L’AQOCI, organisation qui regroupe la très grande majorité des OCI au Québec, est à coup sûr en état d’alerte. Elle convoquait une assemblée générale spéciale de ses 65 membres le 17 février dernier dans le tout nouveau bâtiment, la Maison du développement durable, à Montréal, rue Ste-Catherine Ouest. L’ordre du jour était chargé. Thème de la journée : « L’urgence d’agir ; l’aide en question ! » Ce texte est le premier d’une série de trois. Nous commençons par le document que l’AQOCI faisait parvenir à ses membres à cette occasion. Ce document d’orientation est sans équivoque : « La solidarité internationale évolue dans des conditions de plus en plus incertaines pour la pérennité de nos organisations » affirme le communiqué de la direction envoyé avec ce document. Quelle est la teneur de cette incertitude désormais partagée par l’ensemble des OCI?
Le contexte actuel de la coopération internationale au Canada : fin d’un contrat social de plus de 40 ans
En fait, le Canada est partie prenante d’un nouveau cadre de partenariat issu d’un 4e forum à haut niveau sur l’efficacité de l’aide (FHN4) qui s’est déroulée à Busan, en Corée du Sud. Julia Sanchez, directrice du regroupement canadien des OCI, le CCCI et l’AQOCI par son directeur, Gervais L’Heureux, y ont participé : « L’article 22 du document final de ce forum précise que l’on doit permettre à la société civile d’évoluer dans un environnement favorable à la réalisation de son rôle important dans le développement » nous dit le directeur de l’AQOCI qui s’empresse d’ajouter « Oui mais qu’en est-il de cet engagement pour le Canada ? » En réalité, rien ou presque rien affirme d’entrée de jeu le document d’orientation de l’AQOCI.
Pour tout dire, la réforme en cours de l’ACDI « s’insère dans un changement de paradigme plus large du rapport entre le gouvernement canadien et la société civile ». Quand les Conservateurs étaient au pouvoir mais minoritaires, on les voyait venir! Devenus majoritaires, ils sont passés à la vitesse grand V pour tout changer. La relation de confiance relative qui existait n’est plus là. La société civile est devenue un irritant pour ce gouvernement, pas un apport. En fait, ce que j’en disais moi-même il n’y a pas si longtemps se confirme : « c’est un contrat social, vieux de 40 ans, entre les OCI et l’ACDI que le gouvernement Harper, devenu majoritaire, est en train de transformer de fond en comble. Or les OCI dont un grand nombre sont nées dans la ferveur de la solidarité avec le Sud au cours des années 70 cumulent des décennies de travail et d’expertise avec leurs partenaires du Sud. C’est 40 ans de travail qui est compromis et 40 ans d’expertise qui est en train de se perdre ».
Les coupures sont tellement drastiques (on y reviendra dans un prochain article) que toutes les organisations vivent « un conflit interne entre la capacité de prendre la parole…et celle de survivre…sous peine de miner les principes mêmes de la coopération et de la solidarité » telles que pratiquées depuis des décennies. Comment cela se passe-t-il? L’ACDI met en application depuis quelque temps déjà une «approche compétitive par appel de propositions» à la manière des contrats du secteur privé. Pourtant la différence est nette : il s’agit ici de l’intérêt général! L’effet a été immédiat : les organisations les plus fortes étaient suffisammnent équipées pour faire face à cette musique, les petites ont piqué du nez. Ils ne faisaient pas le poids. On verra cependant que plusieurs des plus grandes ont aussi été affectées par de très sévères coupures.
Le tableau ne serait pas complet sans dire que le tout se déroule dans une atmosphère où les signaux politiques sont assez clairs. La sensibilisation du public à des situations comme le rôle des minières canadiennes dans les pays du Sud par exemple, vaut mieux éviter çà! Et si la sensibilisation sert à mobiliser l’opinion publique pour exiger une responsabilité sociale et environnementale de ces entreprises, c’est que vous cherchez le trouble. Bref, les «partenariats» sont désormais évalués à la pièce, «sur une base concurrentielle, sans égard à l’historique qui les sous-tend…de plus en plus forgés» en tenant compte de la «politique de défense et commerciale» du Canada. Résultat, la marginalisation de l’engagement du public et le plaidoyer. En clair, une invitation à la docilité stratégique.
Le talon d’Achille du modèle québécois de coopération internationale
La nouvelle politique de l’ACDI est en train de tuer l’ancienne car elle prend véritablement le taureau par les cornes : a) le processus compétitif met à mal les petites organisations peu outillées en temps et en argent pour jouer cette partition; b) les réponses de l’ACDI tardant à venir ont créé une instabilité et forcé tout le monde à puiser dans ses réserves; c) les partenaires du Sud se sont faits annoncer que l’ACDI est en mode de refus, en tout ou en partie, des demandes de financement faites depuis longtemps (un an, 18 mois, deux ans même), les faisant ainsi entrer dans une période de démobilisation partielle; d) les organisations ici se dirigent lentement mais assurément vers des coupures de poste; e) les activités de plaidoyer entrent dans un processus d’autocensure.
Mais c’est le contexte général quelque peu pourri de cette coopération internationale qui empêche une riposte collective forte pour l’instant du moins: le premier maillon faible concerne la trop grande part du financement public signale lucidement le document d’orientation de l’AQOCI. Par ailleurs, le public plus ou moins informé, les médias traditionnels faisant régulièrement leurs ravages avec la question qui tue ou qui fâche : l’argent se rend-t-elle vraiment au Sud? « Une opinion publique de plus en plus critique » de dire le document. Critique peut-être! Sceptique certainement!
Mais si ce n’était que çà! Des ONG confessionnelles (évangéliques surtout comme Vision Mondiale par exemple) s’emparent du marché de la compassion avec une grande efficacité depuis quelques années comme je l’ai déjà souligné dans un billet de mon blogue. Sans compter la fièvre religieuse des certaines ONG d’origine catholique qui prennent le virage à droite du Vatican (Caritas notamment).
Mais il y a plus encore! C’est la crise existentielle émergente dans certaines organisations : faut-il continuer à développer ou pas? Et si on dit oui au développement, plutôt qu’à la décroissance, quel développement? Bref, l’assurance de faire des interventions de solidarité pertinentes est moins présente qu’auparavant.
Finalement, dans la situation actuelle de raréfaction des ressources dédiées à la coopération internationale, la tentation est grande pour certaines OCI de développer des stratégies de survie. Avec le «danger de faire cavalier seul» de souligner le document. Autrement dit, sous prétexte d’un resserrement du financement public, l’engagement citoyen semble dans certains cas céder la place aux permanences des organisations. Avec le résultat que les populations censées être bénéficiaires de cette coopération passent du statut de partenaires à celui de simples clients.
Les politiques actuelles du gouvernement fédéral, principal levier de la coopération avec le Sud, force aujourd’hui toutes les OCI à se reconfigurer. Le financement public est de plus en plus sélectif. D’autre part, la crise écologique les force à se poser de front la question suivante : comment réinventer l’économie, au Nord comme au Sud, et l’orienter vers un type de société qui entend non seulement être porteuse de justice économique et sociale mais également respecter les équilibres écologiques ? Croissance ou décroissance ? Développement mais quel développement ? Nous y reviendrons.
Crise de la solidarité internationale (2) : l’hécatombe
Dans un premier billet, je disais que l’AQOCI, l’organisation qui regroupe la très grande majorité des OCI au Québec, est en état d’alerte maximum. Elle tenait une assemblée générale spéciale à la Maison du développement durable. Près d’une centaine de représentants d’OCI y participaient en réponse à l’invitation de la direction de l’organisation.
Ce n’était pas une journée de décisions mais d’exploration pour bien diagnostiquer le tournant en train de se prendre et examiner ce qui pourrait se faire compte tenu de la force avec laquelle les décisions de l’ACDI ont frappé. Dès l’inscription, me dit mon collègue Mathieu qui était sur place toute la journée, on se rend compte de la diversité et de la richesse de la participation à l’assemblée. Les membres de l’AQOCI sont venus en grand nombre et représentent la plupart des secteurs de la coopération internationale. On y retrouve également toutes les régions du Québec. Cette représentation variée allait de CARE à l’Entraide missionnaire, du CECI à Alternatives, du CISO au Comité pour les droits humains en Amérique latine, d’Équiterre aux Médecins aux pieds nus et à Médecins du monde, en passant par Oxfam-Québec, le SACO et SUCO, etc. Bref, de la richesse dans la diversité.
Le désastre annoncé
Évidemment, l’heure n’était pas aux réjouissances. Certaines organisations risquent en effet de fermer leurs portes, d’autres vont licencier du personnel. Et ce qui fait le plus mal : dire à ses partenaires du Sud que bien des choses devront être en suspens pour des mois sinon définitivement compromises. « Ce type de décision a comme conséquence que nous devons aviser nos partenaires terrain des projets non retenus, que nous ne pourrons plus les appuyer après le 31 mars 2012. De plus une partie de nos employés seront remerciés. Par ailleurs, nous avons d’autres projets en cours dans les pays non retenus. Ils sont à risque car nous ne savons pas si nous pourrons continuer nos activités avec eux » de me dire le directeur d’une importante ONG (pour dire ici que les petites organisations ne sont pas les seules touchées).
Pour ma part, le vent a radicalement tourné au sein de l’ACDI d’affirmer Dennis Gruending, journaliste de métier, auteur de plusieurs livres dont le dernier est Pulpit and Politics : Competing Religious Ideologies in Canadian Public Life (2011). Ce livre traite de la montée de la compétition entre chrétiens progressistes et chrétiens conservateurs au Canada. Il vient de signer un article bien campé dans le Ottawa Citizen à l’effet que cette compétition religieuse vient de rebondir dans le secteur de la coopération internationale.
En effet, après avoir effectué un premier décorticage des informations en provenance du ministère de Mme Oda concernant les projets acceptés dans le dit «processus d’appels de propositions», il est fort révélateur d’y retrouver cet élément nouveau : la préférence pour des groupes chrétiens conservateurs – les évangéliques – comme Vision mondiale – tel que suggéré par Dennis Gruending. Cette organisation reçoit plus de $11 millions sur 5 ans pour des projets au Mali, au Ghana, au Sénégal et en Sierra Leone dans le secteur de la sécurité alimentaire. Ce n’est pas tout, sur une vingtaine de projets dans la catégorie des projets de plus de $2 millions, Vision mondiale va chercher le plus gros montant des $111 millions de cette catégorie. Ici il faut évidemment avoir en tête que Kaïros, une ONG chrétienne progressiste financée par l’ACDI depuis plus de 30 ans, a été rayée de la carte de l’Agence fédérale en 2009. Son travail dans le Sud consistait dans la défense de droits humains dans les pays les plus à risque en la matière. Cherchez l’erreur!
On peut aussi mentionner pour fin de comparaison que SOCODEVI, une organisation d’une tout autre nature que Vision Mondiale, qui est laïque, liée au mouvement coopératif québécois (25 ans d’histoire dans des partenariats de longue durée dans le secteur de la sécurité alimentaire) reçoit $7 millions sur 5 ans pour ces projets en Bolivie, au Pérou et au Vietnam mais se voit refuser pour $11 millions de projets au Mali, au Sénégal, au Honduras et dans la région africaine du cacao (Côte d’Ivoire notamment). Tiens donc! Sans compter que UPA-DI, une OCI travaillant depuis 20 ans avec des organisations paysannes particulièrement en Afrique de l’Ouest, a tout perdu dans cet appel de propositions. Pas un rond! Rien! Nothing!
Au total, 53 organisations bénéficient donc de subventions dans les deux catégories (plus ou moins $2 millions) mais quatre fois plus ont été laissées en rade soit 174 sur 227. Un résultat global de 23%. Raisons officiellement invoquées : choix de pays et manque de ressources financières. Mieux ou pire! C’est selon! Gruending introduit une autre pièce : une nouvelle stratégie d’intervention émerge de l’ACDI aujourd’hui. Des ONG sont sollicitées pour «travailler» l’acceptabilité sociale des communautés locales où s’installent des minières canadiennes. «A positive spin!» titre-t-il en guise d’ironie. Plus sérieusement, il en appelle du pasteur de l’Église unie du Canada, le révérend Bill Phipps, pour signaler les effets pervers de telles opérations au Burkina Faso, au Pérou et au Ghana. Et quel est l’ONG partenaire au Pérou? Devinez! Vision Mondiale. Le révérend diagnostique que fatalement des conflits risquent de se produire entre les intérêts des Minières et ceux des communautés. Où logeront alors les ONG en question? Il termine son article en disant : «c’est à surveiller de près!». Rappelons ici que Vision Mondiale est une ONG confessionnelle pentecôtiste américaine, la plus importante ONG au monde au plan financier, présente dans plus de 100 pays avec un dispositif de 22,000 missionnaires.
Une mobilisation politique s’impose
Ce désastre amène donc l’AQOCI à vouloir explorer de nouvelles avenues en s’inspirant de sa campagne Partenaires solidaires menée à l’occasion de l’élection fédérale de mai 2011. Elle s’adressait alors aux différents partis en place afin qu’ils réhabilitent un véritable partenariat de l’ACDI avec les OCI. Résultat : 55 candidats informés, 20 l’ont appuyé (réussite) ; 130 lettres d’appui du public à la campagne reçues par les candidats (Oups ! On visait 1000 lettres) ; 4283 visites sur le site créé par l’AQOCI à cet effet (réussite : on visait 3000 visites en 3 semaines !) ; présence dans les médias jugée satisfaisante (10 lettres d’opinion, un éditorial, 5 entrevues). Bref un succès mais un succès d’estime sans plus ! Pourquoi ? Les risques du plaidoyer étaient plus élevés en mai 2011 qu’il y a cinq ans ; la plupart des organisations sont débordées de travail ; l’intérêt pour se mobiliser est à géométrie variable et le «danger du cavalier seul» n’est pas très loin ; le manque de flexibilité des plus grandes organisations joue aussi dans les facteurs identifiés par l’AQOCI pour expliquer la chose.
L’allié majeur au cours de cette campagne: le NPD. Il est celui de tous les partis qui comprend le mieux la chose. Au lendemain des élections, il constitue l’opposition officielle. Un atout dans le moyen terme mais pas ou peu dans le court terme. Bref, la mobilisation politique est à relancer, ne sera pas facile et sera une longue guerre de tranchée pendant les 3 ou 4 ans à venir. Existe-t-il par ailleurs d’autres avenues à explorer simultanément ? C’est ce que nous verrons dans un prochain billet.
Crise de la solidarité internationale (3) : pistes de sortie de crise
Dans un premier billet nous avons vu que l’AQOCI avait sonné l’alerte. Dans le deuxième nous avons vu l’hémorragie du financement de ses membres par décision de l’ACDI datée du 23 décembre, ce qui est à l’origine de son assemblée générale spéciale du 17 février. L’AQOCI doit donc mobiliser ses membres mis en péril. Cette mobilisation ne fera cependant pas sans clarifier deux autres sujets : la crise existentielle latente de certaines OCI et la dépendance de la majorité des OCI d’un mono-financement public. Déplions un peu plus mais surtout terminons cette série par des pistes de sortie de crise.
En finir avec la crise existentielle sur la notion de développement
Le droit au développement? Oui peut-être mais quel développement ? La croissance contre le développement : vraiment ? Développement ou décroissance ? Et si, par hasard, la question était très mal posée. Si on parlait plutôt de stratégies de dépassement du modèle économique dominant pour contrer une triple crise qui est tout à la fois économique, sociale et écologique à la même hauteur. De là quelques propositions qui apparaissent présentement dans certaines organisations : 1) renforcer la maîtrise collective et internationale du réchauffement de la planète et contrer l’affaiblissement de sa biodiversité. En d’autres termes, il y a devoir de répondre à l’urgence écologique; 2) ne pas laisser se privatiser des biens considérés d’intérêt commun comme les secteurs sociaux stratégiques de la santé, de l’éducation ou de la culture, de même que les ressources que sont la terre, l’eau, les sources d’énergie, les forêts, etc.. En d’autres termes, le renouvellement de l’État et de ses politiques économiques, sociales et environnementales; 3) investir dans la démocratisation de l’économie et sa «biodiversité» comme l’avançait avec propos récemment le v.-p. de l’Alliance coopérative internationale (ACI) à Québec.
Bref, le travail de coopération internationale par le développement endogène de communautés locales est très loin de suffire. La recherche d’alternatives globales s’impose cependant avec une nouvelle perspective : celle de la défense des écosystèmes de la planète et la plus forte dimension internationale des pistes de sortie de crise. L’économiste Jean Gadrey constate que nous assistons « à la première crise socio-écologique du capitalisme financier et boursier, la première où la raréfaction des ressources et les dégâts écologiques ont eu une influence sur le plongeon économique ». Le diagnostic est excellent. Mais le même économiste nous dit : le dilemme n’est pas entre croissance et décroissance. La question est quoi faire croître et quoi ne pas faire croître ?
C’est en sortant de ce faux dilemme un peu paralysant que l’ensemble des OCI finiront pas reconfigurer leurs valeurs communes et se remettre en phase avec nombre d’organisations au Québec pour lesquelles la crise écologique est incontournable mais qui ne trouve pas solution dans le repli sur la simplicité volontaire et la formulation passe-partout de l’auto-développement à petite échelle.
Contrer la dépendance du financement public fédéral
Le financement public de la coopération internationale est parfaitement justifié et justifiable. Mais la question n’est pas là. Il faut que les OCI cessent d’être rivés à ce seul type de financement. Voici quelques pistes dont il faut poursuivre l’exploration.
1. L’expérience de l’ONG EnRacine
C’est par hasard que je suis tombé sur le numéro de janvier du magazine L’actualité. Dans la rubrique Monde, un article intitulé Les jeunes qui plantaient des arbres. L’histoire d’une petite ONG de Montréal née en 2007 qui soutient la reforestation dans une région devenue désertique au Nicaragua après qu’une multinationale eût siphonnée ces terres pendant 30 ans par une culture intensive du coton. 466,000 arbres plantés. EnRacine, nom de cette ONG soutenue initialement par la CDEC de Rosemont-Petite-Patrie et la Caisse d’économie solidaire Desjardins, est entré dans une démarche de financement qui l’a conduit à se stabiliser. C’est un financement dans la durée et qui n’est pas du tout un financement public mais bien plutôt celui du marché du carbone. EnRacine a profité du marché volontaire du carbone européen mais aussi canadien en vendant des crédits de carbone au Québec à des entreprises comme Cascades ou BMB (matériaux de construction). Au final, c’est 700 familles d’agriculteurs au Nicaragua qui en bénéficient. D’une pierre, deux coups! L’ONG se finance dans la durée et fait du développement durable en Amérique centrale. À plus grande échelle – parce que EnRacine, c’est de l’intervention micro – on peut imaginer qu’il y a là une source inexploitée en pleine expansion qui pourrait devenir fort pertinente.
2. L’expérience du Fonds Solidarité Sud : le patrimoine financier des retraités
Miser sur le patrimoine financier des générations qui arrivent à la retraite par la constitution de fondations ou de fonds de dotation. À l’initiative de personnes engagées depuis longtemps dans la coopération internationale, en provenance de différentes régions du Québec et de différents groupes de professionnels, un fonds de dotation a été créé en 2007 par un réseau devenu une association de solidarité en 2010. Ce fonds est le Fonds de dotation Solidarité Sud (FSS).
L’association et son fonds a, au plan financier, des objectifs ambitieux : disposer d’un fonds de capital de plusieurs millions de dollars afin de doter la solidarité internationale du Québec de meilleurs moyens et de meilleures garanties de durée et d’autonomie par rapport à toute autre source (publique, privée) de financement. Le capital est inaliénable. Ce sont les intérêts du Fonds qui sont utilisés. La composition du Fonds : des polices d’assurance vie, des legs testamentaires et des liquidités obtenues d’une cinquantaine de personnes faisant des dons majeurs mensuellement. Problème: le capital issu des legs testamentaires et des polices d’assurance ne profitera cependant qu’à moyen terme. Rien n’empêche ! C’est un outil financier innovateur à examiner de plus près tout comme les fondations que certaines OCI ont récemment mis sur pied.
3. Un fonds québécois d’investissement solidaire avec le Sud
Ici c’est un projet global qui concerne toutes les OCI. Il s’agirait là d’un fonds d’investissement bâti à l’image des fonds de travailleurs. Il serait soutenu a) par des fonds publics par des déductions d’impôts et une subvention de départ du gouvernement du Québec; b) par l’épargne de retraite des travailleurs qui y consentent étant donné les avantages; c) par le placement d’argent d’organisations syndicales, coopératives, universitaires, de solidarité internationale, d’associations professionnelles…Vous doutez!? L’OCI française Terre solidaire avec la SIDI l’a fait. La SIDI, née en 1983, est une société financière qui octroie des prêts, des garanties de prêts, et participe aux structures de financement de proximité dans le Sud qu’elle appuie. «Elle facilite ainsi l’accès au crédit des acteurs de l’économie populaire» dit-on à Terre solidaire. Son financement provient de placements à rendement social de ses membres. Au 1er janvier 2011, ce fonds atteint un encours de 60 millions d’euros, apportés par près de 5 000 souscripteurs.
4. Le projet d’une Agence québécoise de développement international (AQDI)
Nous en avons déjà parlé dans un billet qui a précédé cette série. Il est clair que la pleine maîtrise de notre développement au Québec en matière de coopération internationale participe du mouvement d’affirmation nationale au Québec, mouvement ouvert sur le monde depuis René Lévesque jusqu’à aujourd’hui. Figure de proue de ce projet : Louise Beaudoin, qui a longtemps, très longtemps été le porte-étendard des relations internationales pour le PQ et qui poursuit sa démarche à cet effet comme elle l’a manifesté directement comme invitée spéciale de l’AQOCI à son assemblée du 17 février. Dans un futur rapproché, n’importe quel gouvernement du Québec qui en aurait la volonté politique pourrait avancer $50 millions pour créer dès maintenant l’agence en question et simultanément demander le rapatriement du $800 millions que nous injectons comme Québécois annuellement dans l’ACDI. Les membres de l’AQOCI ont plutôt très bien accueilli le projet. Mais tous étaient conscients des écueils d’un tel projet : la mobilisation très large à faire sur le projet et le contexte tendu d’un mouvement nationaliste fragmenté. Enjeu pour la prochaine élection québécoise. À voir!
Ces quatre pistes ne sont pas mutuellement exclusives et ne sont pas les seules non plus. Elles nécessitent un effort considérable dans la durée. Une bataille avec des résultats escomptés à moyen terme mais commençant tout de suite. Et elles ne renient pas non plus la nécessaire mobilisation politique en direction de l’ACDI. Travail de longue haleine en vue. Chose certaine, les OCI devront davantage compter sur leurs propres moyens dans la décennie qui vient. Cette série de trois billets visait à poursuivre le débat. N’hésitez pas à me relancer en commentant l’un ou l’autre de ces trois billets!
Louis Favreau.
Collaboration à la recherche : Rejean Mathieu, professeur retraité (UQAM), membre du GESQ.
Source : Oikos blogue coopératif