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06/01/2005

Le 23 septembre 1999, le président colombien de l’époque, Andrés Pastrana, rentrait de Washington après avoir obtenu de son homologue états-unien, Bill Clinton, une aide de 1,7 milliard de dollars pour financer le plan Colombie. Ce plan, essentiellement militaire 1, possède également un volet économique. L’auteur de cet article, Gary Leech, nous le démontre en prenant comme exemple les juteuses affaires de Harken Energy 2, une entreprise pétrolière liée au président des Etats-Unis.

 

Harken Energy est la dernière compagnie pétrolière en date à tirer profit de l’implication grandissante des Etats-Unis en Colombie. Le 4 novembre, la société, basée au Texas, a annoncé la signature d’un nouveau contrat d’exploration et de production pétrolières en Colombie. Cette firme est étroitement liée au président George W. Bush qui a siégé à son conseil d’administration de 1986 à 1990. Non content d’avoir fourni une aide annuelle d’un demi-milliard de dollars au plan Colombie au cours de son premier mandat, le président Bush a octroyé à la Colombie presque 100 millions de dollars sous forme d’aide à la lutte antiterroriste et a déployé des troupes des Forces spéciales de l’armée états-unienne pour protéger un important oléoduc. L’intervention croissante des Etats-Unis en Colombie ainsi que les réformes économiques imposées par le Fonds monétaire international (FMI) 3 ont créé des conditions favorables pour les firmes étrangères comme Harken qui sont désireuses d’exploiter les ressources pétrolières colombiennes.

 

L’aide militaire états-unienne crée un environnement sûr au sein duquel les sociétés pétrolières états-uniennes peuvent mener leurs activités en Colombie. S’ajoutant à l’aide militaire, les programmes d’ajustements structurels du FMI créent un contexte économique favorable pour les sociétés étrangères. En échange de prêts de presque 5 milliards consentis en décembre 1999 et en janvier 2004, le FMI a exigé que la Colombie restructure des entreprises d’état. Par suite, au cours des deux dernières années, le président Alvaro Uribe a restructuré Ecopetrol, entreprise pétrolière d’état, créant ainsi des conditions favorables à l’investissement pour des sociétés pétrolières étrangères comme Harken.

 

Le 4 novembre un communiqué de presse de Harken annonçait que sa filiale, Global Energy Development PLC, « sera propriétaire de 100% du contrat et devra seulement s’acquitter des redevances initiales de 8%, payables au ministère colombien de l’énergie. » Harken souligne plus loin que « ce contrat accorde à Global l’exclusivité des droits d’exploration et de production pour les 85 000 acres qui jouxtent Palo Blanco, un champ pétrolifère déjà en cours d’exploitation » qui a « des réserves avérées d’environ 1,8 million de barils nets. »

 

Un article paru dans Colombia Journal le 10 mai et intitulé « Plan Petroleum in Putumayo » 4 expliquait la manière dont l’aide militaire états-unienne et les ajustements structurels imposés par le FMI profitaient déjà à la firme Occidental Petroleum - basée à Los Angeles - ainsi qu’à Petrobank, une société canadienne. L’article détaillait aussi la restructuration d’Ecopetrol effectuée par l’administration Uribe en 2003. La société avait été scindée en trois entités distinctes : une Ecopetrol amputée chargée des opérations de production et de raffinement, L’Agence nationale des hydrocarbures chargée de la négociation de tous les contrats pétroliers et l’Association de promotion de l’énergie colombienne chargée de la promotion de l’industrie énergétique de la Colombie. Après la restructuration, tous les nouveaux contrats signés par des compagnies étrangères stipulaient une obligation de partenariat avec Ecopetrol.

 

Mais comme nous l’avions fait remarquer dans notre article du 10 mai : « Le ministre de l’énergie colombien Luis Ernesto Mejía a annoncé à Houston (Texas) que les firmes étrangères pouvaient négocier des contrats avec l’Agence nationale des hydrocarbures sans conclure de partenariat avec Ecopetrol. » Cette déclaration, s’ajoutant à la restructuration de 2003 et aux réformes de 2001 qui ont considérablement réduit les redevances que la firme devait verser au gouvernement colombien, a permis à Harken de négocier un nouveau contrat qui ne l’oblige pas à conclure de partenariat avec Ecopetrol. Par conséquent, Harken « sera propriétaire de 100% du contrat » ce qui revient à dire que la firme sera propriétaire de 100% du pétrole. Cela implique également que Harken est « uniquement redevable des redevances de 8% payables au ministère colombien de l’énergie. »

 

Le contrat de Harken montre bien à quel point les réformes imposées par le FMI ont forcé la Colombie à mettre son pétrole à la disposition des firmes étrangères. Comme nous l’avions noté dans notre article du 10 mai, « il est évident que les conditions ont radicalement changé en faveur des firmes étrangères si l’on considère qu’il y a quatre ans, les contrats exigeaient un partenariat égalitaire avec Ecopetrol » et « des redevances de 20%. »

 

Bien que l’administration Uribe justifie sa politique aux yeux du peuple colombien en disant qu’elle est nécessaire si l’on veut éviter que la Colombie ne devienne un importateur net de pétrole, en réalité un très faible pourcentage du pétrole ou des profits demeure sur le territoire national. En théorie, il est probable que la Colombie reste un pays exportateur à cause des nouveaux contrats tel celui que Harken a signé. Cependant, parce que Harken « sera propriétaire de 100% du contrat, » la firme récoltera tous les bénéfices issus du pétrole qu’elle exportera de Colombie et vendra aux autres pays (c’est à dire aux Etats-Unis). La Colombie ne touchera que 8% de redevances sur la valeur de ce pétrole, mais sera quand même considérée comme un exportateur net parce que ce sera « son » pétrole que Harken aura pompé en Colombie.

 

La Colombie a dû dire amen à l’agenda de réformes néolibérales du FMI afin de recevoir l’aide militaire états-unienne dans le cadre du plan Colombie parce que l’administration Clinton a incorporé les réformes du FMI dans le plan. En d’autres termes, la partie économique du plan Colombie se résume à des programmes d’ajustements structurels que le FMI impose à la Colombie. La partie militaire du plan Colombie, c’est l’aide états-unienne qui a fourni jusqu’à présent, pour environ 3 milliards de dollars en hélicoptères, en armements et en entraînement.

 

Il apparaît clairement que l’aide militaire états-unienne et les réformes économiques imposées par le FMI ont joué un rôle central dans la création de conditions favorables aux opérations des firmes pétrolières étrangères en Colombie. L’aide militaire états-unienne contribue à sécuriser le territoire pour les compagnies pétrolières désireuses de profiter des conditions économiques favorables rendues possibles par la restructuration d’Ecopetrol imposée par le FMI. Comme l’a fait remarquer le lieutenant-colonel Francisco Javier Cruz, qui commande un bataillon de l’armée colombienne dans le département riche en pétrole du Putumayo au sud de la Colombie : « Pour moi, le plus important c’est la sécurité. Les compagnies pétrolières doivent pouvoir travailler sans se faire de souci et les investisseurs internationaux doivent pouvoir dormir sur leur deux oreilles. »

 

Notes :

[1] Dossier “Plan Colombie & Initiative andine” : http://risal.collectifs.net/mot.php....

[2] A lire sur Harken Energy : Sean Donahue, Pétrole, escadrons de la mort & corruption en Colombie, Counterpunch/ RISAL, juillet 2002. http://risal.collectifs.net/article....

[3] Lire Gary Leech, Colombie : mobilisation massive contre le néolibéralisme, RISAL, 26 novembre 2004 (ndlr).

[4] Lire Garry Leech, Guerre, pétrole et néolibéralisme dans le Putumayo, RISAL, juillet 2004 (ndlr).

 

Author
Gary Leech