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25/03/2014

En octobre 2013, la population de Cajamarca apprit avec stupeur la mort du jeune Camilo Pinto, membre du Colectif Cosajuca, assassiné par un tir effectué de sang-froid par un inconnu. Les faits s étaient produits à Anaima, un village voisin, et à ce jour, il n’y a pas eu d’enquête.

Cosajuca «Collectif socio-Ecologique des jeunes de Cajamarca) déploie ses activités dans Cajamarca depuis 7 ans. Sa posture se veut clairement contre l’exploitation minière de la multinationale Anglo Gold Ashanti, le collectif veut protéger l’environnement de la région, les jeunes craignent sa lente destruction, ils ont pris conscience de l’importance de défendre la nature. De plus ils proposent des activités de bien public comme des ramassages d’ordures dans la localité ou alentour, des plantations d’arbres, l’organisation de soirées cinéma dans les rues. Ils se sont aussi engagés dans une consultation populaire pour décider l’avenir de la région et deux fois par mois, ils publient un bulletin alternatif, « La Inconquistable ».

La particularité de ce collectif est que tous sont des jeunes, entre 15 et 25 ans, étudiants ou travailleurs, et tous ont une vision critique du développement actuel de leur communauté. C’est pourquoi ils sont persécutés par la force publique qui a considérablement augmenté ses effectifs e ses moyens avec l’arrivée de AGA (4 bataillons supplémentaires, installation d’une douzaine de caméras à large spectre dans les rues de la localité). Tous ont été victimes d’intimidations, insultes, agressions verbales ou physiques, détention arbitraire (1), un classique en Colombie. C’est pourquoi ils ont rédigé le premier rapport de Droits Humains en 2013, rapport qui fait état des situations de violation ; dans 36 cas, les agresseurs étaient les agents de police. Dans ce contexte, la mort du jeune Camilo Pinto prend une signification préoccupante, il peut s’agir d’une vraie tentative de répression du collectif. Ils doivent aussi affronter des obstacles inattendus chaque fois qu’ils veulent proposer des activités culturelles pour la population.

Un élément frappant, leur manque total de soutien de la part de personnes adultes ou d’autorités publiques : le maire de Cajamarca leur est hostile, tout comme le Personero (fonctionnaire chargé de la défense des citoyens). Le Comité de Solidarité avec les prisonniers politiques est la seule ONG des droits Humains qui leur apporte son appui. Il existe d’autres organisations écologiques à Cajamarca, mais Cosajuca a un profil alternatif et elle est persécutée par la force publique.

C’est qu’ils ont un puissant adversaire ! Depuis quelques années, AGA envisage l’exploitation d’une des plus grandes réserves d’or du monde à La Colosa dans la juridiction de Cajamarca. Ce projet minier à ciel ouvert a été suspendu par Cortolima, l’autorité écologique régionale, parce que l’exploitation affecterait le bassin hydrographique des rivières qui approvisionnent en eau toute la région. De plus, le projet se réaliserait en partie dans une réserve forestière. Le 5 novembre 2013, le Sénat lui-même s’est prononcé contre l’exploitation de la Colosa. Malheureusement, la suspension n’a guère eu d’effet, les activités ont repris peu après. De son côté, la Corporation Biotolima prétend que AGA a investi socialement et qu’elle va gérer le mercure et le cyanure de façon responsable. Biotolima diffuse une image positive dans les communautés, les espaces académiques comme dans la presse régionale, ce qui crée des confusions sur les impacts que l’exploitation pourrait avoir.

Les jeunes de Cosajuca ne se laissent pas tromper par de telles contre-vérités, ils résistent aux différentes stratégies de l’entreprise car ils connaissent les risques de l’exploitation d’or sur leur lieu de vie : graves contaminations des eaux, des terres et de tout l’environnement, destruction de la biodiversité, sans compter l’accroissement de la force publique dans toute la région. Autre effet de AGA, la détérioration du tissu social : avec l’arrivée dans la communauté de personnes extérieures, on a pu noter une augmentation du coût de la vie, des indices de consommation de drogue, de la prostitution, facteurs qui contribuent à une division de la communauté.

Nous demandons que ces jeunes puissent continuer leur travail de résistance. Tout d’abord parce qu’ils sont dans leur droit. Et ensuite parce que la défense de la vie, de l’eau et du territoire en ont un urgent besoin.


 

  1. Au moment de publier ce texte, nous apprenons que le 15 mars, un membre de Cosajuca a été frappé par un policier qui au passage a aussi agressé sa mère. De plus, le 23 mars, 6 autres jeunes du collectif ont été détenus par la police d’Ibagué (capitale du Département de Tolima) pour avoir agressé un fonctionnaire, fait qui pose un certain nombre de questions sur la manipulation de l’information de la part de la police. Ils ont été libérés 40 heures plus tard après l’intervention d’un avocat.

Auteur.trice
REDHER