Le bassin supérieur du fleuve Mocoa, département du Putumayo, est condamné au désastre : l’avarice des multinationales et la faim d’une population paupérisée en sont les causes inévitables.
Ce texte est une traduction d’un article rédigé le 16 août dernier par le groupe d’enquête Kavilando. L’urgence quant à la protection de l’Amazonie colombienne nous incite aujourd’hui à partager cet article. Pour lire la version originale, voir : https://www.kavilando.org/lineas-kavilando/conflicto-social-y-paz/8661-…
Une quantité d’environ « 4. 600 MILLIONS de livres de cuivre et 511 MILLIONS de livres de molybdène, pour une production approximative de 20 ans » est située dans la haute zone du bassin de la rivière Mocoa. Ce point est considéré comme l'un des gisements colombiens les plus importants de ce type de ressources selon ce qu’a manifesté Ian Harris, président et directeur exécutif de la multinationale Libero Copper & Gold Corporation à divers médias nationaux et internationaux. Cela fait de ce sanctuaire naturel et ancestral, situé aux portes de l'Amazonie colombienne — à 10 km de Mocoa, capitale du Putumayo — un lieu idéal pour exploiter ce trésor convoité des sociétés minières internationales et du gouvernement colombien.
Le « projet Mocoa », comme fût baptisé cette opération millimétrée et militairement planifiée, bénéficie du soutien total de la présidence de la République de Colombie, du ministère de l'intérieur, du ministère de l'environnement et du développement durable, du ministère des mines et de l'énergie, de l'institut colombien des mines et de la géologie, de l'armée nationale colombienne, en plus de certaines entités publiques de la région, dont Corpoamazonia.
Au sud du point d'extraction coule la rivière Mocoa, artère fluviale de la municipalité du même nom, laquelle sera évidemment la source principale qui accueillera l'impact des différents processus d'extraction et d'enrichissement du « projet Mocoa ».
La multinationale minière, dont le capital est majoritairement canadien, prévoit de convertir le projet actuel en une mine dans une échéance de 4 à 5 ans, ce qui signifie que d'ici la fin de 2025 ou la moitié de 2026, l’exploitation minière à grande échelle (ou Mega Mining) à Mocoa serait déjà opérationnelle. Le bassin du fleuve Mocoa, les différents affluents qui alimentent la région ainsi les deux réserves autochtones de cette zone sont les premiers touchés par le « progrès et le développement ».
Avec un discours se voulant rassurant, la multinationale Libero Copper d’origine canadien (qui cherche apparemment à se faire passer pour incorporée en Colombie), a déjà commencé ses activités de Mega Mining à Mocoa, en développant des installations pré-productives, pour ensuite entrer dans l'étude de faisabilité dès que possible, de sorte que, selon les médias internationaux « cette année, elle a prévu des investissements de plus de 5 millions de dollars pour les activités géochimiques et géophysiques et les premiers forages », qui sont déjà en cours dans la zone supérieure du bassin de la rivière Mocoa. Certain.e.s travailleur.euse.s de la région et des villages des alentours de la mine portent déjà fièrement les chandails de la multinationale qui les aiderait à répondre à leurs besoins économiques face à l'actuelle précarité dont souffre la région. La multinationale canadienne « prévoit également d'investir environ 10 à 20 millions de dollars US d'ici 2022 » afin d'accélérer la conversion du projet en mine, puis commencer définitivement l'exploitation du minerai de cuivre et de molybdène.
Ainsi, face à un capital international et l’appareil d’État aussi colossales, les défenseurs.euse.s du bassin supérieur de la rivière Mocoa, en plus de celles et ceux déjà attelé.e.s à la défense de la vie et de la biodiversité en Amazonie colombienne n’ont d’autres choix que de commencer une lutte. Il est clair qu'une grande partie de la communauté rejette la présence des multinationales minières sur son territoire, cette dernière ayant déjà signifié son « NON » retentissant à la méga exploitation minière à Mocoa. Cependant, une autre partie des citoyens, composée de colons récents et de quelques habitant.e.s arrivé.e.s dans la ville à cause de la pauvreté dans d'autres départements sont pour le moment des spectateurs sans engagement ni de visions tranchées quant à l'avenir de la région. Enfin il y a les rares locaux qui arborent déjà fièrement la chemise de la multinationale minière, défendant ses intérêts comme s'ils étaient les leurs.
L'intervention d’un projet de Mega Mining est d'une telle ampleur que les effets environnementaux sur l'Amazonie du Putumayo ne peuvent être que proportionnels ; bien que sur papier et dans les grandes briques théoriques des études techniques, on peint des merveilles de gestion environnementale, culturelle et sociale. D’autant plus que si l'entité qui surveille ces processus le font à la manière de Corpoamazonia, institution qui a perdu toute crédibilité aux yeux du public dans la région en ce qui concerne sa fonction d’autorité environnementale. Elle s'accommode en effet très facilement des ordres du haut, en niant les critères régionaux. En un mot, elle semble s’être perdue dans son rôle de défenseur de l'Amazonie sud colombienne. Pour cela, il suffit d'observer l'engagement de plus de 6 milliards de pesos dans la réalisation du plan de gestion du bassin de la rivière Mocoa, projet basée sur des études inconnues de la communauté scientifique. Ces études sont par ailleurs classées dans la bibliothèque poussiéreuse de cette entité et ont été publiées peu après les études très mitigées du PBOT de Mocoa, qui définit le destin de ce morceau de territoire amazonien.
Les dirigeant.e.s sociaux et les communautés organisées qui défendent la biodiversité environnementale et ancestrale recherchent une protection juridique de la constitution politique et des normes colombiennes qui leur permettront de trouver un moyen de conserver le bassin et la vie de l'Amazonie comme un héritage écologique aux générations actuelles et futures de Mocoans et de Putumayenses. Les instruments d'appropriation collective du territoire sous la figure juridique des Zonas de Reserva Campesina (ZRC) ou la protection juridique de l'Amazonie en tant qu'entité sujet de droits, leur permettront de conserver leur habitat naturel et leurs sources d'eau dans un environnement actuellement condamné à la catastrophe.