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25/02/2012

Compagnie d’extraction pétrolière discrète, longtemps méconnue de la plupart des Colombiens, l’entreprise franco-britannique Perenco a acquis ces dernières semaines une notoriété dont elle se serait bien passée. Plusieurs témoignages l’accusent d’avoir financé des escadrons de la mort pendant des années, près d’un gisement des plaines de l’est du pays. «Les Messieurs de cette entreprise se voyaient avec[notre]commandant, a raconté aux juges le combattant paramilitaire Nestor Vargas. Ils nous apportaient 100 barils mensuels d’essence et 50 à 100 millions de pesos [de 20 000 à 40 000 euros, ndlr] Vargas a fait partie d’un front régional des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), des milices antiguérilla responsables d’au moins 50 000 morts - dont des guérilleros présumés mais aussi des militants de gauche, des paysans, des vagabonds… Il a ainsi confirmé ce que plusieurs de ses chefs, officiellement démobilisés en 2006, avaient déjà affirmé à la justice. Selon leurs témoignages, les apports de l’entreprise auraient duré au moins de 2001 à 2005. «Ces gens prenaient part aux décisions», souligne Nestor Vargas.

Perenco s’ajoute ainsi à la liste de multinationales, British Petroleum en tête, accusées d’avoir eu recours aux milices pour se protéger des attentats de la guérilla. Ses dirigeants, qui préfèrent garder le silence, n’ont pourtant pas un sang d’encre à se faire : toutes ont jusqu’ici bénéficié d’une curieuse impunité réservée aux élites économiques.

Depuis 2006, la justice a commencé à démanteler le réseau de complicités des AUC, en bonne partie grâce aux aveux de leurs commandants eux-mêmes. Des dizaines de leurs alliés parlementaires purgent des peines allant jusqu’à quarante ans de prison, des éleveurs ont été condamnés pour les avoir financés, et des officiers, dont l’ancien chef de l’armée de terre, sont poursuivis. Mais les grandes entreprises semblent intouchables : aucune enquête, a révélé le quotidien El Espectador, n’est en cours contre Perenco. Avant elle, le géant de la banane Chiquita Brands, qui a reconnu avoir financé les escadrons de sa zone, s’en est sorti en payant une simple amende à l’Etat américain. Les ex-commandants des AUC le reconnaissent eux-mêmes : les «puissants secteurs de la société» qui les ont soutenus échappent toujours aux scandales.

Le paramilitaire et trafiquant «Don Berna», aujourd’hui extradé aux Etats-Unis, a ainsi confirmé l’an dernier l’existence d’un «groupe» de six à douze notables qui constituaient une sorte de conseil d’administration des escadrons. Il a préféré taire l’identité des «plus importants», «par sécurité» pour les membres de sa famille.

Source : Libération

Pour en savoir plus :Une compagnie pétrolière franco-anglaise finance des paramilitaires

 

Auteur.trice
Michel Taille