nous sommes arrivés au moment où les policiers escortaient des travailleurs engagés par une entreprise sous-traitante d’Ecopetrol pour couper les branches du chemin qui gênaient le passage de la machinerie lourde. Ces branches étaient celles d’arbres qui se trouvaient sur les fermes des habitant.es et qui ombrageait le chemin. La coupe a été entreprise sans même en discuter avec les propriétaires des fermes en question. Les membres de la communauté se sont interposé.es pour empêcher les travailleurs d’exécuter leur besogne, mais ces derniers se cachaient derrière la police. Cela a duré toute la journée de dimanche (il semble qu’ils ne s’arrêtent même pas le dimanche, tant ils sont pressés) et de même le lundi et ils ont finis par couper beaucoup. Ils ne paraissaient comprendre que la violence et c’est ce qu’ils mettaient en œuvre, seulement la violence, et jamais le dialogue, sans même jamais tenter de comprendre. La communauté, des plus agacée, a demandé aux policiers, si ces derniers représentaient vraiment les autorités, qu’ils exigent de l’entreprise qu’elle demande la permission avant de couper les branches, elle qui n’avait ni même adressé la parole aux propriétaires des arbres. À la fin d’une longue attente est venue une ingénieure spécialiste de l’environnement et elle s’engageait à la tenue d’une réunion le mercredi 6 septembre en après-midi.

Ce même jour, une camarade de la vigile nous a appelés pour nous faire savoir qu’encore plus de policiers et de membres de l’ESMAD s’étaient présentés sur les lieux et que le jour suivant allait arriver la foreuse. Ainsi, voilà la réunion promise.

Ceci est la paix dont se targue Santos, la paix désirée par les multinationales extractivistes et qui leur est nécessaire. Si tel est le cas, qu’elles n’osent pas parler de paix aux communautés de Pio XII et d’Orotoy.

Auteur.trice
REDHER