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09/03/2008
Publié dans La Piedra en el Zapato, no 4, mars 2008 Quand répression rime avec profits

La Petrobank ltd est une compagnie canadienne basée à Calgary qui se présente comme un leader dans l'exploitation du pétrole et du gaz naturel. Elle concentre ses activités dans l'ouest canadien et... en Colombie, ''un des endroits les plus attractifs à explorer sur la planète'' , pour utiliser les propres mots de la compagnie. Comme nous le verrons, la Petrobank jouit d'une foule d'avantages fiscaux mis en place par le gouvernement colombien qui lui donne l'accès total et inconditionnel au territoire et au pétrole. La compagnie profite également du soutien de l'armé national colombien, constamment impliquée dans des cas d'assassinats et de déplacements forcés contre la population civile. En solidarité avec les communautés qui résistent à cette violence, nous avons la responsabilité de cibler et de dénoncer les compagnies canadiennes comme la Petrobank qui profitent de la guerre pour enrichir ses actionnaires.

Brève introduction sur la filiale colombienne de la Petrobank La filiale Petrominerales est une entreprise privée qui opère en Colombie depuis 1996. Sur son site Internet, la compagnie se présente d'ailleurs comme un ''important joueur dans l'industrie des hydrocarburants au pays'' . Pour son front d'exploration, elle s'est déjà appropriée 3 millions d'hectares de terres sur deux bassins parmi les plus riches en pétrole de Colombie. Elle possède des permis d'exploration et de production sur deuz zones du pays soient le Putumayo au sud, et les Llanos, à l'est de Bogota. Le programme d'exploration 2007 de la compagnie prévoyait la construction de cinq nouveaux puits de pétrole dont un à Orito dans le bassin du Putumayo. À cet endroit, la zone d'exploration est appelée ''Aguilas Block'' qui est étrangement le même nom donné aux structures paramilitaires qui opèrent dans plusieurs régions de la Colombie sous cette nouvelle appellation. Les troupes paramilitaires ''Aguilas Negras'' s'intègrent dans la stratégie de l'État colombien visant l'appropriation des terres et des ressources naturelles. Cette stratégie répressive permet ensuite aux compagnies nationales et transnationales d’exploiter librement les terres et les ressources naturelles. En Colombie, la contre-réforme agraire se poursuit dangereusement aux grands bénéfices des transnationales comme la Petrobank.

Mode d'appropriation des terres La question du Territoire est centrale dans le conflit colombien si l'on considère que plus de 4 millions de personnes sont déplacées de leurs terres depuis les trente dernières années par la répression de l'État et par le développement capitaliste. Pour les riches, les intérêts économiques sont multiples en Colombie; en plus d'être le plus grand producteur d'émeraude au monde, le pays compte d'importants gisements de pétrole, de gaz naturel, plusieurs mines de charbon, d’or, d’argent, de fer, de platine et de sel. Les forêts tropicales humides colombiennes regorgent également d'une biodiversité des plus riches sur la planète. Dans leur conquête néo-colonialiste, les riches sont prêts à tout pour s'approprier ces ressources naturelles; déplacements forcés, massacres, viol, torture, menaces, etc. Plusieurs stratégies permettent au gouvernement colombien et aux entreprises étrangères comme la Petrobank de s'approprier les zones à fort potentiel économique. En plus du contrôle social et de la militarisation du pays, le gouvernement d'Uribe Velez a façonné un nouveau cadre fiscal qui favorise entièrement l'exploitation des ressources naturelles par des investisseurs étrangers. L'ancien cadre contractuel obligeait toute compagnie étrangère à partager 50 % des exploitations avec la compagnie pétrolière nationale ''Ecopetrol''. Cependant, le nouveau régime fiscal fonctionne autour de ''contrats d'exploration et de production'' que la compagnie signe directement avec l'Agence nationale des hydrocarburants, sans aucune participation d'Ecopetrol. Chaque contrat implique une phase d'exploration de six ans, renouvelable pour quatre autres années, suivie d'une phase de production et d'enrichissement perpétuel. Il n'y a aucun coût initial pour les terres, et une compagnie comme la Petrobank peut obtenir l'accès à des zones parmi les plus riches en pétrole de Colombie. Au moment où le gisement devient commercialisable, la compagnie possède une phase de développement de 25 ans, susceptible de se prolonger de 10 ans où jusqu'à épuisement de la ressource. De plus, les nouvelles mesures fiscales favorisent grandement les entreprises qui profitent d'un taux d'imposition (royalties) de seulement 8 % comparativement à un 20 % obligatoire avant les réformes du président Uribe. Voilà pourquoi la Petrobank mentionne sur son site Internet que '' la Colombie a connu la plus longue période ininterrompue d'investissements étrangers s'élevant à 6 milliards pour l'année 2006.'' La plupart de ces investissements se font dans l'industrie minière (46%) et dans celle du pétrole et du gaz (34%).

La Pétrobank et la répression en Colombie Bien sûr, l'appropriation d'une si grande portion de territoire ne serait pas possible sans une militarisation croissante du pays qui profitent grandement aux compagnies étrangères. Avec l'application du ''Plan Colombie'' à partir de 1999, la région du Putumayo où opère la Petrobank fût la cible d'une série de fumigations chimiques visant à éradiquer les cultures de coca. Effectuées directement par avions, ces fumigations ont eu pour effet de détruire toute végétation et par le fait même toutes les cultures de subsistance que les communautés produisaient dans la région. Plusieurs familles ont vu des années de travail réduit à néant par cette catastrophe environnementale et sociale lié au Plan Colombie. En plus des fumigations, le Plan Colombie a permis au gouvernement colombien de financer l’armement et l’achat d’équipement militaire comme des avions et des hélicoptères, ce qui favorisa le contrôle territorial de cette région stratégique en vue de l’exploitation des ressources pétrolières. Les menaces et les nombreux crimes perpétrés dans le cadre de la stratégie paramilitaire de l'État ont également permis aux compagnies pétrolières de poursuivre l'appropriation de plusieurs millions d'hectares de terres par la force. La stratégie utilisée fût de semer la terreur, de diviser la population et de les forcer à accepter l’exploitation pétrolière comme signe de développement et de progrès. Difficile alors de ne pas voir le lien entre la répression et les intérêts économiques de la Petrobank. Aujourd'hui, la compagnie peut compter sur l'appui d'une brigade de 1200 militaires uniquement pour protéger les infrastructures pétrolières dans cette région du Putumayo. Elle possède également deux hélicoptères, conjointement avec Ecopetrol, qui sont régulièrement utilisées par l'armé national colombien pour soi-disant mener des opérations de contre-insurrection. Cependant, la militarisation de la région poursuit d'autres objectifs comme celui de préparer le terrain pour l'exploitation des gisements pétroliers par la Petrobank. À cet effet la déclaration du commandant en chef du bataillon spécial, Francisco Javier Cruz, est très éloquente: ''La sécurité est la chose la plus importante pour moi. Les compagnies pétrolières doivent pouvoir travailler sans se faire de soucis et les investisseurs étrangers doivent se sentir tranquilles.'' Dans ce contexte, les intérêts de la compagnie poussent inévitablement à resserrer les liens avec l'État et à profiter d'un contexte sécuritaire extrême pour les infrastructures, sans égard aux pertes de vies humaines et aux désastres environnementaux.

Conclusion En profitant du nouveau cadre fiscal colombien et de la (para)militarisation du territoire, la compagnie canadienne Petrobank peut facilement être considérée comme une entreprise criminelle. Après tout, elle opère uniquement en fonction de la rentabilité économique, sans égard à la répression et la pauvreté extrême qui existe dans la région même où elle exploite des gisements pétroliers. Ce schéma semble malheureusement être appliqué partout en Colombie; des compagnies privées saccagent le territoire et les populations ne reçoivent que quelques miettes qui s'effritent entre les mains d'élites locales corrompues. Alors quand les représentants du système capitaliste globalisé nous cassent les oreilles avec leurs idées dégradantes, crions leur ''ya basta''. Il est grand temps d'éliminer ce système de domination, qui par définition, ne peut pas être humanisé ni réformé. Appuyons les communautés colombiennes dans leur résistance !!! Dénonçons les profiteurs de guerre comme la Petrobank !!! Construisons notre autonomie !!!
Auteur.trice
PASC