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17/04/2018

Un groupe de femmes s'organise pour faire valoir leurs droits et développer une économie “propre”, dans un milieu riche de biodiversité, en déclin.

Les 2, 3 et 4 avril 2018, Yhoana Milena Castillo, vice-présidente de la CNA (Coordination National Agraire) organise une tournée dans l’Antioquia pour souder et renforcer les liens entre la structure nationale et l’organisation locale. L'organisation locale qui l’accueille est un comité de 10 femmes qui s'est formé début janvier 2018 dans la commune de Panáma, dans la municipalité de Segovia dans le département de l’Antioquia.

Leur objectif : lutter contre la société patriarcale, s’organiser pour vivre librement afin d’obtenir leur indépendance idéologique et économique.

Un territoire riche et complexe

Panáma est un territoire reclus, la première route goudronnée se situe à plus de cinq heures de piste chaotique. Les services sont restreints, notamment concernant les soins de santé, dont l’accès est limité.

Par ailleurs, la végétation est abondante. Un paysage vallonné offre à la communauté des espaces pour cultiver, ainsi que des terres et des rivières riches en or.

De ce fait, les familles travaillent soit en agriculture – cultures de plantain, yucca, riz, igname, canne à sucre – ou à la mine d’or, principal moteur de l'économie. Les terres et les rivières exploitées pour l'or sont “illégales”, comme l'explique un jeune de la communauté : ils ne détiennent aucun titre d'exploitation officiel. Depuis des décennies, enfants, femmes et hommes travaillent à la mine . Il y a différents types de mines : de chocabon (mine souterraine), de barco (mine de rivière), a charro (mine de roches de surface). Ils travaillent sur des espaces ne leur appartenant pas officiellement selon les lois en vigueur.

Enfin, ce territoire est marqué par les conflits armés principalement par la présence de l’ELN (Armée de libération nationale). Le gouvernement national, la police nationale et l’armée ne sont pas présent surce territoire. D'ailleurs, d'après le récit d'une commerçante, il existe seulement un impôt pour la municipalité locale (pour les services d’eau et d’électricité) et un impôt annuel pour l’ELN. Le gouvernement colombien n’a aucune emprise sur ce territoire, il en est absent.

Atelier participatif : encourageant pour la suite

Le séjour de conférence et d’atelier organisé par la CNA en a pour objectif de présenter l'organisation, de soutenir le mouvement entrepris par les femme dans la région, de voir les possibilités de développement local et de définir un plan d’action conjoint.

Le Comité de femmes de Panáma bouillonne d’idées et de projets. Depuis sa création, elles organisent des événements (ex. soirée dansante) et vendent de l'artisanat, afin de récolter des fonds qu'elle se répartiront entre elles en fin d'année à part égale.

La venue des représentantes du CNA permet au comité de structurer leurs ambitions “entrepreneuriales” et offre un appui à leur lutte, dans un contexte où la domination patriarcale historique est encore très présente. C'est aussi un moyen de lutter contre les violences conjugales et le machisme. La réorganisation des femmes permet de s'affirmer et de prendre les devants dans l’organisation familiale traditionnelle.

Cette conférence dédiée à l’organisation de Comité de femme voit la participation d’une trentaine de femmes venue des communes voisines. Enfants et hommes sont aussi présents.

L'atelier est participatif. La communauté s'est disposée en 5 groupes, chacun a dessiné la silhouette d’un corps, puis la représentation de leur territoire. Ainsi, le lien est fait entre son propre corps et son territoire en expliquant leurs souffrances, leurs douleurs, leurs cicatrices pour mieux le défendre. À l'issue des présentations, des échanges et des analyses sont entrepris. L'objectif de l'atelier est de prendre conscience de la défense de son corps et de son territoire, et ainsi inspirer une lutte pacifique et positive.

Les deux jours d’ateliers se sont soldés par la création de comités semblables à celui de Panamá dans les communesvoisines : Cristalina, Aguacate, Mina Nueva…

Les comités de femmes travailleront ensemble sur différent thèmes de revendications : éducation, santé, économie, service, infrastructure, affirmation en tant que femme, liberté…

Cette démarche s’inscrit dans une volonté du CNA de développer le territoire colombien de manière saine et sans impact écologique néfaste en soutenant l'agriculture et le développement local durable.

L’environnement, un territoire en déclin.

Un objectif nécessaire dans la région, car son intégration au sein du modèle économique extractiviste engendre la destruction du territoire. Les multiples ressources de la région se voient ainsi exploitées dans une perspective de bénéfice économique, avec des conséquences écologiques désastreuses. Ici se rencontre de manière très visible les contradictions entre la volonté d’améliorer ses conditions de vie et la nécessité de préserver l’environnement.

L’extraction de l’or se fait à l’aide de l’ajout de mercure et de cyanure. Ces éléments sont en fait des poisons qui sont par la suite rejetés dans les cours d’eau. La contamination est assez élevée dans plusieurs régions de la Colombie, car le problème de l’utilisation du mercure et du cyanure dans les mines d’or, autant industrielles que traditionnelles, se retrouve à l’échelle nationale sur le territoire colombien.

La déforestation est énorme dans la région. Premièrement, le bois est coupé pour la construction et la vente, puis on pratique le brûlis pour nettoyer la parcelle, pour ensuite semer de l’herbe pour accueillir un futur élevage. Le processus dure entre 9 mois et un an, entre le brûlis et le début de l'élevage. Actuellement, la région a perdu 200 hectares de forêt, selon la communauté. Un désastre écologique qui s'accentue et s’empire par l'élevage et son émission de gaz à effet de serre. D'autre part, l’érosion des sols détruit les pistes routières, et ravine les sols de surface, sans compter que l'éradication de la forêt par le feu détruit la biodiversité du sol et tous les micro-organismes.

L'atelier avec le CNA a apporté beaucoup d'énergie et d'espoir pour ces comités de femmes, qui s'organisent conjointement avec le CNA afin de trouver une activité à développer. Le principe serait de développer une « économie propre » au comité de femmes qu'elles détiendraient entièrement pour leur cause : agriculture, élevage, artisanat. Ce travail amènerait à la conception d'un produit ayant une valeur ajoutée. Le CNA souhaite aider le développement de la communauté d'une façon durable, un travail à long terme.

“Une affirmation féminine dans un monde machiste est une lueur au milieu des cendres de la déforestation”


Présentation de leur dessin




Les dessins de leur territoire



La joie de vivre




Acheminement du bois par traction animal



Déforestation après la coupe de bois noble dédié à la construction et à la vente



Déforestation à l'aide de bulldozer, pour l'implantation d'une station essence

Author
PASC