Pauvreté, droits de la personne et rôle du Canada dans le secteur de l’huile de palme africaine
Rapport préparé par Garry Leech pour Inter Pares, Octobre 2009
En mai 2008, la Chambre des communes a adopté un projet de loi stipulant que le combustible consommé au Canada devait avoir une teneur minimum en agrocombustible (ou biocombustible) d’ici 2012. Moins de deux semaines plus tard, le gouvernement Harper annonçait la conclusion des négociations sur l’accord bilatéral de libre-échange avec la Colombie et les deux pays étaient prêts à signer un pacte. En un peu plus d’une semaine, le gouvernement canadien avait jeté les bases d’une transformation radicale du commerce entre les deux pays, qui aura sans doute de très dures conséquences pour les communautés rurales en Colombie – sur le plan socio-économique, culturel, environnemental et celui des droits de la personne. Ce rapport étudie l’impact sur les communautés rurales afrocolombiennes de l’expansion de la production du palmier à huile africain – sur le plan socio-économique, culturel, environnemental et celui des droits de la personne – et analyse le rôle actuel et futur du Canada.
On ne s’en étonne pas, la production de cultures vivrières qui peuvent servir d’agrocombustible – canne à sucre, maïs, soja et palmier à huile africain – a augmenté de façon spectaculaire dans le Sud mondialisé depuis quelques années afin de répondre à la nouvelle demande énergétique des pays du Nord. L’huile de palme africaine entre aussi dans la fabrication d’une gamme de produits : savons et cosmétiques, additifs alimentaires, produits chimiques industriels et peintures. La culture du palmier à huile africain en Colombie depuis quelques décennies est directement liée à la violence perpétrée par les groupes paramilitaires de droite à l’endroit des communautés afrocolombiennes. Dans plusieurs régions, cette violence visait à chasser les Afrocolombiens de leurs terres pour permettre aux grandes sociétés d’étendre leurs plantations de palmier. Ailleurs, l’État a vu à ce que les Afrocolombiens aient droit à des prêts pour la culture du palmier à huile, mais pas pour les cultures vivrières. Bien des paysans ont donc été plus ou moins forcés de cultiver le palmier puisque c’était la seule culture commerciale viable. Après avoir cultivé le palmier à huile pendant des décennies, les communautés afrocolombiennes vivent toujours dans l’insécurité économique et la misère. Elles se sont aussi engagées dans une lutte désespérée pour préserver leur culture et leur souveraineté alimentaire, et défendre l’écosystème naturel dont elles sont tributaires.
En 2007, le Canada a importé près de 30 millions $ d’huile de palme de la Colombie et de quatre autres pays – une hausse spectaculaire de 150 % en deux ans. L’accord de libre-échange du Canada ne fera qu’accentuer l’expansion de la production du palmier à huile en Colombie, tant directement qu’indirectement. Dans la mesure où l’Accord de Libre Échange (ALÉ) facilite le commerce agricole, il aura pour effet d’accroître l’importation d’huile de palme brute et transformée, et le Canada serai ainsi de plus en plus complice du carnage associé à la stratégie du président Uribe d’étendre la production d’huile de palme. Au nom du libre-échange et de l’énergie propre, un nombre croissant d’Afrocolombiens verront sans doute leur vie menacée, leurs terres usurpées et leur sécurité alimentaire encore plus réduite pour répondre aux besoins de la population canadienne.
Ce rapport émet une série de recommandations ayant pour but d’assurer que la politique étrangère du Canada envers la Colombie en ce qui a trait à l’huile de palme – en tant qu’agrocombustible ou pour sa myriade d’autres applications – soit fondée sur le respect des droits de la personne et de l’intégrité culturelle, ainsi que la viabilité de l’alimentation et de l’environnement.