SOMMAIRE
	1. Introduction ............................................................................................................. 3
	2. Droit international et normes internationales................................................................ 6
	3. La notion de défenseur, défenseure1 des droits humains ............................................. 10
	Qu’est-ce qu’un défenseur, une défenseure des droits humains ? ................................. 10
	Pourquoi la reconnaissance est importante................................................................. 12
	4. Les différentes formes d’attaques contre les défenseurs des droits humains.................. 16
	Assassinats, enlèvements, disparitions forcées et menaces de mort .............................. 16
	La violence liée au genre contre les femmes qui défendent les droits humains............... 19
	Punis pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion
	pacifique ................................................................................................................ 22
	Stigmatisation et atteintes à la réputation .................................................................. 25
	5. Les défenseurs les plus menacés : la terre, le territoire et les ressources naturelles ....... 28
	Le conflit armé en Colombie ..................................................................................... 30
	Conflits fonciers ...................................................................................................... 32
	Megaprojets ............................................................................................................ 34
	6. Les défenseurs les plus menacés : sexe, genre et sexualité.......................................... 40
	Droits sexuels et reproductifs .................................................................................... 40
	Violences contre les femmes en raison de leur genre ................................................... 41
Agressions contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées
	.............................................................................................................................. 44
	7. Les défenseurs les plus menacés : droits des migrants................................................ 46
	8. Les défenseurs les plus menacés : lutte contre l’impunité........................................... 49
	9. Les défenseurs les plus menacés : journalistes, blogueurs et syndicalistes.................... 53
	10. Protection des défenseurs des droits humains.......................................................... 57
	11. Conclusions et recommandations............................................................................ 61
	Recommandations ................................................................................................... 62
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Extrait concernant la Colombie
LE COLLECTIF D’AVOCATS JOSE ALVEAR RESTREPO, COLOMBIE
	« [Les fausses accusations qui] discréditent [un défenseur] ont des effets terribles sur tous les
	aspects de sa vie […] Le respect de la part des responsables de l’État est plus important que
	n’importe quel gilet pare-balles. »
	Reinaldo Villalba, avocat spécialiste des droits humains, membre du Collectif d’avocats José Alvear Restrepo
	En octobre 2011, la procureure générale a annoncé qu’elle mènerait une enquête sur des allégations indiquant
	qu’en réalité, certaines « victimes » du massacre de Mapiripán en juillet 1997, au cours duquel des
	paramilitaires avaient tué ou fait disparaître des dizaines de personnes avec la complicité de l’armée,
	n’étaient pas mortes et que les familles de ces « fausses victimes » avaient néanmoins réclamé et reçu une
	indemnisation de l’État. Cette enquête a été ouverte après que Mariela Contreras a révélé que son fils,
	prétendument tué à Mapiripán, était vivant. Cette femme avait été représentée par le Collectif d’avocats José
	Alvear Restrepo (CCAJAR) – qui a également défendu d’autres victimes de Mapiripán – et avait reçu une
	indemnisation de l’État pour la mort de son fils.
À la suite de ces allégations, la procureure générale a accusé le CCAJAR d’agir comme une « bande
	criminelle », tandis que Juan Manuel Santos aurait déclaré : « Il existe des personnes aux intérêts
	économiques confus qui abusent de ce système pour tirer profit des ressources de l’État [...] Il est difficile
	d’imaginer que ces personnes ont conseillé à des individus n’étant pas des victimes de mentir et de se faire
	passer pour telles. Peut-il y avoir pire acte de corruption ? » Dans d’autres déclarations, le président
	colombien a aussi remis en question le travail effectué par le système interaméricain de défense des droits
	humains. Les autorités colombiennes semblent cependant oublier que le témoignage de Mariela Contreras
	figurant dans la plainte d’origine avait été approuvé par le parquet, et non par le CCAJAR. Dans l’affaire du
	massacre de Mapiripán, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a appelé l’État colombien à éclaircir
	qui étaient les véritables victimes, dans le cadre de son obligation de mener une enquête exhaustive et
	impartiale sur ce massacre.
	Ces accusations contre le CCAJAR faisaient clairement partie d’une campagne visant à discréditer son travail
	et celui d’autres organisations de défense des droits humains qui luttent sans cesse contre l’impunité dont
	bénéficient les membres des forces de sécurité impliqués dans des atteintes aux droits fondamentaux. Cela
	fait des années que les membres du CCAJAR sont soumis à une surveillance illégale, à des écoutes
	téléphoniques, à des actes de harcèlement et à des menaces de mort. Ces dernières critiques formulées au
	plus haut niveau n’ont fait que renforcer les intimidations, la surveillance et le harcèlement à leur encontre.
MANUEL RUIZ ET SAMIR DE JESUS RUIZ, COLOMBIE
	Le corps de Manuel Ruíz a été retrouvé le 27 mars 2012 dans la municipalité d’El Carmen del Darién
	(département du Chocó). Le lendemain, le corps de son fils, Samir de Jesús Ruíz, âgé de 15 ans, a été retrouvé
	à proximité. Il portait des traces de torture. Selon des témoins, tous deux avaient été enlevés par des
	paramilitaires quelques jours auparavant. Manuel Ruíz est parvenu à téléphoner à ses proches pour leur dire
	que son fils et lui avaient été contraints à quitter le véhicule dans lequel ils se trouvaient et que leurs
	ravisseurs demandaient une importante somme d’argent en échange de leur libération. Avant l’enlèvement,
	ces deux personnes avaient été abordées par des paramilitaires, qui les avaient accusées d’être des
	guérilleros. Elles avaient ensuite été brièvement retenues par la police.
	Manuel Ruíz et son fils faisaient partie de la communauté afro-colombienne et métisse d’origine africaine
	d’Apartadocito, dans le bassin du Curvaradó (département du Chocó). Leur assassinat est survenu juste avant
	une inspection gouvernementale qui devait avoir lieu dans une zone appelée Los Piscingos, et au cours de
	laquelle Manuel Ruíz devait servir de guide aux agents de l’État. Cette inspection faisait suite à une décision
	de justice du 7 mars 2012, qui ordonnait de procéder à un recensement dans la région afin de déterminer qui
	étaient les propriétaires légitimes des terres. Les proches de Manuel Ruíz et d’autres personnes avaient été
	déplacés de Los Piscingos par des paramilitaires dans le cadre d’une opération menée conjointement avec
	l’armée en 1996. Après l’enlèvement et l’assassinat de Manuel Ruíz et de son fils, leur famille a quitté
	Apartadocito, car elle craignait pour sa sécurité. À l’heure où nous rédigeons ce rapport, personne n’a été
	traduit en justice pour ces meurtres.
	Le conseil communautaire d’Apartadocito fait partie de l’organe qui gère la propriété terrienne collective du
	Curvaradó52. Depuis les années 1990, des paramilitaires, agissant seuls ou avec la complicité des forces
	armées, commettent des assassinats, profèrent des menaces de mort et sont à l’origine du déplacement forcé
	de populations afro-colombiennes et indigènes vivant dans les bassins du Jiguamiandó et du Curvaradó et
	dans la réserve d’Urada-Jiguamiandó. Afin d’assurer leur sécurité, des membres des communautés afrocolombiennes
	des bassins du Jiguamiandó et du Curvaradó ont créé des zones humanitaires destinées à
	protéger leur droit, en tant que civils, de ne pas être impliqués dans le conflit. Ces communautés ont cherché
	à défendre leurs droits fonciers et à empêcher l’expansion des plantations illégales de palmiers à huile et
d’autres activités économiques sur leur territoire. Pour cette raison, nombre de leurs membres ont été
	menacés et tués.
LE MOUVEMENT NATIONAL DES VICTIMES DE CRIMES D’ETAT, COLOMBIE
	En juillet 2012, une organisation paramilitaire – l’Armée contre la restitution de terres – a envoyé un courriel
	dans lequel elle citait 13 personnes, dont des défenseurs des droits humains et des politiciens, qu’elle
	qualifiait de « cibles militaires ». On pouvait notamment y lire : « 13 guérilleros déguisés en défenseurs des
	droits humains, 13 cibles militaires54. » Le message poursuivait : « Notre armée a reçu l’instruction de tuer
	ces bâtards qui veulent prendre les terres de citoyens aisés pour les donner à des guérilleros comme eux. Vous
	êtes prévenus maintenant qu’on vous a identifiés, et qu’on connaît vos programmes [de protection]. » Bon
	nombre des personnes citées dans ce message soutiennent des demandes de restitution de terres et
	travaillent dans des endroits où des personnes ont intenté une action en justice pour récupérer leurs terres.
	Plusieurs d’entre elles avaient aussi participé à la manifestation organisée le 6 mars 2012 par le Mouvement
	national des victimes de crimes d’État (MOVICE), pour appeler à la mise en oeuvre d’un programme efficace et
	complet de restitution des terres saisies par la force par les différentes parties au conflit.
	Dans tout le pays, les membres du MOVICE ont été victimes de nombreuses attaques. Par exemple, depuis la
	création en 2006 de l’antenne du MOVICE dans le département de Sucre, ses membres ont été victimes de
	centaines d’actes d’intimidation, de menaces ou d’agressions visant à les empêcher de mener leurs activités
	légitimes. Certains ont notamment été surveillés, se sont fait voler des informations confidentielles et
	sensibles, ont reçu des menaces de mort, ont fait l’objet de procédures judiciaires infondées ou ont été tués.
	Récemment encore, le 11 mars 2012, Hernando José Verbel Ocón a été victime d’une tentative d’assassinat
	dans la municipalité de San Onofre (département de Sucre). Il a signalé cette tentative d’assassinat auprès
	du Service d’enquêtes judiciaires et de renseignement. Le 23 mars 2011, son père, Eder Verbel Rocha, avait
	été tué par des paramilitaires. En janvier 2012, le frère de celui-ci, qui avait été témoin de l’assassinat, avait
	reçu des menaces de mort. À l’heure où nous rédigeons ce document, cette famille ne bénéficie d’aucune
	mesure de protection de la part de l’État. Deux paramilitaires soupçonnés d’avoir tiré sur les deux frères sont
	en détention dans l’attente de leur procès, mais l’enquête visant à déterminer qui a ordonné ces actes n’a rien
	donné.
Le MOVICE est une coalition colombienne rassemblant plus de 200 organisations sociales, politiques et de
	défense des droits humains qui réclament la vérité, la justice et des réparations pour les victimes des
	violations des droits humains commises par les forces de sécurité, seules ou en association avec des groupes
	paramilitaires, dans le cadre du conflit armé. Il a joué un rôle essentiel en recensant et en dénonçant un grand
	nombre d’affaires d’assassinats et de disparition forcée imputables aux forces de sécurité et à des groupes
	paramilitaires.
ORGANISATION POPULAIRE DE FEMMES, COLOMBIE
	L’Organisation populaire de femmes (OFP) s’efforce de faire progresser les droits des femmes en Colombie
	depuis 40 ans et tente d’aider celles qui ont été victimes de violations des droits humains dans leur lutte pour
	obtenir justice, vérité et réparation. Le 13 septembre 2012, Gloria Amparo Suárez, représentante juridique de
	l’OFP à Barrancabermeja, dans le département de Santander, a reçu un appel téléphonique menaçant.
	L’homme qui l’appelait lui a dit qu’elle avait 72 heures pour quitter la ville. Il a ajouté : « Dis à ta patronne,
	Yolanda, qu’elle a 48 heures pour quitter la ville ». Yolanda Becerra est la directrice de l’OFP. Le 14 mars
	2012, un homme s’est approché de María Iluminada Ortiz Moscote, également membre de l’OFP, devant son
	domicile à Barrancabermeja, et l’a accusée d’être une indic de la police. Il lui a dit, en pointant le doigt vers
	sa tête : « Dis-leur que je suis un paramilitaire qui va te remplir le crâne de plomb, pour que tu voies ce que
	c’est qu’un paramilitaire ». De nombreux autres membres de l’OFP ont été victimes d’actes d’intimidation et
	d’agressions. Au cours de la dernière décennie, trois membres de l’organisation ont été tuées. Personne n’a été
	traduit en justice pour ces menaces. Les membres de l’OFP bénéficient actuellement de mesures de protection
	limitées.