La Piedra, no.8, été 2011.
Pour blanchir l'image du gouvernement de Santos, les médias de masse cherchent à faire croire, en Colombie et dans le monde, que Santos “rendra la terre aux déplacé-es” et “procédera à une réforme agraire”… Rien n'est plus éloigné de la réalité, bien que les apparences se fondent sur des échafaudages spécialement construits pour soutenir la propagande. L'argument de ce gouvernement, “la réparation aux victimes”, auxquelles on dit qu'on leur rendra les terres usurpées, a été dénoncé par des organisations de victimes telles que le Mouvement des victimes de crimes d'État (MOVICE) comme une utilisation cynique des déplacé-es.
Concrètement, l'objectif de la "Loi sur les terres" de Santos est la légalisation de la spoliation des terres. C'est la consolidation de la contre-réforme agraire. Les millions d'hectares de terres volés aux victimes et aux personnes déplacées par le terrorisme d'État en Colombie sont sur le point d'être remis légalement entre les mains du grand capital, grâce à un tour de passe-passe juridique très futé du gouvernement de Juan Manuel Santos.
Ce sont plus de 6 millions d'hectares de terres qui ont été enlevés aux victimes et au plus de 4,5 millions de déplacé-es de la Colombie. Les terres doivent être restituées aux déplacé-es; mais ce n'est pas ce que vise la "Loi sur les terres". Premièrement : la Loi ne sera pas d'application dans l'ensemble du pays, mais uniquement dans les territoires désignés par le gouvernement (zones de consolidation paramilitaire-militaire). On demande donc aux déplacé-es d'aller vivre dans des zones dominées par leurs bourreaux.
Deuxièmement : la politique agricole de ce gouvernement s'inscrit dans la poursuite de la politique du gouvernement de Uribe, en ce sens qu'il s'agit d'une politique néolibérale, qui favorise la grande propriété, le capital étranger, la méga exploitation minière, les mono-méga-cultures, le démantèlement de la protection des paysan-nes et du secteur national de l'agriculture contre les produits subventionnés des États-Unis et de l'Union Européenne : une politique d'annihilation de la souveraineté alimentaire …
La loi prévoit l'annulation de l'Unité agricole familiale (l'UAF est une loi qui limite les terrains, qui empêche les dimensions exagérée) pour établir de grandes plantations. [Dans ce contexte], davantage de terres seront dévolues aux multinationales étrangères. L'acquisition de titres sur les terres est désormais encouragée par le gouvernement, alors qu'il l'a toujours rejetée; il est évident qu'aujourd'hui, l'objectif est le transfert des terres des paysans vers le grand capital. (…) L'article 53, qui se réfère à la politique agraire de l'administration de Santos, parle d'encourager la grande production entrepreneuriale… Elle soutient le modèle de la grande propriété et de l'extraction minière par les multinationales. La politique agricole du gouvernement de Juan Manuel Santos, qui est de favoriser la grande propriété et le ‘libre commerce’ implique la ruine de l'agriculture : un appauvrissement accru, davantage de déplacements en masse des populations, davantage de faim et de misère, dans un pays dont la majorité de la population vit déjà dans l'indigence.
Avec la "Loi sur les terres" de Santos, il s'agit d'officialiser des changements de propriété : et plus (uniquement) par le vol, mais par la voie...disons "licite"... quel cynisme ! Après des centaines de massacres, et la création de zones de terreur militaire-paramilitaire, de zones de non retour, on cherche à créer une situation de non retour juridique. Il faut dénoncer cette Loi des terres pour ce qu'elle est : une étape fondamentale de la dépossession, la légalisation sans retour en arrière par la voie juridique.
Le terrorisme d'État en Colombie et le modèle minier de saccage de l'environnement et de expropriation des paysan-nes, des autochtones et des afro-descendant-es se consolide avec Santos; ce n'est pas pour rien que d'aucuns l'appellent “le nouvel administrateur des intérêts des États-Unis et de l'Union Européenne en Colombie”. Le terrorisme d'État demeure la garantie d'éliminer les opposants au pillage.
Extraits de l'article : « Colombie: des fosses communes à la consolidation du grand capital; la Loi sur les Terres de Santos » d'Azalea Robles, journaliste et historienne colombienne, octobre 2010.
D'autres articles d'Azalea Robles (en espagnol) : http://azalearobles.blogspot.com.
Traduction : Association de Réfugiés d'Amérique Latine et des Caraïbes (ARLAC), Belgique.