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30/03/2011
Interview avec le vidéojournaliste colombien Jorge Enrique Botero Quelle première lecture pourrait-on faire de la partie Colombie des révélations de Wikileaks qui commencent à paraître dans le journal colombien El Espectador ? Jorge Enrique Botero : Y compris les secteurs les plus traditionnels de la société colombienne qui ont toujours été favorables aux États-Unis ont été étonnés par les révélations publiées par El Espectador et provenant de Wikileaks, en raison des niveaux d’abjection auxquels sont arrivés les fonctionnaires du gouvernement du président Uribe Vélez, le haut commandement militaire, ainsi que certaines personnalités issues du monde politique ou économique. C’est un vrai défilé d’agenouillement des dirigeants colombiens devant Washington, si bien que Semana, qui n’est pas exactement une revue de gauche, se demande si le bureau de la présidence colombienne se trouve à la Maison Blanche ou à la Casa de Nariño. Chez beaucoup de Colombiens ces câbles ont révélé une situation honteuse parce qu’il s’agit d’une longue période d’abjection et d’agenouillement des dirigeants colombiens devant Washington. À la suite de la publication de ces câbles certains médias ont fait remarquer que l’ambassade des États-Unis ressemble à un confessionnal. D’autres sur Internet disent que les fonctionnaires colombiens passaient par les magasins de sport pour acheter des genouillères avant d’aller à l’ambassade des États-Unis. Que pensez-vous de ces réactions ? Jorge Enrique Botero : Ces expressions de l’humour populaire, cet humour collectif, sont le reflet de l’indignation qui existe dans toute la société colombienne devant la confirmation de ce que nous imaginions depuis toujours, nous avions toujours su, qui a été très dénoncé par les médias indépendants, devant le fait que nous étions une espèce de colonie, une espèce de porte-avion, pour les États-Unis, une espèce d’Israël en Amérique latine. Les preuves apparues avec ces câbles, ces messages des fonctionnaires de l’ambassade états-unienne à leurs chefs du département d’État, ont confirmé tout cela, et cela a fait qu’une grande vague d’indignation a touché tout le pays. Ces câbles apportent de terribles confirmations, de façon très concrète. Avec ce qu’a déjà publié El Espectador, par exemple, on voit très clairement la haine et l’esprit anti-vénézuélien qui a caractérisé pendant huit ans le gouvernement du président Uribe, sa haine, son rejet viscéral du président Chávez. Cela apparaît lors de plusieurs conversations qu’il a eues avec les ambassadeurs états-uniens. Ces câbles ont également fait apparaître que le gouvernement Uribe a espionné pendant huit longues années, aux moyens d’écoutes téléphoniques, des membres de l’opposition, des journalistes et des magistrats de la Cour suprême. Ils ont également montré, par exemple, que pendant le gouvernement d’Uribe il y a eu des démobilisations fictives, fausses, aussi bien de guérilleros que de paramilitaires. Une autre chose, importante : ce qu’a publié El Espectador montre aussi le lien étroit qui existe entre plusieurs commandements militaires et les groupes paramilitaires et narcotrafiquants qui ont dévasté les campagnes colombiennes pendant dix ans. Comme tu disais, tout cela avait déjà été dénoncé en Colombie par beaucoup de médias indépendants et par des militants. Mais quel impact peuvent avoir ces confirmations dans le futur dans les procès qui sont encore en cours en Colombie, pour rendre justice, y compris dans le cas de l’ex-président Álvaro Uribe ? Jorge Enrique Botero : Je crois qu’elles vont avoir un impact important. Certains hauts fonctionnaires du gouvernement Uribe ont déjà été cités devant la justice pour répondre des accusations qui existaient déjà et qui ont été confirmées par ces câbles. Ces câbles d’une certaine façon vont se convertir en éléments de preuve dans les très importants procès qui sont déjà ouverts contre de hauts fonctionnaires du président Uribe et contre le président Uribe lui-même. Je voudrais profiter de cette conversation avec vous pour parler d’un fait récent qui s’est produit en Colombie, les libérations de personnes qui étaient retenues par les FARC. Ce processus a généré beaucoup d’expectatives, un grand espoir que se produise un processus de paix dans votre pays. Comment analysez-vous cela ? Jorge Enrique Botero : En la matière je suis modérément pessimiste et modérément optimiste. Je pense que ce qui vient de se produire dans le pays n’ouvre pas une porte de paix, n’ouvre même pas les fenêtres de la paix. C’est un interstice qui donne une petite lumière qui, je crois, peut donner aux Colombiens l’espoir que se produise, enfin, ce que notre société espère le plus : la paix. Pendant le processus des libérations nous avons entendu le gouvernement national, le président Juan Manuel Santos lui-même, faire certaines allusions, dire que les clés de la paix n’ont pas été jetées à la mer, que les portes de la paix ne sont pas fermées à clé. Nous avons également entendu des déclarations du commandant principal des FARC, le commandant Alfonso Cano, qui disait « parlons », dans un esprit de proposition. Des voix dans différents secteurs de la société colombienne, des dirigeants politiques, des syndicalistes, se sont exprimées pour stimuler les possibilités qui s’ouvrent. Mais nous avons également entendu pendant les jours des libérations qui viennent de s’achever des propos très durs provenant des deux parties, s’accusant mutuellement. Nous avons écouté la personne commissionnée par le gouvernement pour ces libérations, Monsieur Eduardo Pizarro, faire référence, sur un ton proche de l’hystérie, à un épisode survenu pendant les libérations et qui a empêché qu’elles ne se produisent au moment convenu. Nous avons également entendu les FARC dénoncer des violations des accords par l’armée colombienne. Donc l’ambiance est encore tendue. À mon avis il y a encore beaucoup de chemin à parcourir sur ces questions mais je crois aussi que des forces suffisantes existent en Colombie pour rendre possible cette paix tant désirée. Vous nous parliez du documentaire Mission accomplie, votre dernière réalisation. Vous avez toujours été préoccupé et occupé par ces processus de libération, vous prenez soin de filmer cette réalité-là. En plus de ces dénonciations, qu’apporte de nouveau ce documentaire qui sera télévisé demain sur TeleSur ? Jorge Enrique Botero : Le titre du documentaire appartient à la phrase finale prononcée par Piedad Córdoba lorsqu’elle a fait le bilan des jours d’efforts pour ramener à la maison plusieurs personnes qui étaient retenues par la guérilla. Disons que la grande nouveauté dans ce reportage c’est de montrer que cet épisode s’est déroulé dans sept départements colombiens, pratiquement la moitié du pays a été le théâtre de libérations. Il démontre également, avec des images, avec beaucoup de passages exclusifs, qui n’ont jamais été vus, que la puissance de feu de la guérilla, sa puissance militaire, son contrôle territorial sur de vastes régions de Colombie restent intact. Beaucoup de ces libérations se sont produites aux mêmes endroits où s’étaient produites les libérations antérieures, de l’année 2010, de l’année 2009, de l’année 2008. Disons que là le pouvoir territorial des FARC reste intact. Mais nous verrons aussi, et je souhaite insister sur ce point, des personnages complètement anonymes, pas aussi fameux que les personnes des libérations antérieures, comme Alan Jara, Moncayo, ou des personnages très connus comme Clara Rojas. Nous allons voir des personnages colombiens plutôt anonymes. Traduction : Coordination Populaire Colombienne à Paris (CPCP)
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TeleSur