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19/05/2021

Les autorités colombiennes affirment que les mobilisations, qui durent maintenant trois semaines, sont orchestrées par la guérilla. Plusieurs médias relayent ces affirmations irresponsables et mensongères. Pourquoi ces affirmations et quelles sont leurs conséquences?

Manque de jugement ou stratégie électorale militariste?

Le manque de jugement du gouvernement colombien n’est plus à illustrer. Il a voulu augmenter les taxes des aliments au moment où près de la moitié de la population n’arrive pas à manger trois repas par jour et il veut asphyxier les hôpitaux au pic de la crise sanitaire. Mais que penser d’un gouvernement qui affirme que les mobilisations massives sont l’œuvre de la guérilla? Voudrait-il dire que la colère de la population vis-à-vis du gouvernement est telle que les millions de personnes qui sont dans la rue depuis trois semaines sont devenues de guérilleros? De telles affirmations seraient vues comme de la mauvaise presse pour n’importe quel gouvernement du monde, sauf pour un État prêt à riposter de façon militaire face à des revendications sociales.

Peut-être est-ce aussi une stratégie à l’approche des élections de l’an prochain? Par la polarisation visée dans ce type de discours, le gouvernement d’extrême droite, qui a causé cette crise, chercherait à se présenter comme la solution de main forte contre la menace militaire qu’il est en train de créer. Les gains seraient doubles. La campagne serait bien avancée, la coalition du parti au pouvoir pourrait réutiliser le discours populiste et militariste qui est bien rodé dans ses rangs et qui a mené Alvaro Uribe Vélez et Ivan Duque au pouvoir. De plus, s’ils sont réélus il y a moins de chance qu’ils soient traduits en justice pour les crimes commis, non seulement au cours des manifestations, mais surtout pour des crimes comme ceux des faux positifs. C’est-à-dire les 6402 jeunes exécuté·e·s par les Forces armées entre 2002 et 2008, des jeunes qui ont été présenté·e·s comme mort·e·s en combat.

La responsabilité des médias

Le gouvernement et ses forces de l’ordre ont leurs raisons d’agir comme ils le font. Qu’en est-il des journalistes? En Colombie, les fausses associations de l’opposition politique à des acteurs armés sont utilisées depuis trop longtemps pour justifier les exactions policières, militaires et paramilitaires. Les journalistes le savent, ce type d’accusations met en danger la vie des personnes qui participent aux mobilisations. En se faisant l’écho de ces accusations, les journalistes ne participent pas seulement à diffamer les manifestant·e·s et leurs revendications légitimes, mais ils participent aussi à un processus à travers lequel les manifestant·e·s deviennent des cibles militaires de l’extrême droite.

Le journalisme qui se prête à ces logiques guerrières et antidémocratiques est une honte! Ce type de traitement médiatique, qu’il soit intentionnel ou non, a pour conséquence de promouvoir des crimes contre l’humanité et d’autres violation massives violations de droits humains. C’est bien de cela dont il est question en ce moment. Les assassinats de civils qui manifestent dans la rue, les violences sexuelles envers des femmes et de jeunes filles par les forces de l’ordre sont injustifiables, et ce, quelques soient les accusations diffamatoires propagées par le gouvernement et des médias.

Author
PASC