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10/03/2009
« Pa....», me disait Nicolas, avec la pureté de son regard indigné et embrumé d’une larme, « Pourquoi la police est si méchante ? Pourquoi ils embêtent les vendeurs ambulants lorsqu’ils travaillent, et les enfants de la rue qui n’ont pas de maison? Pourquoi ils les frappent au lieu de les aider ?». Ses mots résonnent dans ma mémoire, me faisant penser que mon fils, un visionnaire de 15 ans, est mort pour ses idéaux humanistes et son intérêt pour les questions sociales. Ses idées étaient dangereuses ou peut-être contagieuses pour les autres enfants, car, dans un ordre social basé sur l’injustice et l’iniquité, un enfant avec une pensée si évoluée comme la sienne ne pouvait pas devenir un adulte » Yuri Neira Salamanca, père de Nicolas Neira, 29 janvier 2008. Le 1er mai 2005, les matraques de la police anti-émeute de Bogota prenaient la vie du fils de Yuri. Son fils de 15 ans, Nicolas*, des rêves plein la tête et une soif de justice dans le cœur marchait au coté des travailleurs, travailleuses, étudiants et étudiantes pour célébrer le 1er mai. Devant tout le monde abasourdi, les coups frappèrent encore et encore. Depuis que sa vie, Yuri revendique justice et vérité pour son fils. Il refuse que la mort de Nicolas, comme celles de bien d’autres restent dans l’impunité : il refuse que la police ait le droit de tuer.Il a ouvert un salon culturel alternatif, El Salmon, au deuxième étage d’un immeuble, que l’on trouve aux détours des rues de Bogota. Depuis 2007, c’est aux cotés des amiEs de Nicolas, des militants et des militantes, des punks et des anarchistes – qu’il a appris à connaître et qu’il appelle affectueusement ses enfants – que Yuri organise des événements culturels alternatifs, des spectacles et des conférences. Le processus judiciaire contre les policiers n’avance pas, l’impunité gagne du terrain… Le 16 janvier 2009, la police est entrée dans le salon culturel pour une perquisition de laquelle ils sont évidemment ressortis bredouilles… En Colombie cependant, les choses ne s’arrêtent pas là… Le lendemain, 17 janvier, deux hommes armés, en civil, se présentent au Salmon en cherchant Yuri : celui-ci il n’eut que quelques instants pour s’enfuir et finalement se résoudre à sortir du pays. Ce n’est pas la première fois que Yuri craint pour sa vie, mais il continue à exiger vérité et justice : sa raison de vivre, c’est la mémoire de son fils ! « Aujourd’hui à la somme des jours à vivre sans mon fils, s’ajoutent les jours d’exil ou je me cache sans pouvoir compter les jours me séparant du retour à la maison puisque que j’ignore quand j’y retournerais. J’ignore aussi si j’y retournerais par mes propres moyens déjouant ainsi les fantômes de l’exil, ou si à l’issu de cette lutte si inégale c’est lui qui me déroutera et m’emmènera à la maison retrouver Nicolas » Yuri Neira Slamance depuis l’exil le 17 février 2009



-- *Lors de la manifestation du premier mai 2005, Nicolas Neira, un jeune de 15 ans, est assassiné par les policiers de l’ESMAD. Souffrant d’asthme et ne pouvant se sauver alors que les policiers envoient des gaz lacrymogène dans la foule, il est battu à coups de matraque dans la tête, à coups de poings et de pieds, par huit agents de l’ESMAD. Alors qu’il gît sur le sol, les agents l’encerclent afin d’empêcher qu’il soit secouru. Des manifestantEs forcent alors le cercle et emportent Nicolas vers un taxi qui l’emmène aux soins intensifs. Le père de Nicolas Neira, Yury Neira Salamanca, commence immédiatement à dénoncer publiquement ce qui s’est produit. Vers 2H am, alors qu’il revient de voir son fils qui gît dans le coma à l’urgence, il s’arrête chez un ami, habitant lui-même loin de la clinique. Un policier qui refuse de s’identifier l’appelle vers 3H am chez son ami, alors qu’il ne pouvait savoir qu’il se trouvait là-bas, pour lui demander de se présenter au poste. Devant son refus, un autre policier l’appelle de la porte du bloc appartement et lui demande agressivement de sortir. Yury refuse ayant peur de se faire assassiner à son tour. Dans la semaine qui suit, même s’il est dans le coma, des policiers se présentent à la clinique afin d’interroger Nicolas, sans succès évidemment. Ce dernier meurt de ses multiples fractures cérébrales le 6 mai 2005. À l’hôpital, alors que le corps doit être transféré à la morgue, Yuri, pour sortir, doit se cacher dans la camionnette d’une ONG, car 8 policiers en civil l’attendent dans le stationnement de l’hôpital et il craint que ce ne soit pour l’enlever. Alors que le corps de Nicolas est exposé à l’extérieur de son collège afin que ses camarades puissent faire leurs adieux, plusieurs camionnettes et motos de police passent et prennent des photos afin d’intimider les participantEs. Lors de l’enterrement, plusieurs policiers en civils sont également présents, reconnus grâce à leurs véhicules officiels et leurs radios. Quinze jours plus tard, alors que Yuri rentre à la maison et est à 100 m de chez lui, un taxi l’interpelle par son nom. Alors qu’il se retourne, le conducteur sort un revolver et lui dit d’arrêter de dire autant de conneries, qu’il sait où il habite et de ne pas aller dénoncer à la Fiscalia (Ministère de la Justice). Mais Yuri ne se laisse pas intimider : 15 à 20 jours plus tard, alors qu’il rentre chez lui, 2 personnes à moto lui tirent dessus trois fois, mais Yuri n’est pas touché. Dans les mois qui suivent, il reçoit de nombreuses menaces de mort. Le 3 juillet 2006, trois policiers l’embarquent dans leur véhicule pour lui faire faire des tours, afin de le terroriser, car il refuse de leur dire où il travaille. Refus motivé par le fait que trois mois auparavant, alors qu’il tenait un bon poste dans une entreprise de sécurité, deux policiers en civil ont rendu visite à son gérant et il est congédié immédiatement après leur visite. Selon Yuri, l’anarchiste qui écrivit la dénonciation internationale du meurtre de son fils se fit également menacé et fut victime de deux tentatives de meurtre avant de devoir sortir du pays un certain temps. Malgré les menaces et le danger pour sa vie, Yuri Neira Salamanca continue sa lutte pour la vérité et la justice et refuse de sortir du pays disant que « ceux qui doivent sortir sont tous les assassins qui sont dans le gouvernement. » (Il est maintenant finalement en exil depuis le 17 janvier 2009, pour plus d’information www.pasc.ca)
Author
PASC