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06/05/2017

Au croisement des départements du Cundinamarca, du Huila et du Méta en Colombie, est située la région du Sumapaz. Du haut des montagnes, se trouve un paramo* unique, considéré comme le plus grand au monde. Tel un coeur qui bat, de ses veines, il alimente en eau toute la région. Aujourd'hui cette source d'eau potable est menacée, ce qui met en péril la subsistance des communautés locales.

Parler du Sumapaz, c'est parler d'une histoire de luttes pour la terre, pour des conditions de vie dignes, mais une histoire qui est aussi marquée par la violence et la répression.

Multiples résistances à travers l'histoire

Les traces du passé montrent la présence des Paches, un peuple guerrier ayant vécu sur le territoire. Ces derniers ont lutté ardemment face à la colonisation des Espagnols. Plutôt que de se soumettre à leur domination, on raconte que plusieurs se seraient projeté.es dans le vide depuis une pierre sacrée avec la croyance de se métamorphoser en aigle et d'accéder à un autre monde. Les peuples Chibcha et Muiscas ont aussi fréquenté le Sumapaz pour ses lieux sacrés.

L'établissement de colon.nes dans le Sumapaz a débuté au 19e siècle, motivée dans les basses terres par l'expansion des plantations de café et dans les hautes terres par la production de patates, l'élevage bovin et l'exploitation forestière.

Au milieu du 19e siècle, les paysan.nes du Sumapaz se voient obligé.es de travailler pour de grands propiétaires terriens à qui l'État Colombien a vendu les terres. Dépossédé.es, la confrontation s'organise. C'est dans la chaleur de ce conflit que se forme une organisation paysanne, connu comme “Société agricole des colonies du Sumapaz”, qui cherche à rétablir l'égalité pour les paysan.nes. À la fin des années 1940, plusieurs terres sont redonnées aux colon.nes, suite à l'attribution de terres publiques. Cet embryon de réforme agraire sera interrompu par ce qui fut nommée ''La Violencia''. Cette époque, entre 1949 et 1960, fut le théâtre d'assasinats de civils et de guériller@s, dans l'objectif d'imposer le régime conservateur dans la région et d'assurer le contrôle de la la terre aux mains des grands propriétaires terriens. En 1953, près de 10 000 paysan.nes en armes trouvent refuge dans les montagnes du Sumapaz.

C’était dix ans avant la création des Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC). Cette guérilla a développé une présence continue dans la région. Cela s'explique entre autres par les avantages stratégiques liés à la localisation géographique du Sumapaz, soit la proximité de Bogotà, permettant d'y mener des actions. Entre la FARC et les paramilitaires (Auto-défenses unies de Colombie), son contrôle a été bataillé.

Cette longue histoire de guerre mais aussi de luttes laisse des traces, celle d'une politisation de la population et d'un héritage d'organisation collective. Les femmes sont au coeur des processus de résistance. Ce sont elles qui se sont tenues devant les maisons et la terre, avec leurs enfants, pour défendre le territoire et une vie digne.

S'organiser pour survivre

Août 2013. Participant à un blocage de rue, afin de revendiquer des conditions de vie dignes, plus d'égalité, une véritable réforme agraire, le jeune paysan Juan Camilo Acosta reçoit une balle de gaz tirée à bout portant par la police anti-émeute. Il en perd la vie.

C'était lors du paro national agraire. Cette grève, à laquelle participèrent les paysan.nes de la zone, s'est étendue à travers la Colombie, dans un mouvement national ayant rallié des travailleur.ses de plusieurs secteurs, des étudiant.es... (pour en savoir plus)

C'est une lutte pour la souveraineté alimentaire, pour la conservation des semences locales et pour assurer la survivance de leur mode de vie, face au contexte de mondialisation qui priorise une méga-production au détriment de l'économie locale. Les paysan.nes revendiquent aussi la constitution de zones de réserve paysanne, afin de récupérer le contrôle sur l'aménagement du territoire et la gestion des terres, via la réglementation des zones agricoles, s'appuyant sur la loi 160 de 1994. Cette mesure vise à restreindre la concentration de la terre dans les mains de grands propriétaires terriens.

 

Dans la vereda de San Miguel, municipalité de Pandi, une grande partie de la population est composée de personnes ayant vécu un déplacement forcé. Les repères sont donc à reconstruire avec le défi de conjuguer des historiques et cultures différentes. Le commun a été créé autour d'une coopérative de caféiculteurs, Asecafepro, ainsi que d'un moulin commun de canne à sucre permettant la fabrication de panela et de sucre non raffiné.

 

 

« Les paysans et paysannes du Sumapaz proviennent de ce processus historique de résistance et de résilience face à tous les problèmes que nous vivons ici. Nous savons que c'est une question de pouvoir, une question économique pour les grandes ressources naturelles et c'est pour ça qu'ils veulent en finir avec les paysans et les paysannes d'ici. »
- Paysan du Sumapaz

 

 

 

Le collectif d'agronomie "Tierra Libre", formé d'ancien.nes étudiant.es fait partie de la Coordination nationale agraire (CNA). Leurs actions s'articulent autour de la défense du territoire, avec la campagne “Agua Si, Petroleo No”; de l'éducation populaire, avec les écoles paysannes visant à partager des techniques de production écologique; de la création d'économie alternative, avec une ecotienda où sont vendus des produits locaux et écologiques. Ce collectif, inscrit dans les luttes locales, a son propre processus collectif et autonome de production agricole autour d'une finca dans la municipalité de Pasca.

 

Agua Si, Petroleo No

« Agua Si, Petroleo No » est une campagne pour la défense de l'eau et du territoire, menée par plusieurs collectifs écologistes, communautaires et des organisations sociales. Le slogan a été repris à travers tout le territoire colombien, et a été l'appel pour une forte mobilisation dans le  Sumapaz.

Présentement, c'est plus de la moitié du territoire colombien qui est destiné à l’exploitation d’hydrocarbure et la province du Sumapaz n’est pas exempte de cette menace. Les trois projets d’exploration pétrolière du Sumapaz sont réalisés par des entreprises canadiennes, soit Alange Energy Corp, filiale de Pacific Rubiales, et Canacol Energy S.A. Colombia.

La population affectée par le projet d’exploration COR-33 d'Alange Energy Corp a obtenu la mise en place d’une audience publique en 2015, après une lutte acharnée. Les autorités colombiennes ont alors refusé d'émettre le permis environnemental pour ce projet qui a été momentanément suspendu, mais est encore effectif. De plus, Canacol est en exploration pour les projets COR-04 et COR-11 (pour en savoir plus, voir "Le combat continue..." et "Actions légales...")

Le mot d’ordre de la campagne est clair : si ce sont plusieurs projets extractifs variés auxquels doivent faire face les communautés, il n’est pas question de se diviser. C’est un même combat contre un système d’exploitation capitaliste néolibéral qu’il faut mener et l’union de toutes les forces est indispensable. La campagne permet de rassembler des étudiant.es, travailleur.ses et habitant.es de la région afin de créer des réseaux de soutien permettant entre autres la diffusion des réalités vécues sur le terrain, la circulation des connaissances et la création d’un front commun afin de documenter les dossiers de défense du territoire et de répondre aux évaluations environnementales faussées et aux arguments légaux des multinationales.

 

 

 

Dans la municipalité de Tibacuy, c'est la sauvegarde du parc Quinini qui rassemble. Des paysan.nes se sont uni.es autour de l'Association de protection des ressources naturelles et environnementales de Tibacuy, APRENAT. Une des principales menaces à l'écosystème est le projet touristique du parc national Quinini PANAQUI, comprenant la construction d'un méga hotel, de restaurants, d'un héliport et d'une base militaire. Et comme si ce n'était pas assez, la réserve forestière Quininí est menacée par un projet d'exploitation d'hydrocarbures par fracturation hydraulique et des schistes bitumineux (COR-04, par la compagnie canadienne Canacol).


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Aujourd'hui, les batailles se poursuivent au Sumapaz. Les communautés locales se trouvent confrontées à des méga-projets d'exploitation qui menacent le territoire et mettent d'autant plus en péril le mode de vie paysan.

Même avec la démobilisation des FARC liée aux accords de paix, cette zone demeure fortement militarisée. Avant, il y avait 3 soldats pour chaque habitant, maintenant il y en a 4, même si l'armée maintient que le rapport est toujours de 3 pour 1. On prétend que le paramo se doit d'être surveillé, mais surveillé de qui?


* Un páramo est un écosystème unique se trouvant dans les hauts sommets de la Cordillère des Andes. En plus d’abriter une flore et une faune variée, les páramos sont particulièrement importants pour leur rôle dans la rétention d’eau, représentant 75% des réserves d’eau de la Colombie. À lui seul, le páramo de Sumapaz est considéré comme l’une des réserves d’eau douce la plus importante au monde.

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PASC