Aller au contenu principal
25/02/2015
Par Maurice Lemoine   Présentes sur le territoire national, sous leur nom actuel, depuis les années 1960, les guérillas colombiennes sont les plus anciennes et même les dernières d’Amérique latine. La plus connue et la plus puissante d’entre elles, baptisée Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) lors d’un congrès tenu du 25 avril au 15 mai 1966, existait auparavant sous la forme d’ « autodéfenses paysannes ». Elles étaient nées de l’assassinat, le 9 avril 1948, d’un leader libéral, Jorge Eliécer Gaitán, qui tentait de mobiliser les classes populaires contre l’oligarchie, et de la période dite de Violence (200 000 morts), qui s’ensuivit.   Inspirée par la révolution cubaine, l’Armée de libération nationale (ELN) a vu le jour, elle, le 4 juillet 1964, à San Vicente de Chucurí, dans les montagnes du département de Santander, formée à l’origine de… seize combattants. C’est dans ses rangs qu’est mort au combat, le 15 février 1966, le prêtre guérilleroCamilo Torres, dont le destin a pris valeur de symbole pour tous les chrétiens « engagés » du continent.   D’autres mouvements d’opposition armée ont jalonné le cours du conflit colombien : l’Armée populaire de libération(EPL), maoïste, surgie en 1967 ; le Mouvement du 19 avril (M-19), issu pour l’essentiel de la petite bourgeoisie urbaine, qui s’est fait connaître en février 1980 ; le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT), actif dès 1982 ; le Mouvement armé Quintín Lame, créé par des indigènes du Cauca en décembre 1984.   Tous se sont rassemblés en septembre 1987, avec les FARC et l’ELN, dans un Comité de coordination guérillero Simón Bolivar (CGSB), fort d’environ trente mille hommes combattant sur une soixantaine de fronts. Et tous ont déposé les armes – à l’exception des FARC et de l’ELN –, à partir de 1989, chacun dans des conditions différentes, au terme de négociations.   Considérée comme « guévariste », l’ELN se caractérise tout autant par une forte imprégnation chrétienne. Outre Camilo Torres, plusieurs prêtres ont rejoint ses rangs dans les années 1960 et 1970, inspirés par la « théologie de la libération » : Aurentino Rueda, Domingo Laín, José Antonio Jiménez, Diego Cristóbal Uribe, Bernardo López Arroyave et Manuel Pérez. C’est ce dernier, « le curé Pérez », de nationalité espagnole, qui deviendra son dirigeant en 1983.   L’ELN fonctionne davantage comme un parti politique en armes que comme une organisation de type purement militaire. Elle a toujours mis en avant la participation de la population dans les instances de décision plutôt que la construction d’une armée. Au fil des années, il lui est arrivé d’entrer en conflit avec les FARC, plus « verticales », notamment à partir de 2005, quand ces dernières entendaient reprendre et contrôler des territoires laissés par les paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). En septembre 2010, les deux organisations ontannoncé la fin de la confrontation.   A la mort de Manuel Pérez, d’une hépatite, le 14 février 1998, son « chef militaire », Nicolás Rodríguez Bautista – dit « Gabino » – a assumé la direction du mouvement. Né le 25 janvier 1950, il avait quatorze ans lorsque, dans les montagnes du département de Santander, dont il est originaire, il a intégré les rangs de la guérilla. Depuis que, en novembre 2012, à La Havane, les FARC ont entamé des conversations de paix avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos, « Gabino » a exprimé son désir de voir l’ELN se joindre à la négociation. Sans réponse du pouvoir dans un premier temps. Néanmoins, le 10 juin 2014, l’existence de « conversations exploratoires » a été rendue publique par le gouvernement et la guérilla.   Dans l’entretien qu’il a accordé à Geraldina Colotti, journaliste de il Manifesto (Rome) « Gabino » revient sur la nature par essence politique et sociale du conflit colombien ; il souligne la responsabilité du terrorisme d’Etat dans sa durée, et il confirme non seulement le rapprochement, mais aussi la collaboration de ses combattants avec ceux des FARC sur le terrain. Surtout, au sujet des conversations de paix qui semblent s’être accélérées, il confirme les termes du communiqué publié par l’ELN, le 7 janvier 2015, à l’issue de son Ve Congrès : « Nous participons à ce dialogue pour examiner la volonté réelle du gouvernement et de l’Etat colombien ; si, lors de cet examen, nous concluons que les armes ne sont plus nécessaires, nous serions disposés à envisager de cesser de les utiliser. »
Auteur.trice
Mémoire des luttes