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16/05/2021

Original publié par le Conseil des communications du CRIDEC – 13 mai 2021 (traduction du PASC)

Ce qui s’est passé à Cali contre le mouvement autochtone le 9 mai, notamment contre la Garde autochtone, fait partie d’un discours haineux et raciste récurrent et systématique contre les communautés autochtones en Colombie. Ce n’est pas la première fois que le mouvement autochtone est attaqué par des secteurs de la population qui utilisent des termes comme terroristes pour les désigner ou qui affirment qu’ils ont des liens avec des groupes armés en conséquence d’avoir simplement manifesté leur solidarité envers d’autres secteurs sociaux et d’avoir protesté de façon pacifique afin de défendre leurs droits fondamentaux. C’est indignant et inquiétant que des civiles, accompagnés par la police, aient tiré sur les manifestant-es. Ce qui s’est passé à Cali contre la Garde autochtone, c’est une expression de ce que subissent les peuples autochtones quotidiennement et dans plusieurs circonstances. Le pays entier doit s’en préoccuper.

Dans le département de Caldas, par exemple, lorsqu’a débuté la Minga autochtone de Caldas [Mouvement d’entraide] en solidarité avec la grève nationale, dans un espace politique, un conseiller de la municipalité de Riosucio a stigmatisé les communautés en les accusant d’être « terroristes », [1] des stigmatisations qui on fait partie de la construction d’un discours haineux et raciste qui ont rendu légitime un génocide silencieux contre ce peuple [2].

 

Les Embera de Caldas : Organisation et résistance

 

Le conflit social et armé a impacté de façon différenciée les peuples autochtones et afro-colombiens, mais ils subissent aussi un racisme systématique et structurel qui se manifeste tant dans l’économie et la politique de la nation que dans le quotidien des communautés.

Dans la région de Caldas, suite à la négation de l’État de reconnaître la présence du conflit dans le département, plusieurs études ont été réalisées sur les massacres, disparitions forcées, déplacements forcés, assassinats et menaces contre les leaders du mouvement autochtone, entre bien d’autres choses. Et malgré autant de douleur et après qu’est été mis en péril le futur physique et culturel des Embera Chami de Caldas à cause du conflit, tant de la part de guérilleros, que des paramilitaires, que des forces de l’ordre, les aînés ont réussi à constituer un héritage de lutte et résistance persistant encore aujourd’hui au milieu de tous ces groupes armés. [3]

Le mouvement autochtone a été l’avant-garde en Amérique Latine, incluant en Colombie. Depuis la conquête, plusieurs leaders comme Tupac Amaru, la Gaitana, Juan Tama ont mené des luttes organisées avec leurs peuples contre les nouvelles forces et ont défendu leurs territoires et leurs gouvernements.

Ainsi, dans la région de Caldas, les autochtones ont fait preuve de résistance face aux politiques coloniales, et depuis 1950, de façon plus organisée, les aînés commencent à défendre les territoires ancestraux et à fortifier les conseils locaux. Ainsi, historiquement les droits des peuples autochtones en Colombie ont été bafoués de façon structurelle et systématique. Actuellement, les politiques du gouvernement contre les droits des peuples autochtones sont régressives. C’est pour cela que la Minga autochtone est une façon de résister et de construire d’autres propositions avec les communautés.

Ainsi, à la Minga des Embera de Caldas le territoire et l’autonomie sont défendus

À ce stade de la mobilisation colombienne, il est important de rappeler que la défense des accords de paix signés en 2016 était une opportunité pour éviter la recrudescence de la violence et pour construire la réconciliation à partir de la vérité, la justice, la réparation et la non répétition. Cependant, dans les territoires autochtones il y a des groupes armés illégaux qui se reconfigurent [4] et, comme il est arrivé dans le passé, le racisme et les discours haineux s’accentuent. Ces discours ont été associés aux génocides. Effectivement, entre 2017 et 2021, dans le département de Caldas, il y a eu deux massacres et 12 assassinats reliés aux nouvelles configurations de la violence du conflit social et armé [5].

D’ailleurs, la violence contre les peuples autochtones est aussi exprimée à travers les intérêts et les pressions de différents acteurs quant aux territoires autochtones. Dans la région de Caldas, il persiste une crise territoriale et environnementale qui met en péril de nouveau la survie digne des autochtones de Caldas [6] par des menaces des multinationales agricoles, forestières et minières qui accaparent des terrains pour planter des monocultures d’avocats et continuer avec l’exploitation minière à ciel ouvert, par exemple. Ces situations affectent la sécurité et souveraineté alimentaire des autochtones dans leurs propres territoires. Il est encore mis en évidence comment les multinationales et les élites du pays investissent dans les territoires et cherchent à entrer dans les territoires autochtones au moyen de déplacements forcés des communautés, de menaces et en affaiblissant les processus organisationnels.

Avec ces pressions, la défense du territoire par les organisations autochtones continue d’être cruciale et elle est exprimée et organisée de différentes façons. Entre autres, et principalement, les organisation utilisent le recours à la Consultation et au Consentement libre, préalable et éclairé. Comme remarqué par Norman David Bañol, actuel Conseiller majeur du Conseil régional autochtone de Caldas CRIDEC, cette dernière « est un droit qui préserve aux communautés autochtones la possibilité d’autodétermination dans leur propre territoire à partir de la prise de décisions en lien avec des projets ou des initiatives que nous affectent directement ou indirectement ».[7]

Par conséquent, il est inquiétant que le recours juridique de la Consultation et Consentement libre, préalable et informé, comme droit fondamental des communautés ethniques soit mis en danger par des secteurs politiques du pays qui prétendent le régulariser. Le projet de loi statutaire « par lequel le Droit fondamental à la Consultation préalable est régularisé et d’autres dispositions sont promulguées », présenté à la Chambre de représentants par les législateurs du parti Cambio Radical est particulièrement préoccupant.

Dans ce contexte, comme réitéré dans différents scénarios, et maintenant à la Minga et dans la Grève nationale, le CRIDEC continuera de défendre le droit fondamental à la Consultation et au Consentement préalable, libre et éclairé [8] comme une manière de défendre les territoires et la vie face à un modèle économique et politique qui fissure la possibilité réelle de décider en tant que peuples notre présent et futur. Ainsi, pendant la Grève nationale, cette inquiétude a aussi été discutée et un appel à la solidarité et à l’unité de la société colombienne a été fait.

Et maintenant?

« Malgré avoir traversé un processus de paix, malheureusement les élites politiques qui gèrent cette région du Caldas continuent à montrer du doigt, stigmatiser et créer une discrimination haineuse contre les communautés autochtones » (CRIDEC, 2021). [9]

Le contexte récent en Colombie doit être compris dans le cadre plus ample du conflit social et armé et de l’approfondissement d’un agenda néolibéral appuyé et soutenu par des intérêts multinationaux visant le positionnement stratégique du pays et de ses ressources naturelles dans le continent[10]. Ces ressources, il convient de le souligner, se trouvent dans beaucoup de territoires collectifs d’afro-colombiens, autochtones et paysans.

Dans cette ordre d’idées, la violence d’État à travers ses différentes manifestations est, en partie, une conséquence d’un projet d’extraction néolibéral qui utilise la militarisation pour supprimer la mémoire des peuples ethniques [11] et des secteurs sociaux qui protestent et font face à ce type de politiques comme la réforme fiscale et la réforme à la santé. Dans ce contexte, les élites colombiennes considèrent que la défense de la vie, du territoire et des droits collectifs est un obstacle et une menace pour leurs intérêts économiques et politiques. C’est pour cela qu’ils ont peur de l’entraide entre la population urbaine et rurale, et ils feront tout leur possible pour la déstructurer.

Aujourd’hui plus que jamais, la lutte de la société colombienne pour ses droits fondamentaux demande l’unité et la solidarité réelle entre les différents secteurs. Ce n’est pas facile, mais il est nécessaire pour faire face aux discours haineux et racistes, lesquels, au lieu de créer des espaces de dialogue, peuvent provoquer des confrontations entre le peuple colombien lui-même, et cela, comme pour le peuple Embera Chami de Caldas, peut signifier la continuation d’un génocide silencieux.

Equipe de Communications CRIDEC: crideccomunicaciones@gmail.com

[1] https://fb.watch/5qNy6RZvsQ/

[2] Communauté Embera chami cherche la vérité et exige de terminer l’impunité. 2020. https://comisiondelaverdad.co/actualidad/noticias/comunidad-embera-chami-busca-la-verdad-y-exige-acabar-con-la-impunidad

[3]La victimisation et le conflit armé dans les communautés autochtones de Caldas, un conflit que l’État colombien refuse de reconnaître. 2021. http://crideccaldas.org/la-victimizacion-y-el-conflicto-armado-en-las-comunidades-indigenas-de-caldas-un-conflicto-que-el-estado-colombiano-se-niega-a-reconocer/

[4] Alerte sur la résurgence de groupes armés illégaux au Caldas. 2020. https://www.rcnradio.com/colombia/eje-cafetero/alertan-sobre-resurgimiento-de-grupos-armados-ilegales-en-caldas

[5] L’autre violence qui subissent les Territoires Autochtones de Caldas. 2021.

http://crideccaldas.org/la-otra-violencia-que-se-vive-en-los-territorios-indigenas-de-caldas-2/

[6]L’autre violence qui subissent les Territoires Autochtones de Caldas. 2021. http://crideccaldas.org/la-otra-violencia-que-se-vive-en-los-territorios-indigenas-de-caldas-2/

[7] Les obstacles que l’on veut mettre sur la Consultation préalable libre et informée. 2021. http://crideccaldas.org/las-trabas-que-le-quieren-colocar-a-la-consulta-previa-libre-e-informada/

[8] Prononcé sur le droit fondamental à la consultation et au consentement préalable. 2021. http://crideccaldas.org/pronunciamiento-frente-al-derecho-fundamental-a-la-consulta-y-consentimiento-previo/

[9]El CRIDEC a dénoncé devant le Tribunal permanent des peuples le génocide silencieux que le peuple Embera Chami a subi -TPP- 2021. http://crideccaldas.org/el-consejo-regional-indigena-de-caldas-denuncio-el-genocidio-silencioso-que-ha-sufrido-el-pueblo-embera-chami-ante-el-tribunal-permanente-de-los-pueblos-tpp/

[10] Racisme, exclusion et violence d’État: La répression brutale de la manifestation pacifique en Colombie. 2021 https://towardfreedom.org/colombia/racism-exclusion-and-state-violence-the-brutal-repression-of-peaceful-protest-in-colombia/

[11] Racisme, exclusion et violence d’État: La répression brutale de la manifestation pacifique en Colombie. 2021 https://towardfreedom.org/colombia/racism-exclusion-and-state-violence-the-brutal-repression-of-peaceful-protest-in-colombia/


 


 


 


 

 

 


 


 


 


 

 

Author
CRIDEC - traduction du PASC