Dans son programme environnemental, le gouvernement Harper a récemment annoncé l’obligation de 5% d’éthanol dans l’essence au Canada en 2010, ce qui équivaudrait à entre 2 et 2,5 milliards de litres. En 2003, l'essence à l'éthanol représentait 7% de la production canadienne; ce serait 35% d'ici 2010. Pourtant, même selon Environnement Canada, il n’y a pas vraiment de différence entre les émissions de gaz de l’essence ordinaire et celle à 10% d’éthanol. De plus, l’éthanol offre à peine plus d’énergie que ce qu’il en coûte pour le fabriquer, peut-être même moins ! Alors pourquoi cette mesure et des programmes comme le Programme d'expansion du marché de l'éthanol ? Pour le business...
Habituellement, le Canada produit un peu moins de 50 millions de tonnes de grains par année (blé, orge, maïs, avoine, seigle) et en exporte la moitié. Les agrocombustibles représentent un nouveau débouché pour les céréales canadiennes: la production augmente d’année en année, surtout pour le maïs, et conséquemment les prix baissent – ils sont maintenus artificiellement par les subventions,. Également, la réthorique sécuritaire est présente : l’énergie consommée au Canada provient de pays étrangers – Iraq, Nigéria, Venezuela, Arabie Saoudite, etc. Sous des arguments environnementaux et économiques (et nationalistes), on assiste donc à un véritable lobby pro-éthanol de la part des associations d’agroindustriels canadiens (à ma connaissance c’est la même dynamique aux États-Unis), pour en fait renflouer leurs poches. Car cette nouvelle demande de céréales provoque une hausse générale des prix, même des céréales destinées à la consommation humaine. Si tout le gaz canadien contenait 10% d’éthanol, on calcule que 8 à 9 millions de tonnes de grain seraient nécessaires – près du cinquième de la production canadienne. Globalement, les prédictions sont que dans 10 ans, 1/3 du maïs au Canada et aux États-Unis, 55% des oléagineux en Europe et 60% de la canne à sucre au Brésil serviront à la fabrication d’éthanol.
1 plein d’essence = 190 kilos de maïs, ce qui équivaut en kilocalories à 347 jours de consommation de nourriture pour un adulte...
D’ailleurs, selon un de ces lobbies – www.greenfuels.org – ce n’est pas de la nourriture qu’on utlise pour faire des agrocombustibles, car les céréales utilisées pour la fabrication de l’éthanol sont celles qui ont moins de valeur, ou encore les grains de moins bonne qualité et les cultures endommagées. Face à cette argumentation, je me questionne en fait sur la surproduction agroindustielle de si peu de variétés de céréales, car réellement les agrocombustibles sont pour écouler des surplus : ceux qui arrosent de milliers de litres de pesticides chimiques les champs se foutent bien de « l’avenir de la planète » !
Au Québec, ouvrait la première usine d’éthanol fin juin 2007, à Varennes par la compagnie Éthanol Greenfield (la plus grosse compagnie d’éthanol au Canada) qui produira plus de 120 millions de litres d’alcool d’éthanol par année, à partir de quelque 300 000 tonnes de maïs québécois, soit environ 10% de la production de la province ! Cette ouverture a été chaudement applaudie par Pro-éthanol, un lobby de 500 producteurs agricoles, fournisseurs de maïs et actionnaires de l’usine. Au Québec, la production de maïs était presque inexistante il y a 30 ans, alors que c’est la plus grosse aujourd’hui, avec plus d’un millions d’acres (plus que toutes les autres productions réunies) des plus belles terres agricoles de la province! Elle a augmenté de 26% en 2007 ; 15% de plus avec l’ouverture de l’usine de Varennes. Et déjà la moitié des pesticides employés en agriculture au Québec sont destinés à la culture du maïs.
Devant l’augmentation de la controverse, au Québec, le Conseil des ministre a accordé une règlementation accrue de l’utilisation de pesticides dans la production de maïs. Et l’on affirme que l’usine de Varennes sera la dernière usine éthanol-maïs au Québec : on vise maintenant l’éthanol-cellulosique, qui serait plus écolo... 6.5 millions ont été investis pour deux usines en Estrie dans cinq ans. En plus des résidus forestiers, les plantes promus sont le sorgho (Afrique), le panic érigé, chanvre (Asie), millet japonais (Inde) : des plantes qui poussent vite et beaucoup, et qui produiraient plus d’énergie par hectare.
Un exemple : la compagnie québécoise Tectane vante le « sorgho sucrier », une plante d’origine africaine. Leur production se fait en Chine pour la consommation québécoise. Mais attention : cette plante miraculeuse peut nourrir le bétail et les humains, servir à la construction de maison, se transformer en papier, et bien plus car les travailleurs chinois ont la chance de devenir « technicien » ! On implante une culture étrangère dans un pays où j’imagine bien sûr que les habitants ne savaient ni se nourrir ni se loger, pour faire rouler un système de surconsommation énergétique dans notre beau pays. Et quelle est la différence avec la palme en Colombie? Aucune tête ne semblerait avoir été coupée...
Piedra no.4, 2008