“Vivre signifie prendre partie” (Antonio Gramsci)
Illes occupent les terres qui aujourd’hui appartiennent, devant la loi, à l’un des hommes les plus riches du pays : Carlos Ardila Lülle, multimilliardaire qui possède de grandes firmes colombiennes comme Iberplast, Postobón, le pôle agro-industriel Azucarero Incauca, les chaînes de télévision ou de radio de masse Mundofox et RCN. Le chef paramilitaire Mancuso a d’ailleurs accusé Lülle d’avoir payé des milliers de dollars chaque mois des paras pour assurer la sécurité de ses entreprises. De même, Ardila Lülle a été fortement critiqué lorsque sa chaîne RCN a diffusé une série romancée sur les frères Castaño, chefs paramilitaires… (Mais oui, eux aussi ont une famille…)
Le territoire du Cabildo autochtone est un espace unique multiéthnique, partagé entre autochtones, AfrocolombienNEs et paysanNEs. La forme d’organisation est l’assemblée. C’est la communauté qui décide en commun, et discute jusqu’au consensus. La propriété de la terre, concept apporté par les colons espagnols, y est collective et non privée. Les autochtones ne revendiquent plus… ils prennent.
Face à cette action directe qui se déroule sur différents points du département du Cauca, l’Etat utilise les forces publiques légales (l’esquadron mobile anti-émeutes ESMAD et l’armée régulière) pour disperser les communautés éparpillées sur les champs de monocultures de canne à sucre, et pour protéger la récolte du seigneur Lülle. Récolte faite par les coupeurs de canne qui survivent avec 400 000 pesos par mois – 140 euros alors que le salaire minimum est de 700 000 pesos.
Les petits fourgons-tanks de l’ESMAD les escortent jusqu’aux campements de bambous pour les faire détruire à coups de machette et de tronçonneuse.
Lors d’attaques massives, les ESMAD tirent des gaz lacrymos particulièrement forts avec des fusils spéciaux, flashballs, grenades assourdissantes ainsi que leur version illégalement modifiée contenant du métal pour augmenter la gravité des blessures occasionnées. Parmi les armes non-conventionnelles on retrouve la fabrication de grands lance-pierres à manier par trois personnes. Les hélicos tournent jour et nuit pour localiser les campements et volent très bas lors d’attaques pour faire peur à la population et tirer des gaz. Ils utilisent aussi des fusils à balles réelles quand les médias ou l’ONU sont absents.
En plus de la judiciarisation et de la répression étatique classique, les autochtones ont reçu des menaces de paramilitaires (groupes armés d’extrême droite liés au gouvernement) voulant protéger leurs patrons, disant que si les ESMAD n’arrivent pas à les déloger, ils prendraient le relais, finissant par « tous unis pour un Cauca sans Indiens ». Ses auteurs défendent les intérêts des multinationales, des narcos et des grands propriétaires terriens en forçant les populations rurales à quitter leurs terres sous prétexte de lutte anti-insurrectionnelle. Ils sont connus pour avoir… massacré sur les places publiques des milliers (sic) de personnes à la tronçonneuse… joué au foot avec des têtes d’enfants… La Colombie compte ainsi 6 millions de déplacéEs par la violence.
Malgré la terreur provoquée par les pamphlets et SMS reçus, les Nasa continuent, dans un contexte où illes comptent tous les jours des disparitions ou des assassinats. 500 personnes en deux ans dans une partie du département.
Malgré le fait de ne pas vouloir reprendre les armes laissées en 1991, illes résistent en lançant des pierres ou des molotov, et utilisent des tubes lançant des fusées d’artifices. Toute la communauté participe activement. Illes doivent aussi affronter les groupes de sécurité privée qui ne se gênent pas pour tirer sur elleux. A l’heure actuelle l’Etat reconnaît au moins 75 blesséEs coté population civile et 60 côté ESMAD. Sur Santander, les autochtones ont réussi à isoler un groupe de militaires acculés à la reddition.
Le peuple du Nord-Cauca exige une vie dans la dignité et autonome et appelle à la solidarité internationale. Nous relayons cet appel aux internationalistes pour que soit soutenue d’une manière ou d’une autre cette action directe… par des caisses de solidarité tenues lors de concerts ou de projections, par des mobilisations devant les ambassades… par le relais d’infos… par l’envoi de vidéos de solidarité…
Pour toute question : bernardinettigna@@@gmail.com
[Publié le 15 mars 2015 sur le Numéro Zéro.]