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01/09/2013

Le 24 août 2013, est partie de Bogota une mission humanitaire, composée d’organisations de défense des droits humains et de journalistes indépendants, chargés d’effectuer une vérification de la situation des droits humains dans le Département de Boyacá, au moment où se déroule la grève nationale agraire et surgissent des dénonciations pour graves violations des droits humains supposées avoir été commisespar des membres des forces publiques de sécurité.

Au cours de son passage dans les cinq premières communes, la Mission a reçu un grand nombre de dénonciations, de rapports et de preuves qui font état d’excès dans l’usage de la force par l’Escadron Mobile Antiémeutes –ESMAD- de la police, par des agents des organes de renseignement et des membres de la Police Nationale. La Mission a pu constater l’existence de violations systématiques, généralisées et sans discrimination des droits humains des habitants de Boyacá et des participants à la grève agraire. A cela, il faut ajouter l’implication directe d’agents de ces corps de sécurité dans des actes de vandalisme.

Conformément aux informations reçues, vérifiées par cette Mission, nous dénonçons le fait que les habitants des communes visitées sont les victimes de l'instauration d’un Etat d’Exception non déclaré, à l’heure actuelle les garanties et droits de ceux qui s’y trouvent ne sont pas assurés, on enregistre de nombreuses dénonciations et des appels urgents que nous recevons  à l'heure où nous rédigeons ce communiqué (9h30) qui en rend compte. Il en est de même pour les réunions tenues avec des autorités civiles, des organes de contrôle, des organisations sociales et des habitants en général, nous avons appris que des réunions entre le haut commandement de la police et les autorités municipales se sont tenues, au cours desquelles, ils ont été informés des dénonciations que ces dernières ont reçues, sans que la Police donne des réponses aux requêtes administratives, se bornant à annoncer qu’ils répondent en ce moment aux ordres émanant du niveau central.

Sur la base de l’information fournie par la Commission, nous constatons que la Force Publique a perpétré de nombreuses attaques à l’encontre des différents droits fondamentaux comme la dignité humaine, la vie, l’intégrité personnelle et en général les libertés civiles et politiques de la population.

En préliminaire, nous nous permettons de souligner les faits suivants enregistrés par la Commission et qui feront l’objet d’un rapport complet qui sera rendu public à la fin de la visite de vérification :

Tirs indiscriminés avec arme à feu à usage privé des forces de polices contre la population, provoquant diverses blessures, principalement dans les secteurs de Germania, Altos de Moral et Puente Boyacá.

Blessures à l’arme blanche et objets contondants, faits dans lesquels sont impliqués des agents de l’ESMAD.

Abus sexuels contre des jeunes (femmes et hommes) par des agents de police, en plus de menaces réitérées d’agression sexuelle contre des femmes, épouses et filles des paysans de la part de ces fonctionnaires.

Actes de torture et autres mauvais traitements dont l’usage arbitraire de gaz lacrymogènes dans des endroits fermés, y compris des foyers pour enfants occupés par des enfants entre 3 et 6 ans, de même que l’usage de ces gaz lacrymogènes lancés et appliqués directement sur les corps des habitants.

Attaques contre des jeunes et des mineurs sans défense, effectuées en dehors des manifestations et dans des endroits isolés.

Lancement indiscriminé de gaz lacrymogènes à partir d’hélicoptères, sur des lieux de concentration de paysans.

Entrée arbitraire dans les lieux d’habitation et destruction des biens des paysans.

Identification, signalement, persécution et menaces contre des leaders (hommes/femmes) de la grève agraire à Boyacá.

Arrestations massives et arbitraires de manifestants et autres habitants dans tout le département.

Pillage, vol d’argent et autres délits communs effectués par la Force Publique, avec l’appui de membres de la SIJIN (police judiciaire), y compris dans la capitale du Département.

Occupation de biens protégés par le DIH, comme l’Institution Educative Panaméricaine, l’Ecole Nouvelle Siège Bolivarien et l’Ecole Ploblanco, situées à Puente Boyacá, apparemment avec l’autorisation du recteur en personne.

Utilisation d’ambulances pour le transport de membres de l’ESMAD, constituant également une violation du DIH, l’usage illégal de logos humanitaires et une grave attaque contre la mission médicale.

 
 Face à cette situation, nous, organisations, membres de la Commission de Vérification des Droits Humains

DÉNONÇONS

Face au manque de  volontés de concertation et de dialogue pour écouter les paysans, ajouté aux directives de répression violente des manifestations, le risque grave d’attenter à la vie et à l’intégrité personnelle des communautés.

EXIGEONS D’URGENCE

L’accompagnement et la vérification du Bureau de la Haute Commissaire des Nations Unies pour les Droits Humains, ainsi que sa médiation pour ouvrir des espaces efficaces d’échange et de dialogue.

De même, nous lançons un appel à la communauté internationale pour l’accompagnement et la vérification des faits dénoncés ici et pour demander à l’État colombien l’arrêt de toute forme d’agression contre des manifestants et des habitants du département de Boyaca.

EXIGEONS

Des autorités judiciaires et des organismes de surveillance et de contrôle  qu’ils entreprennent immédiatement des investigations pénales et disciplinaires sur ces faits de violation des droits humains.

LANÇONS UN APPEL URGENT

Aux mass-médias pour qu’ils rendent visible la situation grave occasionnée par la répression indiscriminée contre la population civile du département de Boyacá et qu’ils divulguent  SANS CENSURE ce qui se passe dans la région, en prenant en compte leur responsabilité sociale dans le droit à l’information de toutes les citoyennes et citoyens.

La Mission de Vérification des Droits Humains se compose des organisations suivantes:

Fondation Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques (Fundación Comité de Solidaridad con los Presos Políticos), Observatoire des droits Humains et Violence Politique de Boyacá et Casanare  (Observatorio de Derechos Humanos y Violencia Política de Boyacá y Casanare, Centro de Atención Psicosocial, Corporación Claretiana Norman Pérez Bello, Comité Permanente por la Defensa de Derechos Humanos, Movimiento Nacional de Víctimas de Crímenes de Estado, Corporación Social para la Asesoría y Capacitación Comunitaria, Colectivo de Abogados José Albear Restrepo, Comisión de Derechos Humanos del Congreso de los Pueblos, Equipo Nizkor, Journalistes indépendants, avec l'accompagnement des Brigades Internationales de Paix et le soutien de la Mesa de Derechos Humanos de Tunja.

 

Dénonciation publique: usage excessif de la force par des agents de la force publique contre des manifestants

L’Observatoire des droits humains et de la violencep politique de Boyacá et Casanare, la Campagne contre les arrestations arbitraires, la persécution judiciaire et la criminalisation de la protestation sociale en Colombie, la Corporation Zoscua et la Fondation Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques, dénoncent le recours excessif aux forces de sécurité contre des manifestants qui participent depuis le 19 août à la grève nationale agraire à caractère illimité, à laquelle les paysans des différentes régions du pays ont appelé depuis plusieurs mois.

Jusqu’à maintenant, au moins 98 personnes ont été arrêtées et les paysans nous ont fait part de graves actes arbitraires total et d'agressions de la part d'agents de police tentant de mettre fin aux protestations, allant jusqu’à provoquer la mort d’une personne.

Quatre jours après le début de la grève agraire, voilà un des cas les plus compliqués qui se pose au garde-manger de la Colombie « Boyacá », département qui produit des aliments destinés à un grand pourcentage de la population colombienne.

Il y a également de très nombreuses dénonciations émanant des habitants de ce département qui font état des agressions subies par les paysans de la part d’hommes en uniforme de l’ESMAD avec des armes à feu et des armes blanches, des bâtons et des matraques électriques ; ils auraient fait irruption aussi à des moments où les paysans étaient sans défense et en dehors  des manifestations, détruisant leurs stocks alimentaires, les menaçant de mort et leur assénant des coups brutaux. Ils ont aussi fait usage d’hélicoptères pour asperger de gaz lacrymogènes manifestants et non manifestants sans discrimination.

Voici quelques- unes des agressions  portées à notre connaissance  par la communauté:

-Le 19 août, une personne qui se déplaçait en moto a reçu une grenade de gaz lacrymogène tirée par l’ESMAD en plein visage, et est décédée suite à une chute violente..

-Le 19 août, dans le secteur de Germania (sur la route Bogota-Tunja), de  nuit, l’ESMAD a fait irruption chez des paysans qui dormaient, ils les ont attaqués et blessé 15 personnes; l’une blessée à la jambe avec une arme à feu et les autres blessées avec des armes blanches, des bâtons et des couteaux. L’ESMAD a pénétré chez eux, volant l’argent des paysans.

-Le 19 août, dans l’après-midi, ont eu lieu des affrontements dans le secteur connu sous le nom de “Y”. Suite à la protestation et réitérant des actes d’abus de pouvoir, ils ont mis à sac un logement en frappant les gens qui s’y trouvaient, deux femmes, dont l’une était enceinte et un enfant.

-Le 19 août dans la nuit, l’Esmad  a agressé sans raison une population qui ne manifestait pas au centre de Ventaquemada ; là, ils ont frappé des femmes, des enfants, des personnes âgées et des paysans. Ils ont menacé des jeunes et des femmes en disant : « Boyacos fils de p., où sont les femmes qu’on les viole ».

-Le 20 août dans la nuit, au barrage routier entre Ramiriquí et Jenesano, plusieurs paysans ont été violemment agressés par l’ESMAD, provoquant des blessures graves chez 7 d’entre eux, en plus de coupures et de coups sur la tête, les oreilles et le visage.

-Le 21 août, au  matin,  sur la route de Tunja-Pont de Boyacá-, l’ESMAD après avoir obligé un homme et une femme à descendre de leur moto, les ont forcés à se déshabiller, puis battus et intimidés. Par ailleurs, dans le lieu-dit El Moral, l’ESMAD a pénétré dans un logement en cassant les vitres et en tirant des gaz lacrymogènes à l’intérieur à plusieurs reprises, là où se trouvaient plusieurs personnes et deux enfants, l’un d’1 an et l’autre de 3 ans, qui ont eu besoin d’assistance médicale d’urgence et ont été transférés en ambulance à Tunja. Au Pont de Boyacá, l’ESMAD a attaqué un restaurant qui n’était pas en service, brisant les vitres et lançant des gaz. De la même façon, alors qu’il était 1h 30 ce même 21 août, un groupe de policiers a jeté des pierres et des bouteilles en face de l’UPTC (Université pédagogique et technologique), contre les étudiants qui allaient soutenir la grève. Les policiers ont utilisé des  matraques en caoutchouc  contre les passants.

-Dans la nuit du 21 août, dans le secteur de Germania, le paysan Teófilo Andrés Pérez Correales a été blessé au thorax  par  arme à feu par des agents de la force publique.

-Le 21 août, dans la commune de Ventaquemada, Boyacá, on a utilisé des hélicoptères  pour lancer des gaz sans discrimination sur la population civile.

- Aujourd’hui, à 12h 30, à Germania, des membres de l’Esmad, ont brutalisé des gens, sont entrés dans les maisons à nouveau, ont  lancé des grenades assourdissantes et de nombreux gaz. Madame Claudia Marina Urbano Cárdenas, enceinte de 4 mois, a été gravement blessée et risque de perdre son bébé; sa petite fille de 2 ans Anyi Gabriela Bautista, est également gravement blessée, elles se trouvent toutes deux à l’hôpital de San Rafael de Tunja. De nombreuses personnes ont été agressées directement chez elles, avec des gaz.

-Le 21 août, dans les communes d ‘Ubate et Simijaca, ont eu lieu plusieurs échauffourées. 7 personnes arrêtées ont été torturées et frappées au poste de police ; quelques- unes présentent  des blessures à la tête et sur différentes parties du corps. Elles ont été relâchées.

-Le 21 août à Ventaquemada à 17h, l’Esmad  a agressé et fortement brutalisé la population civile. Ils ont pénétré dans les maisons en tirant des grenades assourdissantes et force gaz ; ils sont entrés dans un jardin d'enfants, ont lancé des gaz et bousculé les enfants. Un homme âgé, M. Vanegasestá,   qui se trouvait aussi dans la maison a été blessé.

-Le 21 août à la limite entre les lieux dits El Páramo et El Tobal, de la commune de Tutazá, le matin, environ 30 paysans étaient réunis pour organiser et participer pacifiquement à la grève sous forme de journée culturelle au cours de laquelle ils se servaient d’instruments musicaux à cordes et buvaient du vin rouge chaud pour lutter contre le sommeil.

 

Ils préparaient également leur déjeuner. A 5h 30 une centaine d’hommes, visiblement de l’Esmad, sont arrivés, sous les ordres, selon les versions du personero [représentant de la communauté auprès du procureur, NdE], du commandant de la police de Duitama.

Devant cette situation, quelques paysans ont réussi à sortir en se dispersant dans le secteur. D’après des témoins, les policiers ont piétiné leurs marmites de nourriture, les tentes et instruments musicaux, laissant tout hors d’usage. Ils ont frappé à coup de pied et de battes plusieurs habitants qui n’ont pas réussi à s’enfuir, certaines victimes sans défense affirment avoir été soumises à la torture et à des électrochocs.

Les témoignages rapportent aussi que les membres de la Police Nationale criaient: “ On va vous tuer parce qu’on est venus là à cause de vous”. Les policiers ont violé le domicile privé de Madame Cleolina Hernández et y ont commis divers délits ; Monsieur Marcolino Gonzales Ravelo a dû être transporté en ambulance jusqu’à un centre hospitalier à cause du grave traumatisme ; monsieur Nelson Verdugo Gomez a expliqué qu’on l’a maîtrisé, torturé avec des électrochocs et alors qu’il leur demandait de réfléchir à ce qu'ils étaient en train de faire, un des policiers lui a crié : « On va te tirer  dix- huit balles dans le même trou ». Cette dernière victime est dans un état très grave.

L’usage démesuré et brutal de la force par les effectifs de la police a également touché les personnes suivantes: Jorge Hernández, Cleoelina Hernández, Edwin Gomez, Fredy Ravelo, Milciades Gallo, Ricardo Castro et Juan Paredes Moreno. Par la suite, sur le lieu des faits Orlando Ojeda Benavides qui était présent, a pu observer qu’il y avait là environ une vingtaine de policiers ; il a été lui-même menacé et l’un des hommes en uniforme lui a signifié : « On fait ce qui nous chante, vous êtes tellement mal protégés que même la presse ne vient pas ici ».

-Les étudiants de l’Université Pédagogique et Technologique de Colombie-Uptc- ont manifesté leur soutien à la grève. Cependant, le mercredi 21 août, après avoir pénétré arbitrairement dans le terrain sportif du campus, l’Esmad a procédé à l’arrestation arbitraire de 4 jeunes qui jouaient au football. Le 22 août, l’Esmad a de nouveau investi l’Université et nous avons appris par la suite que la police s’est opposée à la venue d’une ambulance pour donner des soins à un étudiant blessé.

Face à ces situations évidentes de violations des droits humains:

Nous exigeons des autorités nationales qu’elles fassent cesser l’usage de la force contre les manifestants qui exercent leur droit légitime à la protestation, et qu'elles garantissent leurs droits fondamentaux.

Nous demandons à la communauté internationale et aux autres organisations de défense des droits humains de rester vigilantes sur la situation des manifestants et d’exiger des autorités nationales que cessent les agressions et l’usage indiscriminé, excessif et disproportionné de la force contre les manifestants, en observant les normes relatives aux droits humains.

Sogamoso, Boyacá, 23 août 2013.

 

http://www.fr.lapluma.net/index.php?option=com_content&view=article&id=1729:2013-09-01-10-58-24&catid=103:violations-des-dh&Itemid=447

 

Auteur.trice
PASCFundación Comité de Solidaridad con los Presos Políticos (FSPP) , La Pluma/Tlaxcala