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15/11/2006

Conjoncture :

crimes et politiques...

La nouvelle période présidentielle d'Uribe

Le 7 août 2006 Alvaro Uribe Vélez a pris possession du poste de président de la Colombie pour une deuxième période. Nageant dans une "ample" marge de popularité qui est vivement alimentée par les masses medias, Uribe commence son mandat dans la normalité d'un pays qui est en guerre depuis plus de 40 ans, où l'impunité sans gêne et les scandales qui jaillissent autour de la classe dirigeante ne semblent pas prêts de diminuer.

En parlant des médias

Le plus grand journal en Colombie, El Tiempo, s'est vu rétribuer ses services et dans le nouveau cabinet il y eut confirmation de la nomination de Francisco Santos au poste de Vice-président, alors que le ministère de la Défense fut octroyé à Juan Manuel Santos (oui, le fondateur de La U, le parti politique fondé pour promouvoir la réélection d'Uribe et fameux par les scandales le liant avec les paramilitaires), et le ministère de l'Environnement à Juan Lozano Ramírez, les trois membres de la Casa Editorial El Tiempo. Alors, cette " ample marge de popularité ", Uribe compte la dépenser en passant des projets de lois qui ne risquent pas d'être bien reçus par les Colombiens-nes : il s'agit, entre autres de la Réforme tributaire. Dans cette réforme, le gouvernement prévoit taxer de 10% certains produits comme le riz, la panela, les patates, dans un pays où plus de 65 % de la population est en dessous du seuil de pauvreté et trois enfants de moins de cinq ans meurent de malnutrition chaque jour. Alors que d'un autre côté, les impôts que paient les entreprises filiales détenues majoritairement par des entreprises étatsuniennes ont diminué de 45.8% entre 1983 et 1999 De plus, l'impôt 4 pour 1000 sur toutes les transactions financières -impôt de guerre- serait désamorcé progressivement d'ici à 2010, donc prolongé encore une fois.

En " démocratie " malgré les fraudes

Les fraudes électorales sont monnaie courante en politique colombienne, dont la plus récente fut, par coïncidence, la fraude qui a aidé Uribe dans les élections pour son premier mandat. Connue populairement comme " la fraude électorale de 2002 ", quelques 337 000 voix ont été "recrutées" aux élections législatives, par pot-de-vin et sous pression des paramilitaires, en faveur des congressistes amis d'Uribe. La fraude aurait été répétée pour les élections présidentielles donnant les mêmes votes à Uribe. En effet, la Colombie a appris via l'ex-chef d'informatique du DAS (Département administratif de sécurité), actuellement en prison pour avoir effacé des dossiers de narcotrafiquants, que les résultats électoraux qui avaient donné la majorité absolue à Uribe dans des municipalités contrôlées par les paramilitaires sur la Côte Caraïbe, découlent d'une fraude. À propos des paramilitaires… Tous les efforts d'Uribe pour la " démobilisation " -lire légalisation paramilitaire- semblent bien donner les fruits attendus : impunité pour tous les crimes -et bien sûr aussi pour le narcotrafic- et légalisation des biens acquis par le biais de la terreur et la mort. Narcotrafiquants et paramilitaires dans le même groupe peuvent accéder aux bénéfices de la " justice " et de la générosité du gouvernement qui a réglementé la Loi de Justicia y Paz et la Loi d'Ordre public comme le sceau de la complicité et de l'impunité qui dure depuis plusieurs décennies. Les structures paramilitaires et du narcotrafic restent intactes, les liens que l'État entretient avec elles ne sont pas en question et les peines pour ces crimes -déjà dérisoires- peuvent être diminuées jusqu'à 18 mois pour le temps passé à San José de Ralito (“zone concentrationnaire” où se déroulent les “négociations” entre les paras et le gouvernement pour la démobilisation). Par contre, ce processus n'a en rien respecté les promesses de démobilisation -et donc diminution des crimes et de la terreur contre la population civile- qu'Uribe et ses fonctionnaires ont utilisé comme argument pour justifier la légalisation de l'impunité. Les ONGs des droits humains et les victimes des crimes des paramilitaires ont dénoncé la négation du droit à la vérité, à la justice et à la réparation pour les victimes. Tel que l'ont rapporté la Mission de l'Organisation des États américains -OEA- et la Defensoría del Pueblo, les paramilitaires continuent leur action armée contre la population civile.

Todo es ficcion... A propos de la démobilisation du Bloque Elmer Cardenas

Le mercredi 12 avril 2006, 309 paramilitaires du "Bloque Elmer Cárdenas" qui opère dans le Bajo et le Medio Atrato et au nord du Choco et Antioquia, avec comme limite le Golf d'Urabá, ont initié leur première remise d'armes. Le 30 avril, ont suivi 484 autres "civils" armés, des fronts "Pavarandó" et "Dabeiba". Puis, le 15 août, ce sont 700 autres, des fronts Salaquí, Salaquí Medio et Bajo Atrato. Avec eux se trouvait leur commandant Fredy Rendón Herrera (connu comme Luis Alfredo Berrio ou "El Alemán"), qui avait construit une table de conversations différente de celle réalisé à Santa fe de Ralito par les AUC. Ces hommes ont agi sous divers noms, d'abord comme Autodefensas Campesinas de Córdobas y Urabá, puis sous le nom d'Autodefensas Unidas de Colombia, enfin comme Bloque "Elmer Cárdenas", en actions communes avec le "Bloque Bananero"; en réalité une pratique commune du crime avec des noms distincts, une autre manière d'assurer l'impunité. Ils ont pu compter sur la tolérance, l'accord et la participation des Brigades 17 et 4 de l'armée nationale. "Si vous ne partez pas, alors viendrons les coupeurs de têtes", "Ou vous êtes avec nous, ou vous partez, ou vous mourez", "Cette terre n'est pas à vous, elle est à celui de l'autre côté de la rivière", "Le progrès arrive, venez semer la palme et la coca", "Le progrès arrive, nous avons déjà sorti la guérilla, maintenant nous devons travailler communautairement"...: de 1996 à aujourd'hui, le discours a changé, mais le but reste le même. L'appropriation illégale de terres individuelles ou collectives a été un objectif des paras. Durant ces dix années, les strutures paramilitaires qui aujourd'hui se démobilisent ont commis plus d'un millier de crimes dans la région. Pendant ces années, ils ont développé un modèle de répression, de contrôle et de séduction en trois phases. Les paramilitaires ont développé une stratégie de possession territoriale qui, après la phase de "terre brûlée" et de massacres de 1996 à 2000, a passé à celle du déplacement de la population, de la persécution sélective et du contrôle social. Ensuite vint la troisième phase du développement agro-industriel de la palme, des bananes naines et d'élevage extensif, avec l'expansion d'infrastructures et l'exploitation des richesses naturelles. Depuis avant l'opération "Génesis" jusqu'à aujourd'hui, la stratégie armée s'est convertie en projets sociaux et projets de l'État. La démobilisation du BEC fait partie de la réingénirie paramilitaire: ses structures armées, ses sources de financement, son appareil militaire se renouvèlent dans le cadre de la politique de sécurité institutionnelle. Les "civils" armés de la stratégie paramilitaire développement la nouvelle phase de possession territoriale avec des projets dans lesquels ils prétendent rapprocher les victimes et leurs boureaux, sans qu'il y ait un processus authentique de vérité, justice et réparation. Ils prétendent coloniser les peuples afrocolombiens, indigènes et métisses pour en faire des "associés", des travailleurs du "progrès" agro-industriel. Le BEC proposent même d'utiliser 7000 millions de pesos des ressources qu'ils reçoivent du gouvernement national (pour la démobilisation) pour investir dans des projets agro-industriels. Contre toutes évidences les paramilitaires nient la possession illégale de propriété à La Balsa, La Balsita, La Clarita avec des bananeros, à travers l'entreprise Multifruit, qui a signé un contrat avec la multinationale étatsunienne Del Monte; et dans le Cacarica, où ils implantent des projets agro-industriels de bananes naines et développent ceux de palme, de cacao, de caoutchouc et l'élevage. Ils nient l'appropriation illégale de terres dans le Curvaradó où ils implantent la palme africaine, transportée à Mutatá à l'extracteur Bajirá. Ils nient la coincidence du contrôle militaire et des déplacements pour le contrôle du tertre Cara de Perro où ils ouvrent le passage pour la Muriel Mining Corp.
Auteur.trice
PASC