L'histoire de José :
José est un paysan du Magdalena Medio, région où il vit depuis presque trente ans. Il y a été leader communautaire, présent dans les grandes manifestations des années 1980, connues comme « la grève du Nord-Est ».
En 2007, les militaires sont arrivés chez José, ont simulé un combat, ont tué un de ses voisins, un paysan de 65 ans, et l'ont fait prisonnier. « Un esprit de fête les envahit alors. Certains d'entre eux racontent que cela fait neuf mois qu'ils sont dans la montagne et que, grâce à la capture et à la mort des deux guerilleros, ils vont avoir une prime et 15 jours de vacances. L'un d'eux se réjouit de pouvoir aller voir sa mère malade qu'il n'a pas vue depuis 8 mois », témoigne José.
Le programme de sécurité démocratique du gouvernement Uribe, basé sur la dénonciation contre récompense dans un pays de misère, entraîne beaucoup de personnes vivant de petit commerce de rue à dénoncer n'importe qui pour l'argent, ou même à se faire passer pour guérillero afin de s'inscrire à un programme de démobilisation qui les fait bénéficier de l'aide sociale et d'autres avantages sociaux. Mais pour cela il faut dénoncer, avoir des résultats aux yeux des statistiques de l'État.
« Moi même ils m'ont torturé, m'ont proposé de me démobiliser, de dénoncer les leaders paysans comme des chefs de la guérilla (...). Ils m'ont dit c'est 60 ans de prison si tu n'avoues pas, si tu collabores et que tu dénonces... Mais je ne suis pas de la guérilla et les leaders de l'organisation paysanne non plus... Ça ce n'est pas important m'a-t-on répondu, penses à toi, tu peux te sauver de la prison et de la mort si tu dénonce les autres », témoigne-t-il.
Les paysans sont dans la misère à cause des fumigations contre la coca, les fumigations à l'agent orange ne détruisent que les cultures vivrières et laissent reposer la coca. « La coca fumiguée fait perdre une récolte et trois mois plus tard il y en a autant. Tandis que les culture d'aliments, elles sont fichues et pour longtemps ».
Après 15 mois de prison, il a finalement été innocenté. Les jeunes soi-disant démobilisés ont admis en cour qu'ils ne témoignaient que pour faire diminuer leur peine et de nombreux témoins de la région ont certifié que José est bien un paysan qui ne s'absente pas de sa ferme. Mais il a tout perdu: les cultures, les animaux, mais pire le droit de retourner à sa vie. S'il retourne chez lui, ce sera au péril de sa vie, même si la justice officielle l'innocente, il sera maintenant l'objet d'arrestation dans n'importe quel barrage militaire ou encore pire paramilitaire, et cette fois-ci il sera sans nul doute fusillé. Mais il ne veut pas quitter le pays.
Nous avons recueilli son témoignage quelques 48 heures après sa sortie de prison. Il nous parle de son histoire, mais aussi de sa région, de la situation économique et des intérêts stratégiques qui ont amené la guerre sur sa terre. Écoutez son témoigange en version originale
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