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12/10/2010
Bogotá, le 12 avril 2010 Honorable Membre du Parlement PARLEMENT DU CANADA OBJET : Refus de signer le Traité de libre-échange entre la Colombie et de Canada

Chère Madame / Cher Monsieur, Le Mouvement national de victimes de l’État (MOVICE) est un regroupement d’environ 300 organisations, ainsi que de communautés, de victimes de violence et de parents de victimes de violence, qui oeuvrent pour la diffusion de la vérité, l’application de la justice et la réparation intégrale des personnes qui ont été l’objet de crimes d’État. À la veille de la possible ratification du Traité de libre-échange entre le Canada et la Colombie, nous demandons aux députées/és du Parlement canadien de ne pas ratifier ce traité, étant donné qu’il implique la continuation du caractère systématique des violations des droits de la personne et du droit humanitaire, la criminalisation et la persécution de l’opposition politique, l’exil, le déplacement par la force de populations et l’imposition d’un modèle économique qui augmente la pauvreté, la destruction de la biodiversité et la possibilité d’obtenir la garantie et l’établissement du droit à la vérité, à la justice et à la réparation intégrale. Voici quelques points sur la situation colombienne : – Le paramilitarisme, comme le montre une importante documentation, est le résultat d’une stratégie de «guerre sale» appliquée par les forces publiques (polices et armée) colombiennes à partir de 1964. Au cours du développement de cette stratégie, d’autres intérêts se sont joints aux forces publiques : ceux des grands propriétaires terriens, du capital national et international, des trafiquants de drogues et d’un nouveau secteur politique né de cette classe économique. Au cours des dix dernières années, les paramilitaires se sont infiltrés dans toutes les sphères du gouvernement, et, jusqu’à présent, plus de 133 membres et d’ex-membres du Congrès ont été l’objet d’enquêtes pour leurs liens présumés avec des paramilitaires, ainsi qu’un gouverneur de département, trois maires et six conseillers municipaux, tous élus pour la période de 2007 à 2011, et 14 ex-gouverneurs, 7 ex-députés et 35 ex-maires, la plupart d’entre eux membres du parti d’Uribe. Après les élections de mars 2010, plusieurs organisations de défense des droits de la personne ont dénoncé le fait qu’au moins 23 sénateurs élus étaient liés à la stratégie paramilitaire. – La Loi 975 de 2005 ou “Loi de la Justice et de la Paix”, qui régit le processus de démobilisation des paramilitaires, a été caractérisée par l’impunité, à un degré très élevé. Des 35 353 paramilitaires qui se sont démobilisés, seulement 698, c’est-à-dire 1,98%, ont été l’objet de procès pour les délits qu’ils ont commis et un seul a été condamné, condamnation qui, cependant, a été rapidement annulée par la Salle de cassation pénale de la Cour suprême de Justice. – L’extradition de 23 chefs paramilitaires aux États-Unis a été une stratégie pour empêcher ceux-ci, auteurs de crimes contre l’humanité, de parler, car ils étaient disposés à expliquer publiquement leurs liens avec des politiciens, des groupes économiques et le gouvernement actuel. – Le manque de garanties de protection pour les paramilitaires engagés dans le processus de démobilisation qui ont avoué leurs crimes ou refusé de s’intégrer à la nouvelle génération de paramilitaires a rendu possible l’assassinat de plus de 2 000 paramilitaires démobilisés dans des prisons ou dans les rues de différentes villes. Et jusqu’à présent, aucun des assassins des démobilisés n’a écopé d’une peine de prison. – Malgré la démobilisation des paramilitaires, la stratégie paramilitaire a rendu possible la légalisation des biens acquis par la violence (le cas Tulapa par exemple) et les paramilitaires se sont déguisés et mêlés à la société pour contrôler socialement celle-ci dans les grandes villes. À la fin de 2009, les “nouveaux” groupes paramilitaires avaient réussi à atteindre le nombre d’environ 11 000 membres armés. – Dans le conflit armé dont souffre le pays, les violations du Droit international humanitaire sont constantes au moyen de l’utilisation de la population civile dans le conflit armé sous différentes modalités telles que le “réseau d’informateurs”, les “soldats d’un jour”, les “familles garde-forêt”, les “étudiants informateurs” (Medellín), les “chauffeurs de taxis informateurs” (Cali), entre autres. – Le gouvernement colombien maintient sa pratique systématique de persécution et de criminalisation de l’opposition politique, avec des accusations menaçantes, des détentions individuelles et en masse de dirigeantes/eants sociales/iaux et politiques ainsi que de défenseures/eurs des droits de la personne. – Le rapport de 2009 du Bureau du haut commissariat des Nations Unies a déclaré ce qui suit face à la situation des défenseures/eurs des droits de la personne en Colombie : «le Bureau situé en Colombie a constaté l’augmentation des intimidations et des menaces de mort envoyées par lettre et par courrier électronique aux défenseures/eurs des droits de la personne, aux dirigeantes/eants sociales/aux et communautaires et aux membres d’autres groupes marginalisés. Bien que, dans certains cas, les recherches aient avancé, la majorité des menaces demeurent impunies et sont, parfois, rejetées rapidement par les autorités sans que celles-ci n’aient fait la moindre enquête préalable (…). Le Bureau situé en Colombie constate avec inquiétude que certains des fonctionnaires publics, civils et militaires continuent de faire des déclarations contre des défenseures/eurs des droits de la personne en les accusant ou en suggérant que leur travail est contraire aux intérêts de l’État ou que ces personnes sont des sympathisantes/ants de la guérilla. De telles indications augmentent les facteurs de risque des défenseures/eurs et peuvent limiter leurs activités, forcent ces personnes à s’autocensurer et accroissent la méfiance entre l’État et la société civile.» – Il n’y a pas de garanties de protection pour les victimes qui demandent la vérité, la justice et la réparation intégrale. Depuis sa création, en juin 2005, le Mouvement national de victimes de crimes de l’État a été victime d’une politique systématique d’agression, comme le prouvent environ 200 cas d’agressions documentées, entre autres d’assassinats sélectifs, de personnes portées disparues, de menaces, d’intimidations et d’accusations menaçantes par des fonctionnaires du gouvernement. En 2008, la «Procuraduría General de la Nación» (organisme suprême chargé des enquêtes judiciaires) a reçu environ 800 demandes de protection de victimes. – La Colombie est un pays qui souffre d’une crise humanitaire. Elle se place après le Soudan quant au nombre de personnes déplacées internement. Selon l’organisme «Consultoría por los Derechos Humanos y el Desplazamiento» (Organisme de consultation pour les droits de la personne et le déplacement - CODHES), seulement au cours de la période de la politique de «Sécurité démocratique», le déplacement par la force a touché 2,4 millions de personnes, c’est-à-dire presque la moitié des 4,9 millions de déplacés par la force des 25 dernières années. La majorité de ces déplacements sont liés à des projets économiques tels que l’exploitation de l’huile de palme, de gisements miniers et pétroliers. Selon la «Procuraduría Nacional de la Nación», depuis 1997, entre 2,6 et 6,8 millions d’hectares ont été acquis par la violence, la majorité d’entre eux par la stratégie paramilitaire. – La «Procuraduría General de la Nación» fait enquête sur plus de 1 600 militaires quant aux exécutions extrajudiciaires par les forces publiques (polices et armée). Ceci montre le caractère systématique d’une pratique considérée par le Droit international comme étant un crime contre l’humanité. Les cas dénommés “falsos positivos” («fausses cibles militaires», qui sont des civils que des militaires ont tués et déguisés en membres de la guérilla pour recevoir une récompense du gouvernement) sont un résultat direct d’une politique qui encourage, par de l’argent, l’exécution de membres de groupes hors la loi. Ces «falsos positivos» font partie d’autres falsifications telles que les faux procès judiciaires et les fausses démobilisations de paramilitaires. Les militaires impliqués dans des exécutions extrajudiciaires sont libérés en masse de prison, non pas pour leur présumée innocence mais à cause de soi-disant formalités de procédures de droit. – Les deux mandats successifs du gouvernement Uribe ont misé sur l’intensification de la guerre, ce qui a entraîné l’augmentation du budget de la Défense, qui est passé de 5,2% du PIB en 2002 à 14,2% du PIB (soit 11 milliards 057 millions de dollars U.S.) en 2010, budget pour la première fois supérieur à celui de l’éducation (13,9% du PIB). – La politique de «Sécurité démocratique» visait à créer de bonnes conditions pour les investissements de capital étranger. La libéralisation du marché a été accompagnée par de nouvelles lois telles que celles des zones franches, des hydrocarbures, de l’industrie minière et des propositions sur les eaux et la Loi sur les forêts, qui ont essayé de fixer un prix sur toutes les ressources existantes au pays. Elle a été accompagné par la privatisation des secteurs publics, la précarisation de la situation des travailleuses/eurs et l’intensification du conflit armé dans les zones de ressources naturelles, telles que les zones minières, pétrolières et de plantation de la canne à sucre et de la palme oléagineuse pour la production d’agrocombustible. – La persécution et la criminalisation de l’activité syndicale. Depuis des années, la Colombie se trouve au premier rang du nombre de syndicalistes assassinés. En 2009, 42 syndicalistes de différents secteurs de la production ont été assassinés. Des centaines de syndicalistes ont été arrêtés. C’est le cas du syndicat du secteur agricole FENSUAGRO, dont plusieurs dirigeants ont été accusés de rébellion et plus de 1 500 membres ont été assassinés depuis sa fondation, qui a eu lieu en 1976. – Le Département d’administration de la sécurité (D.A.S.), qui dépend directement du président de la République, a été l’objet d’un scandale après l’autre, entre autres celui de l’infiltration paramilitaire, celui de d’écoute illégale des communications des membres de l’Opposition politique et celui de la création d’un organisme illégal, le G3, dont le but était de suivre et d’intimider des magistrats, des défenseures/eurs des droits de la personne et des membres de l’oppositions politique. Nous vous remercions pour votre attention et pour votre intérêt pour la situation colombienne, Cordialement, Mouvement national de victimes de l’État (MOVICE) - Colombia Movimiento Nacional de Víctimas de Crímenes de Estado - Colombia
Auteur.trice
MOVICE