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07/02/2012

« Dans cette région de campagne, les femmes jouèrent un rôle très important. En ces temps de blocus économique et social, ce sont elles qui apportaient les choses au marché. Les maris ne sortaient pas de la maison, voire fuyaient. Les femmes s’occupaient des enfants, des animaux, défendaient la maison pour qu’il n’arrive rien au mari. Si le mari était tué, elles restaient à faire la même chose, à défendre la maison. Dans la région, avec le projet pour la défense du territoire, on a constaté une progression de la participation des femmes. Elles furent la base fondamentale de la résistance ». (Dirigeante paysanne de Honduras, région du Catatumbo, Norte de Santander. Colombie)

 

En Colombie, le gouvernement applique la politique dite de « Sécurité démocratique » qui consiste à mener en priorité (exclusivement ?) des actions militaires, avec ce que cela a d’excluant et ce que cela implique en terme d’irrespect des droits humains. Cette vision (classique) de la sécurité, concentrée sur les actions militaires et non sur la volonté de résoudre les mauvaises conditions sociales, politiques et économiques, génère de la violence dans les espaces publics et privés, et développe les inégalités sociales. Avec cette militarisation générale de la société, une culture de la violence s’est infiltrée dans la vie quotidienne. Son utilisation permanente pour résoudre les conflits au niveau national conduit à son acceptation comme moyen de résoudre les conflits familiaux et communautaires. Les femmes sont victimes de cette culture de la violence tant en temps de paix (toujours très relative en Colombie) qu’en temps de guerre.

Les relations de pouvoir sur les femmes, fondées sur l’exclusion et la discrimination, sont exacerbées par le conflit armé. La violence sexuelle (en lien avec les autres violations des droits humains de la femme) est une manière pour les hommes d’exercer un pouvoir sur le corps et la vie des femmes. C’est aussi une arme pour l’obliger à déménager. Cela joue également le rôle d’intimidation de la population, ceci à des fins de contrôle des personnes et du territoire.

La Cour constitutionnelle de Colombie a déterminé quatre particularités des violences exercées à l’encontre des femmes dans le cadre de ce conflit armé :

1. Les femmes sont exposées à des risques spécifiques liés à leur genre ;

2. Afin d’ « affecter l’ennemi », différentes formes de violences physiques, psychologiques et sexuelles sont développées. Les femmes peuvent en être des victimes directes ou collatérales parce que épouse, amie, mère, sœur... ;

3. Les familles et/ou la communauté sont harcelées, forcées à se déplacer afin de laisser le contrôle du territoire et des ressources aux acteurs armés ;

4. Le contrôle social des communautés et des territoires se fait fréquemment par des agressions physiques, psychologiques et sexuelles spécialement destinées aux femmes.

Ce qui met en évidence les risques suivants :
- violence sexuelle, exploitation sexuelle ou abus sexuels ;
- déplacement des rôles familiaux, économiques et sociaux avec une surcharge abrupte de tâches matérielles et psychologiques qui n’affectent pas de la même manière les hommes ;
- exploitation ou esclavage dans des travaux domestiques et des rôles considérés comme féminins dans une société patriarcale ;
- risque de recrutement forcé des enfants par les acteurs armés ;
- risque d’être spoliée de sa terre ;
- contrôle de la reproduction des femmes indigènes, afro ou membres d’autres communautés marginalisées ;
- difficulté d’accès aux services de santé sexuelle et de la reproduction ;
- imposition de normes sexistes et homophobes concernant les vêtements, les bijoux, le maquillage... ;
- enlèvement et esclavage sexuel de femmes et de filles ;
- contraception forcée ou avortement forcé ;
- non reconnaissance des femmes comme victimes du conflit armé et de leurs droits en justice, à la vérité, à la réparation et la garantie que cela ne se reproduise plus, etc.

Ces situations reproduisent les inégalités de pouvoir, en marginalisant les femmes des sujets politiques et en les ramenant dans le domestique, par leur rôle de mère. Ce qui favorise leur victimisation permanente.

La négation du rôle des femmes

Les femmes en tant que sujets historiques et sociaux sont absentes des mémoires ; leur rôle actif n’est pas reconnu. Ceci peut expliquer l’absence de voix de femmes dans les processus de reconstruction organisés par les organisations sociales et par les communautés affectées directement. L’État n’engage aucune action spécifique pour que cela change, malgré les recommandations de la Commission inter-américaine des droits humains. Ces faits ont été connus et reconnus grâce au travail d’organisations de femmes du mouvement social qui ont collecté les informations.

La reconnaissance des femmes en tant que sujets sociaux avec droits implique la reconnaissance de leur capacité d’action, c’est-à-dire d’être co-auteures de la réalité sociale et protagonistes (actrices) dans les différents domaines de la vie humaine (reproduction, production, vie communautaire, scientifique, technologique, politique, sociale, autres).

Les organisations de femmes se sont engagées activement pour rendre visible le rôle des femmes face à ce conflit et à la réalité colombienne. Elles revendiquent que leurs actions de résistance individuelle ou collective et que leur rôle de protection et de soutien à la famille et à la communauté soient prises en compte.

Carmen E Carvajal R
Equipe de coordination
Confluencia de Mujeres para la Acción Publica Colombia
 

Traduction : ATTAC Suisse

Auteur.trice
Confluencia de Mujeres