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25/11/2019
Cristina Bautista gouverneure du peuple Nasa et cinq gardes autochtones ont été assassiné le 29 octobre dernier, nous partageons les mots de Claudia Korol : 
Lorsque les oiselles prennent leur envol, certaines montent plus haut, peut-être parce qu'elles ont la force des ancêtres, peut-être parce qu'elles ne traînent pas le poids des mauvaises habitudes, peut-être parce qu’elles prennent la route avec plus de determination. Quand elles volent plus hauts, une balle patriarcale les pointe et... tire! Parce que le pouvoir patriarcal, colonial et capitaliste ne tolère pas que les oiselles indiquent des chemins et dessinent des empreintes dans l’air, remettant en question leur domination historique.
Mais Bety Cariño, Berta Cáceres, Macarena Valdés, Marielle Franco et tant de sœurs continuent de dessiner notre ciel... pas celui de "l'au-delà", mais celui du "ici", celui qui nous abrite et que nous rencontrons.
Aujourd'hui, Cristina Bautista, autorité du peuple Nasa dans le Cauca, a été abattue. Elle parlait clairement et elle était fermement résolue à accompagner son peuple dans le contrôle et la défense du territoire, à prendre soin de la paix, de l'autonomie des communautés et des peuples.
Cristina volait haut. La balle meurtrière l'a cherchée et l'a trouvée. Mais Cristina n'est pas tombée. Elle a commencé à se multiplier dans nos cœurs, elle est devenue un territoire, une rivière, des forêts, la parole qui avance, des femmes qui volent.
En ces jours où les habitant.e.s d'Abya Yala se soulèvent, depuis Haïti jusqu'à la forêt méridionale de Wallmapu, Cristina et toutes les sœurs tuées dans des féminicides territoriaux crient une parole vraie. Nous les écoutons. Dans toutes les régions, les oiselles prennent soin de l'indignation, de la rage digne, et se renaissent dans nos cris de "Ya Basta".
Les politiques de mort et les politiques de vie se livrent bataille aux quatre coins du continent et du monde. En traversant les mers, en Equateur et au Kurdistan, au Liban et au Chili, les machistes fascistes font face au peuple et tirent sur les femmes et leurs visages de dignité.
Il n'y a pas de place pour l'indifférence. Il n'y a pas de place pour la tiédeur. Il n'y a pas de place pour le calcul des coûts et des avantages. Il n'y a pas de place pour la démobilisation. Il n'y a pas de place pour déléguer le pouvoir du peuple dans des représentations électorales. Les peuples se retrouvent face à face avec la guerre que leur ont déclarée les Piñera, les Bolsonaro, les Erdogan, les Macribullrich, les Duque fils d'Uribe et leurs bras droits.   Les peuples Nasa, Mapuche, Maya K’iché, Qom, peuples amazoniens. Face au feu des armes, face au feu des forêts en flammes, face au feu des féminicides territoriaux, des peuples debout brandissent des drapeaux et plus de cinq siècles de courage.
Les balles n'ont pas de frontières. Ils tirent avec le pouvoir transnational. Face à cela, nous nous soulevons avec le pouvoir féministe, plébéien et plurinational. D'en bas, là où les racines ne peuvent pas être arrachées, et du ciel que nous parcourons avec les yeux de nos sœurs toujours présentes, toujours libres, enveloppées dans des couvertures de dignité.
Cristina Bautista, nous disons ton nom avec amour, et nous nous engageons, envers toi, envers ton peuple, à ne pas nous fatiguer, à ne pas abandonner le chemin que tu a indiqué. Paix. Autonomie. Autorité territoriale. Justice. Liberté.

 


Claudia Korol
30 octobre 2019
Auteur.trice
Claudia Korol