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21/05/2007

La Piedra no.3, 2007.

Le Plan Colombie, appelé " Plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'État ", s'est étendu de 1999 à 2005. Officiellement, il visait à mettre fin au trafic de la drogue. En fait, il avait l'objectif implicite de combattre la guérilla, qualifiée de " narco-terroriste ", et de combattre toute autre menace pouvant nuire à la sécurité de  l'Etat colombien i.e. tous mouvements intérieurs ou extérieurs pour le changement social. Entre 2000 et 2006, les États-Unis ont investi 4,681 milliards$ dans le Plan  Colombie et les programmes reliés, dont près de 80% de ce montant était pour les programmes militaires, antinarcotiques et antiterroristes, et 20% en développement  social et alternatif.1 Ce montant s'élève à 7,7 milliards de dollars si on y inclut les dépenses de l'Agence des Etats-Unis pour le développement International - USAID 2, cet argent allant en grande majorité à des sous-traitants, les contratistas, des compagnies d'armement et d'agrochimie (pour les fumigations des cultures de coca). Selon des chiffres du gouvernement colombien pour la même période, la Colombie a investi 7.5 milliards$ dans des programmes associés au plan. Le reste de la communauté  internationale a donné 1 milliards$. Au total donc, environ 13 milliards$ en 6 ans, 57% de ce montant pour la lutte contre la drogue et le crime, et 43% pour le  développement institutionnel, économique et social.3

Les suites...

La Phase de consolidation du Plan Colombie (PCCP), est maintenant en cours (plan 2006-2010). Les États-Unis et la Colombie décident de poursuivre dans la même voie et de consolider les " acquis " du Plan Colombie sur quatre aspects : combat contre le terrorisme, le narcotrafic et le crime organisé international; réactivation  économique et sociale ; renforcement des institutions et du système judiciaire ; démobilisation des groupes armés illégaux et réintégration de leurs membres (i.e. démobilisation des paramilitaires en toute impunité). 4

Les États-Unis offrent également du soutien à la Colombie via l'Andean Counterdrug Initiative - ACI (éradication et interdiction des cultures de coca - 140 000 hectares fumigés en 2005), le programme Foreign Military Financing - FMF, International Military Education Training - IMET (entraînement des forces militaires colombiennes),   non-Proliferation, Anti-Terrorism, Demining and Related Programs -NADR (contre trafic illégal d'arme, pour l'AKI - Anti-Kidnapping Initiative: équipement et entraînement du  Grupos de Acción Unificada por la Libertad Personal - GAULA)5. Par exemple, en 2003 6, les États-uniens ont fourni 700 millions$ à l'ACI, dont 433 millions$ à la Colombie (284 millions$ pour l'éradication et l'interdiction des cultures - support militaire - et 149.2 millions$ pour le "développement alternatif et le renforcement des institutions) ;  de plus, le 93 millions$ provenant du FMF était spécifiquement destiné à protéger le pipeline Cano-Limon dans l'est du pays, qualifié d' "élément clé de l'infrastructure  économique colombienne".7

Le Nouveau Plan Colombie (2007-2013), intitulé "Estrategia para el Fortalecimiento de la Democracia y el Desarrollo Social" (Stratégie pour le renforcement de la démocratie et le développement social) est maintenant mis de l'avant par le Président Alvaro Uribe Velez. Il demande à la communauté internationale 30% du montant, selon le principe de la " co-responsabilité " dans la guerre à la drogue8. La rédaction de ce plan a pris plus d'un an et a bien sûr été fait en consultation avec les États-Unis, et son coût total est 6 fois supérieur à celui fixé en 1999. Le nouveau plan a une forte emphase sur l' "investissement social ", en affirmant que, pour maintenir le progrès  u pays, est nécessaire le développement et la présence du gouvernement dans les territoires récupérés9. 86% des ressources du plan seraient destinées au développement, contre 14% pour la composante militaire et de lutte à la drogue.

En mars 2007, lors de sa tournée sud-américaine, le président états-unien George Bush a fait un arrêt à Bogota, et avec Uribe Velez a discuté du traité de libre-échange  entre les deux pays, de la seconde phase du Plan Colombie, de la lutte au terrorisme et du développement des biocombustibles... Pour le gouvernement colombien, l'appui des États-Unis via le Plan Colombie, avec près de 3 500 millions $ approuvé au Congrés (prévision de 390 millions $ de plus en 2008) en assistance technique et en équipement, est " nécessaire " pour la bonne marche de son programme de " Sécurité démocratique ".

La composante dite "sociale": le développement alternatif

Le Plan Colombie contient une composante dite "sociale", le Plan de développement alternatif - PDA, qui met de l'avant des " cultures de substitution " aux cultures  illicites. Elles sont également promues par l'USAID et nombreux programmes, dont le CAPP - Colombian Agribusiness Partnership Programm et le MIDAS - Más Inversión para el Desarrollo Alternativo Sostenible. Sous l'objectif d'offrir un " développement alternatif " aux cultures illicites, certains produits dits " gagnants " sont promus. La réalité est l'imposition d'un modèle économique d'agro-industrie d'exportation qui va complètement à l'encontre de la souveraineté alimentaire.

Selon un document de "proposition de paix" de l'administration Pastrana qui date de 1998, la stratégie principale du Plan Colombie est "l'augmentation de l'investissement  à travers le développement de projets productifs intégraux qui incluent des changement dans la tenure de la terre, le développement d'oeuvres d'infrastructure et la conservation de l'environnement"10. Un programme principal du projet du Plan Colombie est "Agroproyectos para la paz", dans lesquels les paysans, propriétaires de la  terre, s'associent au secteur privé pour la production agroindustrielle de cultures " compétitives ", préférablement pour l'exportation, telles que les produits forestiers, produits sylvo-pastoraux, fruits, caoutchouc, cacao, palme à l'huile, lait/viande, pisciculture, yucca et asperges. Le PDA a été repris par le gouvernement Uribe dans son  Plan national de développement " Vers un État communautaire ", et fait la promotion par exemple du cacao, du caoutchouc, de la palme africaine (pour la production de biodiesel), du café et des produits forestiers.11

La USAID - United States Agency for International Development - a révisé ses stratégies pour le futur et promeut désormais davantage ces dites alternatives économiques et la construction de la capacité commerciale colombienne, qui, dans leurs mots, ne peut que " bénéficier des opportunités " offertes par les accords de libre-échange  bilatéraux et hémisphériques. La nouvelle stratégie de la USAID est formulée via trois objectifs (SOs): renforcement de la gouvernance démocratique, expansion des alternatives économiques et sociales à la production de cultures illicites, et support aux personnes déplacées et des autres groupes vulnérables. Le second objectif prétend  être réalisé via l'accord de libre-échange bilatéral entre les États-Unis et la Colombie, ainsi que par la mise en place de méga-projets agro-industriel et d'exploitation  forestière menés par le secteur privé.

Le CAPP est un plan de quatre ans (2003-2007) qui vise également la promotion des cultures alternatives. Sa réalisation a été confiée à une compagnie privée états-unienne, ARD - Associates in Rural Development Inc., sous la bannière du RAISE IQC - Rural and Agricultural Incomes with a Sustainable Environment Indefenite Quantity  Contract (ARD a par exemple parmi ses " organisations ressources " Monsanto et Cargill...12). Le CAPP accorde une " attention spéciale " à l'établissement de cultures qui  emploieraient beaucoup d'ouvrier-e-s agricoles, sur une base permanente, " tout en répondant aux demandes du marché ". Ces cultures incluent : cacao, caoutchouc, palme  africaine, mangue et fruit de la passion. Dans un rapport de juillet 2005 du programme CAPP préparé par ARD pour la USAID, il est mentionné qu'en termes d'hectares, sur les six produits principaux à être cultivés, il y a 51% de palme africaine, 20% de coton et 16% de cacao. En incluant les fruits tropicaux, 76% des projets supportés par le CAPP concernent les cultures à rendement tardif. 13

ARD est également l'entreprise chargée du programme MIDAS - Más inversión para el desarrollo alternativo sostenible, qui couvre la période de décembre 2005 à  septembre 2010. Le programme couvre quatre secteurs - petites et moyennes entreprises, agro-industrie, foresterie commerciale et politique - et vise à développer " a  business methodology " et à propulser la Colombie dans l'économie mondiale en accroissant sa compétitivité. On prévoit 130 000 nouveaux hectares d'agro-industrie, 150 000 hectares de forêts naturelles en " improved management " et 67 500 hectares de plantations forestières industrielles, et la création de 177 000 emplois. 160 millions$ US14 sont alloués à ce programme, plus jusqu'à 50% de certains coûts d'assistance technique et de consultation. Encore une fois, les produits soutenus sont la palme, le  cacao, le caoutchouc, les fruits, le café, l'anacardier (cajou), etc., et le programme fait la promotion des associations de producteurs entre le secteur privé et la paysannerie.  l'idée de ces associations de producteurs est que le paysan reste propriétaire de sa terre, mais y cultive des produits pour l'exportation en " association "  avec une compagnie privée. Celle-ci peut donc profiter de la terre pour le temps désiré, alors que le paysan s'endette pour la cultiver.

1 Selon le Center for International Policy (CIP) http://ciponline.org/colombia/aidtable.htm, rapporté par Sergio Gómez Maseri, "43.836 millones de dólares costaría segunda fase del Plan Colombia", El Tiempo, 1er février 2007.
Hectór Mondragón Báez, "Plan Colombie et démocratie", North American Congress on Latin America - NACLA (www.nacla.org), Vol. 40, No. 1, janvier/février 2007. Traduction : Raphaelle Barret, pour le RISAL (risal.collectifs.net).
Gómez Maseri, "43.836 millones de dólares costaría segunda fase del Plan Colombia".
Roger F. Noriega, Assistant Secretary for Western Hemisphere Affairs, "Statement Before the House International Relations Committee", Washington, DC, May 11, 2005,
www.state.gov/p/wha/rls/rm/2005/q2/46564.htm

U.S. Departement of State, “Western Hemisphere”, www.state.gov/documents/organization/60656.pdf p. 543.
U.S. Departement of State, “U.S. Narcotics Control Initiatives in Colombia” www.state.gov/p/inl/rls/rm/21203.htm
“Western Hemisphere”, p. 544.
Gómez Maseri, "43.836 millones de dólares costaría segunda fase del Plan Colombia"
9   Ibid.
10 Plan Colombia, Propuesta para la paz de la administracion Pastrana, disponible sur Centre for International Policy, ciponline.org/colombia/plancolombia98.pdf
11 "Programma de Desarollo Alternativo 2003-2006", Documento Conpes, República de Colombia, Departamento Nacional de Planeación, 3 mars 2003. www.colombiaemb.org/opencms/opencms/download/id/PDA.pdf
12 ARD, RAISE PLUS IQC, http://raise.ardinc.com/iqc/raise-plus_site.php?tid=113
13 ARD/ Colombia Agribusiness Partnership Program,Third quarter report FY '05, July 2005, p.5 pdf.dec.org/pdf_docs/PDACF235.pdf
14 Programa MIDAS,Productividad Sostenible en y para Colombia www.revista-mm.com/rev54/forestalmidas.pdf
 

 

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PASC