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21/05/2007

Publié dans  La piedra en el zapato No 3,

Le conflit colombien est complexe, mais ses mécanismes sont toutefois relativement simples : un groupe armé lié aux intérêts défendus par l'État déplacent les paysans et sèment la terreur, les compagnies ou grands propriétaires rachètent ou simplement prennent la terre, le gouvernement entérine. Les compagnies assassinent tout travailleur tentant de s'organiser et tous les mouvements sociaux se trouvent contrôlés par un régime de terreur. Il faut ensuite au nom de la paix oublier les crimes commis. C'est en tout cas à cela que ressemblent les unes des journaux colombien ces dernières semaine. Voici un petit résumé des scandale les plus scandaleux.

Depuis décembre 2002, une grande mise en scène a permis la négociation entre l'État et les paramilitaires (Autodéfenses unies de Colombie - AUC) pour mener à la “démobilisation” de ces derniers. Jusqu'en 2006 (date d'entrée en vigueur de la loi dite de “Justice et paix”), ce fut alors l'occasion pour les "paras" de faire pression sur les gouvernements. Le négociateur de la partie gouvernementale, Luis Carlos Restrepo, déclarait en novembre 2005 qu'au nom de la paix il fallait empêcher les extraditions de criminel de guerre ou de narcotrafiquant: s'ils ont peur d'être punis, ils ne se démobiliseront pas (1). Les AUC auraient dit simplement: "si ce processus échoue, les AUC vont se convertir en un groupe armé contre l'État"(2)... Veulent-ils dire qu'avant ils travaillaient avec et / ou pour l'État ? Il s'agissait des premiers aveux publics de ce que toutes les organisations de gauche dénonçaient déjà et qui deviendra le scandale de la parapolitique.Tandis que "Les paras reclus menacent de tout déballer sur leurs alliances avec l'élite colombienne"(3), Vicente Castano en entrevue avec la revue Semana explique simplement que les paramilitaires prennent des terres pour amener les riches à investir pour qu'ensuite l'État s'implante plus dans la région et ainsi améliorer l'économie et ceci financé par les entreprises privées(4).

La présence du parti Polo démocratico alternativo au parlement colombien donne une tribune à une partie de la gauche pour dénoncer les politiciens les plus mouillés dans la parapolitique. Les dénonciations mènent à des scandales dans les journaux et ensuite éventuellement à des procès même quand le procureur à des membres de sa famille inculpés(5). Les têtes tombent après la Ministre des affaires étrangères c'est l'ex-chef des services secret qui a été mouillé par le scandale(6). Chaque jour depuis quelques mois, on éclabousse plus haut : "Avant son arrestation, Alvaro Araujo (frère de la ministre) avait déclaré menaçant: "S'ils [les juges] viennent me chercher, ils iront également chercher ma sœur et le président Alvaro Uribe." "(7)

"Bush crée d'autres heurts"  titrait Le Soleil(8), lors de la visite du Président états-unien, d’une durée de 7 heures, en Colombie, au cours de laquelle il a admiré les efforts du gouvernement Uribe en matière de droits humains. Le 4 avril 2007, la Secrétaire d’État Condoleeza Rice a, par un communiqué, certifié au Congrès des Etats Unis que le gouvernement et les forces armées colombiennes avaient coupé les liens avec les paramilitaires, épaulant ainsi un gouvernement colombien qui en a plus que jamais besoin (9) . Ces affirmations sont faites en ignorant totalement la réalité, mise en évidence notamment dans les derniers rapports alarmant de l'ONU qui invoquent les fausses accusations, les falsifications de preuve et les assassinats commis par les institutions de l'État colombien.

Dans les mêmes jours et parfois dans la même section du journal, on peut retrouver la visite de Bush qui appui le gouvernement Uribe et le scandale de Chiquita ayant financé les paramilitaires... 10 Bien que les journaux puissent titrer régulièrement "  Panique aux congrès"(11), les accusations portées sont évidemment toujours relativisées, laissées aux mains de la justice, une justice qui devrait pourtant avoir déjà prouvé son incapacité à agir puisqu'il lui faudrait se mettre elle-même au banc des accusés.
Uribe va jusqu'à exiger que le congrès dise la vérité sur les liens avec le paramilitarisme, s'extrayant du même coup de la ligne de mire tandis qu'il réfute les glaçantes rumeurs de fermeture du congrèsa (La Semana, nov. 2006). Tout ce scandale ayant d'ailleurs commencé en grand avec la découverte de l'ordinateur de Jorge 40, un célèbre chef paramilitaire, ordinateur devenant selon La Semana la "boite de pandore"; les chefs paramilitaire rivalisent de menaces tonitruantes, "les politiciens ne nous laisserons pas seuls dans la démobilisation" affirme Vicente Castano en entrevue dans le même article. "Les preuves parlent d'elles-mêmes" titrait La Semana le 11 novembre 2006(12), si en en effet les preuves aujourd'hui médiatisées devraient permettre de convaincre les dernières personnes qui étaient encore septiques, ce qu'on ne sait pas c'est comment se fait-il que des preuves connues et accumulées depuis plus de cinq ans apparaissent aujourd'hui. Est-ce la monté du Polo democratico alternativo qui donne la visibilité (et donc la relative protection) suffisante pour ouvrir le procès public (les tribunaux n'étant pas disposés à le faire)? Pourquoi des paramilitaires ont incriminés des politiciens ? Est-ce que pendant la planification de la nouvelle redistribution des pouvoirs entre élites, s'est produit un désaccord suffisant pour que certains paramilitaires sentant qu'ils allaient être sacrifiés lors du processus de paixb décident de s'en prendre à leur alliés du congrès? Ou est-ce le programme de réinsertion qui est notre élément clef, permettant d'organiser à même les fonds de l'État l'intégration formelle des paramilitaires au sein de l'armée, de la police et des projets de développement économique (pour lesquels les paramilitaires on fait la sale job)? Ajoutons que le changement de nom des blocs supposément démobilisés permet de se défaire du lien État-para: en effet, il est facile depuis quelques mois pour les AUC de se dissocier des crimes commis par leur propre structure ayant peu subtilement changé de nom pour Aguilas negras.


Non seulement des politiciens, mais aussi quelques militaires tombent(13), c'est un jeu de quilles...chaque matin en lisant le journal, on se demande qui sera le prochain. En entrevue, le général en chef de l'armée (la force publique dit-on en Colombie, jolie n'est ce pas...) nie évidement le caractère institutionnel de la stratégie paramilitaire: puisque l'on punit les coupables c'est la preuve qu'il y a des innocents au gouvernement, nous explique-t-on. Le problème est la proportion incroyablement démesurée d'innocents et de coupables: il a tout de même fallu plus que 20 personnes en Colombie pour tuer autant de monde!, ou alors peut être va-t-on nous apprendre qu'ils sont morts tout seuls dans le prochain communiqué présidentiel... Ça y est le cynisme gagne du terrain.

Il est satisfaisant de voir le visage pincé du président Alvaro Uribe Velez en arrière fond lorsque le sénateur Petro arrive en chambre avec un document de plus de milles pages incriminant directement leprésident et sa famille pour leurs liens avec les paramilitaires et les narcotrafiquants de l'Antioquia entre 1995 et 1997, années des grands déplacements forcés de la région. L'article plus détaillé de La Semana(14)  du même jour donne quelques exemple des preuves amenées : un vidéo du président traitant le sénateur Petro de terroriste habillé en civil, des témoignages et photos prouvant qu'une propriété d’Alvaro Uribe servait de base paramilitaire dans les années 1990. Osons le dire: il est hilarant de lire le seul commentaire du président "ça n'a pas d'importance je me concentre sur les vraies priorités du pays comme fortifier le commerce"...(15)
 
"Le conseiller présidentiel José Obdulio Gaviria, à réagit indigné aux affirmations de Petro: "Son poste de sénateur ne lui donne pas le droit d'être irrespectueux envers le pays, la démocratie et les Colombiens".(16) Serait-il possible que Mr Gaviria confonde le pays et son élite, la démocratie et son système gouvernemental oligarchiquec ainsi que les Colombiens et sa personne?
Derrière l'enthousiasme médiatique pour la "crise parapolitique"(17), se cache l'utilisation de la soif collective de justice pour légitimer un processus non pas de paix mais de ré-institutionalisation paramilitaire. Le contrôle régionale des structures paramilitaires se renforcit plus vite que le scandale ne touche les politiciens paracos.   


Le fait que le gouvernement des États-Unis renouvèle son appui au gouvernement d'Uribe en pleine tourmente constitue un élément de cette "crise" qui n'est pas si négative comme la nomme Carlos Médina Gallego dans son analyse de la conjoncture(18). Une crise étant selon lui non pas seulement un phénomène négatif mais aussi un phénomène créateur qui renforce le pouvoir en place. Les États-Unis, démocratie incontestéed, offre ainsi un peu de leur "légitimé" à la démocratie colombienne. Tandis qu l'organe supranational basé aux États Unis (ONU) la lui refuse.
                                                           
a) Il s'agit d'une possibilité qui aurait été envisagée, considérant que les acteurs armés (comprendre dans leur langage guérilla via le Polo et paramilitaire via quelques congressistes) sont dans le congrès. Notons que le fermé reviendrait à un système officiellement dictatorial même si transitoire, et qu'il risquerait de mener à une nouvelle phase exacerbé du conflit armé. Personne n'aurait à y gagner, à ma connaissance la probabilité est donc mince.
b) On ne parle pas de gros sacrifice dans la loi telle qu'adoptée, puisque le président à le pouvoir d'empêcher les extraditions ou d'amnistier et que la peine maximale est de cinq ans de prison.
c) “Rancière” fait référence à ce que l'on appelle usuellement “démocratie” mais qui n’est en fait que des "États de droit oligarchique"; dans le cas de la Colombie il s'agit d'un État de faits oligarchique qui adapte le droit à ses actes lorsque nécessaire.
d)Dans le sens que si l 'on pense que les Etats-Unis ne sont pas un État démocratique on ne croit pas à l'État démocratique en tant que tel qui est une des interprétations les plus répandues du mot démocratie.


La Semana " Se destapa el comisionado ", novembre 2005 no 1228.
Ibid. Version d'origine de la citation :" si este proceso fracasa, las autodefensas se vana a convertir en una organisacion armada antiestatal "
3 Michel Taille, " Mancuso avoue avoir participé à 300 assassinats "Le Devoir, 25 janvier 2007.  
La Semana, "Habla Vicente Castano", no 1.205, 6 au 13 juin 2005
5  El Tiempo, "Edgardo Maya (le procureur) dice que investigaciones a sus familiares por 'parapolítica' no afectan independencia", 10 avril 2007.
6  Le Devoir, "L'ex-chef des services secrets en Colombie est arrêté", 23 février 2007, p. b9
Jean-Luc Porte, AFP, " Le gouvernement colombien touché par le scandale de la "parapolitique" ", Le Devoir, 20 février
2007, p. b5.
Le Soleil,  “Bush crée d'autres heurts”, 12 mars 2007, p. 17.
9  La Semana version électronique, “Los efectos de la certificación en Derechos Humanos para Colombia”, 4 avril 2007.
10 AFP, “Chiquita inculpé pour avoir payé une milice paramilitaire colombienne”, La Presse, 15 mars 2007.  
11  Élber Gutiérrez Roa,  "Pánico en el Congreso por las investigaciones de la Justicia sobre paramilitarismo", La Semana,
11 avril 2006.
12  La Semana, " Las pruebas hablan por si solas ", 11novembre 2006, no 1280.
13  El Tiempo, " Miembros de la Fuerza Pública que apoyaron a paramilitares tendrán que responder por sus actos",  6 avril
2007.
14  La Semana, "Petro dice que en finca 'Las Guacharacas', de propiedad del Presidente Álvaro Uribe, los 'paras' asesinaron
campesinos ",  17 avril 2007.
15  El Tiempo version électronique, "Senador Gustavo Petro pisó callos de la familia del presidente Álvaro Uribe", 18 avril 2007.
16  Citation d'origine "el consejero presidencial José Obdulio Gaviria reaccionó indignado ante lo afirmado por Petro. "Sucondición de senador no le da derecho a irrespetar así a la país, a la democracia y a los colombianos", sentenció en diálogo con Semana.com" dans "Petro dice que en finca 'Las Guacharacas', de propiedad del Presidente Álvaro Uribe, los 'paras' asesinaron campesinos ", La Semana, 17 avril 2007.
17  Carlos Medina Gallego, Docente-Investigador Universidad Nacional de Colombia, " Narco- paras y elites Acuerdos y pactos políticos ".
18  Idem

Auteur.trice
PASC