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22/06/2011
La Piedra, no 8, été 2011. Les «locomotives du développement», telle est l’appellation donné par le Président Santos aux cinq axes de son le Plan de développement pour la période 2010-2014 [Pour consulter le Plan National de développement du Président Juan Manuel Santos : [http://www.dnp.gov.co/PortalWeb/PND/PND20102014.aspx ]]. L’un de ces axes, « développement minier et expansion énergétique » a de quoi réjouir les investisseurs canadiens car les mines occupent maintenant une place de premier ordre dans les plans gouvernementaux... La locomotive de la « prospérité démocratique » du Président Santos va déjà bon train; elle fonce aveuglément vers l'horizon avec autant de vision que des chevaux portant des œillères, afin de ne pas se laisser épouvanter par les dommages collatéraux qu'elle provoque sur son passage. Son Plan national de développement, essentiellement orienté vers un effort pour attirer l'investissement étranger et encourager l'exploitation des ressources naturelles pour l'exportation, rappelle tristement que la logique du passé colonial perdure dans le capitalisme global contemporain. De 2002 à 2009, la Colombie a transféré à l'extérieur des ressources équivalent à plus de 10 000 millions de dollars, mais demeure pourtant le deuxième pays ayant le plus haut taux de sans emplois de l'Amérique latine. Depuis 2004 seulement, le gouvernement colombien a remis 1536 titres exclusivement pour l'exploration et l'exploitation d'or, alors que 7770 autres requêtes sont en cours de traitement. En 2009, 98% de l'investissement étranger en Colombie s'est orienté vers le secteur minier; un saut à pieds joints dans le présent néocolonial du « libre-marché »! Dans le département (province) de Santander, situé dans la région nord-est du pays, une entreprise canadienne nommée Greystar Ressources Ltd, dont le siège social est basé à Vancouver, compte bien profiter de la montée en flèche du prix de l'or sur le marché mondial. Son projet initial nommé Angostura prévoyait l'exploitation d'une immense mine d'or à ciel ouvert dans le páramo de Santurban, où l'on estime que les réserves de ce précieux métal dépassent les 10 millions d'onces. Un páramo est un écosystème néotropical très fragile, que l'on retrouve presque uniquement dans la Cordillère des Andes en très haute altitude entre la limite des forêts et des neiges éternelles. Les páramos sont surtout présents au Vénézuela, en Colombie, au nord du Pérou et en Équateur. La végétation des páramos tend à retenir les précipitations et filtrer les eaux de dégel venant des sommets, d'où le fait que de nombreuses rivières trouvent leur origine dans ces zones. En fait, les páramos peuvent être comparés à d'immenses générateurs d'eau potable et il sont essentiels à la régulation hydrique de régions entières et donc à la survie des populations, souvent paysannes, qui y habitent. Malgré le fait que la réforme du Code minier, via la loi 1382 de 2010, stipule qu'il est interdit de réaliser des activités minières dans les parcs nationaux, les zones de réserves forestières et les écosystèmes de páramo, le gouvernement colombien a déjà remis 391 titres miniers à des multinationales, situés sur 109 000 hectares de páramos, allant, comme il en a l'habitude, à l'encontre de ses propres lois. Dans le cas du páramo de Santurban, qui s'étend sur 80 000 hectares (800 km2) situés entre 3000 et 4500 mètres d'altitude, celui-ci alimente 4 grandes rivières, qui elles-mêmes fournissent l'eau non seulement aux 21 municipalités environnantes des départements de Santander et Norte de Santander, mais aussi à plus de 2,2 millions d'habitant-es des villes de Bucaramanga et de Cucuta, capitales de ces départements. De plus, son écosystème est l'habitat de plus de 450 espèces de plantes, 200 d'oiseaux et d'une soixantaine de mammifères, dont certaines sont endémiques à cette zone et en voie d'extinction. Malgré cela, le projet Angostura de la canadienne Greystar prévoyait déployer son projet d'exploitation minière sur plus de la moitié du páramo de Santurban. Son projet initial comptait opérer une mine à ciel ouvert qui utiliserait 240 tonnes d'explosifs et 40 tonnes de cyanure par jour, contaminant à coup sûr avec ce poison les sources d'eau et les terres de toute la région, comme cela est arrivé avec tous les projets semblables de long en large de l'Amérique latine. Cela sans compter le fait que pour produire un gramme d'or on utilise 1000 litres d'eau à la seconde, ce qui équivaut à dire qu'une telle mine gaspille et pollue pendant une journée d'extraction la même quantité d'eau que consomme une ville d'un demi-million d'habitants en un jour. Ainsi, le 25 février dernier, la population de la région s'est mobilisée: plus de 30 000 personnes ont manifesté leur opposition au projet de la Greystar dans les rues de Bucaramanga. Contrairement à d'autres situations où les projets miniers affectent uniquement des communautés rurales, le fait que le projet Angostura menace l'approvisionnement en eau potable d'importantes villes a contribué à générer cette importante mobilisation ayant eu des échos jusqu'à Bogotá, où a aussi été organisée une manifestation de solidarité. Non seulement les secteurs populaires, les syndicats et les ONG de défense des droits humains étaient présents, mais également des fonctionnaires régionaux, des associations professionnelles ainsi que certains commerçant-es se sont joints à cette mobilisation. La pression fut telle que le Ministre des Mines et de l'Énergie ainsi que le Président Santos ont dû reculer et annoncer le 17 mars dernier que le gouvernement ne donnerait pas son aval à la Greystar, puisque son projet tel que présenté ne pourrait pas obtenir de licence environnementale. Du même souffle, ils annonçaient que la Greystar avait pris la décision de retirer son projet. Il fallait cependant être naïf pour penser que la Canadienne allait renoncer si facilement à extraire et produire près de 10 millions d’onces d'or sur 15 ans et que le gouvernement colombien pour sa part renoncerait si rapidement aux 14 millions de dollars offerts en redevances par la compagnie (somme pourtant ridicule puisqu’on peut évaluer à 14 milliards les revenus qu’une telle mine peut générer). Ainsi la bonne nouvelle concernant l'abandon du projet fut de courte durée puisque déjà le lendemain, la Greystar annonçait qu'elle retirait sa demande de licence environnementale pour le projet tel que présenté initialement, mais qu'elle avait l'intention de modifier le projet afin que celui-ci ait moins d'impact sur l'environnement et ainsi pouvoir aller de l’avant avec l'exploitation. Il semble que la deuxième version du projet proposera une exploitation souterraine plutôt qu'une mine à ciel ouvert. Une amélioration de façade, puisque le dynamitage que nécessite une mine souterraine risque d'affecter tout autant le páramo et son fragile écosystème, tandis le cyanure ira alors contaminer directement la nappe phréatique et les sources d’eau souterraines. Ainsi, la mobilisation contre la Greystar devra continuer. S'il veut se renforcer, le mouvement devra être fort non seulement dans les villes, mais s'enraciner davantage chez les habitant-es de la région rurale que l'entreprise veut séduire avec ses promesses d'emploi et de prospérité. Pour plusieurs habitant-es de la région qui n'ont jamais eu de salaire stable et dont la survie est une lutte quotidienne, l'illusion d'un emploi ou d'une somme d'argent en guise d'indemnisation est parfois suffisante pour accepter un tel projet. La nécessité de pain aujourd'hui, voilà ce sur quoi jouera la Canadienne pour essayer de gagner l'appui de la population locale. Il est à prévoir que l'entreprise et le gouvernement se chargeront d'articuler une campagne médiatique visant à redorer leur image avec un soi-disant « nouveau » projet plus vert et bénéficiant d'un appui local, qu'elle tentera de gagner à coup de distribution de miettes. La Greystar n'a pas à réinventer la roue, elle n'a qu'a suivre le même modus operandi qu'ont déjà utilisé tant d'autres avant elle pour diviser et mieux régner. Le président Santos a troqué la « sécurité démocratique » d'Uribe Velez pour la « prospérité démocratique ». Alors que la « sécurité démocratique » d'Uribe a facilité la continuité des opérations de « nettoyage » mené par les paramilitaires pour évincer des territoires stratégiques la population qui résiste et permettre la militarisation de ceux-ci, la « prospérité démocratique » de Santos vise à permettre aux investisseurs étrangers – dont plusieurs canadiens – d'imposer leurs projets économiques dévastateurs en toute tranquillité. Du moins tel est l'objectif, mais heureusement, l'avarice insatiable des élites se heurte parfois à de légers inconvénients... La grogne populaire qui a surgi contre le projet Angostura s'est articulée en l'espace d'à peine quelques mois en un mouvement unissant différents secteurs. Celui-ci a culminé dans cette impressionnante manifestation de dizaines de milliers de personnes qui a réussi à faire reculer, au moins temporairement, la multinationale canadienne et le gouvernement colombien. Il s'agit d'un premier pas important qui, espérons-le, saura inspirer la construction à plus long terme d'un mouvement solide depuis la base contre l'avarice des profiteurs de guerre canadiens. De notre côté, nous devons nous aussi nous mobiliser pour dénoncer ces compagnies de chez nous, qui tentent de s’enrichir en implantant des projets sur des terres ayant souvent été volées aux communautés déplacées par les paramilitaires et allant à l'encontre du droit à l'autodétermination des peuples sur leurs territoires et leurs ressources.


Greystar Resources Ltd. Ste 1430 - 333 Seymour Street Vancouver, B.C. Canada V6B 5A6 Tel (604) 682 8212 Fax (604) 682 3708 Victoria Vargas, Investor Relations : vvargas@greystarresources.com
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PASC