En Colombie, on commet 60% des assassinats qui se présentent dans le monde(...) une violence historique, structurelle, systématique et sélective qui se traduit en un modèle de comportement de l'Etat colombien : cette violence depuis 1986, laisse au moins 2778 syndicalistes assassinés, 196 disparitions forcées et plus de 11096 faits de violence, qui constituent un génocide contre le mouvement syndical colombien.
L'organisation des victimes, un pas fondamental pour mettre un terme aux pratiques génocidaires.
La violence antisyndicale se pratique toujours dans un cadre particulier : la persistance de la crise des Droits de l'Homme, la continuité du conflit interne, l’instrumentalisation de la politique « sécurité démographique » et la militarisation de la société, qui montre des phénomènes de récidive de massacres de jeunes, des garçons et des fille. Un exemple récent dans l’Arauca (au Nord-Est) : la Présidente du « Polo Démocratique » a signalé que depuis le 7 août et jusqu'à maintenant, 50 leaders et défenseurs des Droits de l'Homme ont été assassinés. Parmi eux, des leaders qui réclamaient la restitution des terres. Il y a une nouvelle escalade de massacres, une victimisation croissante de la société colombienne démontrant la persistance des phénomènes comme le para politique, l'appui à la violence de quelques entreprises et multinationales d'un côté, les fausses bonnes nouvelles, les interceptions illégales comme le récent et dénoncé « plan Escalera », du paiement illégal d'informateurs d'un autre côté de la DAS, pour empêcher l'information des syndicats, la réorganisation paramilitaire, le soutien de l'impunité, la profonde crise social de l'emploi et la santé… Tout ça commence à être révélé et ne peut être occulté par le gouvernement.
Remarquons qu'il n'existe pas de conditions pour la réalisation des droits des victimes. Dans un premier temps, comme nous l'avions anticipé depuis le mouvement syndical et celui de quelques organisations des Droits de l'Homme, le processus de négociation et de réinsertion des groupes paramilitaires et leur instrument juridique, la loi Justice et Paix, a catégoriquement échoué. Ca a fermé les possibilités de reconstruction de la vérité, de justice et de réparations pour les victimes. Dans un second temps, on a vu les étroites limites d'un projet de Loi des victimes et du gouvernement d' « Unité Nationale » qui n'a pas consulté les organisations de victimes, ni les organisations sociales et syndicales victimes elles aussi. L'Etat s'arroge la faculté de définir qui est une victime ou qui ne l'est pas, et le thème central pour la discussion du gouvernement est le coût et le maintien fiscal, placés au-dessus des droits des victimes. En outre, le projet gouvernemental ne contient pas de réparation collective pour les organisations qui ont été détruites. Et l'Etat n'assume pas, par omission, sa responsabilité dans ce génocide.
Ainsi, nous signalons que l'Etat et le gouvernement colombien, en lien avec des entreprises, des multinationales et des acteurs juridiques, entament des actions pour essayer d'occulter le génocide. Ils développent travail diplomatique dans le but de ne pas reconnaître que le mouvement syndical continue d’être attaqué, en cherchant à imposer l'oubli à la violence systématique antisyndicale.
Des chiffres des violences
Nous nous permettons de signaler qu'à aucun moment, nous pouvons caractériser que nous sommes dans une situation de post-conflit. Au contraire, nos adhérents qui se trouvent sur presque tout le territoire national et nos organisations adhérentes souffrent de sévères violations. Si nous examinons ce qui s'est passé durant l'année 2010, il y a 39 syndicalistes qui ont été assassinés, parmi lesquels 17 éducateurs qui sont adhérents à Fecode. De plus, il persiste que chaque jour, on viole un droit à la vie, à la liberté et à l'intégrité des syndicalistes, comme cela s'est passé pendant les 25 dernières années. Entre le 1er janvier et le 30 août 2010, on a dénombré 275 violations. Parmi elles, 201 menaces, 16 attentats, 10 harcèlements, 5 enlèvements, 5 disparitions, 2 raids illégaux, 1 détention arbitraire et les homicides mentionnés. Ces faits sont des préliminaires pour l'année 2010 et inspirent un scénario de terreur pour ceux qui décident de lutter pour défendre des milliers de travailleurs et de travailleuses.
Ce phénomène est le prolongement d'une politique d'extermination et de destruction des organisations syndicales. Nos rencontres font écho à l'appel lancé à la communauté nationale et internationale pour mettre fin au génocide contre le mouvement syndical colombien. Dans cette lutte, nous avons réussi à ce que les organisations syndicales sœurs au niveau international ainsi que les organisations nationales et internationales des Droits de l'Homme se solidarisent avec notre situation. Et nous sommes également parvenus à ce que les instances comme l'OIT (Organisation Internationale du Travail), la Commission interaméricaine des Droits de l'Homme, des parlementaires et gouvernants de la communauté internationale, reconnaissent qu'en Colombie, on commet 60% des assassinats de syndicalistes qui sont perpétués dans le monde entier. Dénonciation qui a signifié la non-approbation ou ratification de Traités de libre commerce avec le gouvernement et les entreprises colombiens. C'est le cas du Traité de libre comme avec les Etats-Unis ou le groupe EFTA, des pays nordiques. Face à notre dénonciation du génocide, les rencontres avec les victimes ont rendu compte que le mouvement syndical colombien a souffert d’une violence historique, structurelle, systématique et sélective qui s'est convertie en un modèle de comportement de l'Etat colombien.
Cette violence depuis 1986, laisse au moins 2778 syndicalistes assassinés, 196 disparitions forcées et plus de 11.096 faits de violence, qui constituent un génocide contre le mouvement syndical colombien. Les régions les plus touchées sont dans l'ordre Antioquia, Santander, Valle dei Cauca, César et Magdalena. Les syndicats les plus touchés, en tenant compte des informations entre le 1er janvier 1986 et le 30 août 2010, sont Fecode et les éducateurs qui apparaissent comme les plus grandes victimes. Avec 921 homicides, suivent Sintrainagro, avec 798 homicides, USO avec 116 homicides, Anthoc avec 58 homicides, Sintraelecol avec 50 homicides, Arsonal avec 47 homicides, Sutimac avec38 homicides, et Fensuagro 37 homicides. L'analyse de cette information a mis en évidence que la violence contre le syndicalisme s'est concentré sur 15 syndicats, c'est-à-dire, 78% des homicides se sont réalisés contre les adhérents de ces organisations. On peut en déduire qu’il y a eu une violence orientée vers l'extermination des organisations syndicales au-delà de l'individu victime d'un homicide.
Ce phénomène a de profondes racines historiques, non seulement pour le mouvement syndical, mais pour beaucoup de secteurs sociaux, ethniques et politiques qui ont souffert d’une pratique d'extermination massive.
Dès l'apparition du mouvement syndical en Colombie, la violence antisyndicale a été une constante et on a imposé aux organisations et à leurs adhérents le rôle de victime par le seul fait d'exercer les droits d'association et l'exercice des libertés syndicales. Nous pouvons mentionner comme antécédents historiques les réponses violentes face aux pétitions des travailleurs, les luttes et actions historiques des travailleurs des chemins de fer, des pétroliers, des travailleurs de chantiers navals et la tristement célèbre luttes des travailleurs agricoles et des travailleurs de la banane qui réussirent leurs premières revendications, certains y laissant leur vie.
L'impunité assure la persistance du génocide syndical
Face à la grave situation de violence contre le mouvement syndical, les mesures de l'Etat ont été presque nulles. Seulement jusqu'à la moitié de l'année 2007, le ministère public et la magistrature ont entrepris une sorte de mesure, impulsée par la pression du mouvement syndical colombien et mondial, dans le cadre des discussions sur le Traité de Libre Commerce que le gouvernement de Colombie souhaitait signer avec les Etats-Unis.
L'intolérable situation d'impunité se maintient, en démontrant que l'unité spéciale du ministère public et les trois juges chargés des crimes contre les syndicalistes, n'ont pas constitué une mesure sérieuse, adéquate et effective pour réaliser des avancées. Si en 2007 on parlait d'une impunité de 100%, aujourd'hui malgré la dénonciation, la pression internationale et les différents discours de l'Etat colombien, l'impunité, pour le cas des homicides est de 96% et dans d'autres violations, l'impunité est de 99.84%. Précisons que dans la majorité des cas, on détermine des sentences pour des auteurs matériels, mais les sentences pour identifier les auteurs intellectuels de violations des Droits de l'Homme des syndicalistes sont presque inexistantes. Par conséquent, dans la mesure où on ne démonte pas les structures génératrices de violence antisyndicale, cela renvoie un message très négatif sur le haut degré d'impunité des coupables ainsi que sur la non-considération permanente des victimes du mouvement syndical.
Le mouvement syndical, et spécialement la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT) qui a offert 87% des victimes de la violence antisyndicale, a l'obligation morale de recueillir la mémoire et revendiquer les droits à la vérité, à la justice, à la réparation intégrale et la non re-victimisation aussi bien individuelle que collective. Il faut défendre de cette manière le droit d'exister dans le libre exercice des libertés syndicales et la défense des droits des travailleurs.
Traduit de l'espagnol par Sylviane Mangata pour Investig'Action
Source originale : Azalea Robles