La Caravane pour la vie, le territoire, l’eau et la paix
Cette année, la caravane organisée par La Redher, un espace d’articulation entre des organisations colombiennes et des groupes internationalistes, s’est tenue dans l’Antioquia oriental, en alliance avec MOVETE, un mouvement social pour la vie et la défense des territoires de cette région. Permettant l’échange entre des mouvements populaires de diverses régions inscrits dans la résistance et la protection des territoires, la visibilisation des conflits territoriaux causés par les interventions des multinationales et leur modèle d’exploitation extractifs, les caravanes sont l’occasion pour les gens de se rassembler et de renforcer les luttes menées.
L’Antioquia oriental : un territoire en conflit
L’Antioquia oriental est une des neuf sous-divisions régionales du département de l’Antioquia. Cette zone au paysage pittoresque comprend divers climats, montagnes, regorgeant d’une vaste biodiversité. Ce haut-plateau, situé dans la cordillère centrale, abrite d’importantes sources hydriques comme la réserve du Páramo de Sonsón, ainsi que des sources d’eau et des micro-bassins qui approvisionnent des communautés rurales et qui se déversent dans les rivières. La région a été historiquement le théâtre de résistance des populations paysannes. Depuis les années 1970, les communautés se sont trouvées au centre de conflits sociaux et armés, provocant des déplacements forcés et assassinats de «leaders sociaux». À présent, l’histoire se répète mais sous un autre masque, le territoire est en effet devenu le terrain de jeux pour de nombreux projets extractifs, que l’on parle de mines ou d’hydro-électricité. Tirant profit du processus de paix, les multinationales cherchent une reconfiguration territoriale des villes et des régions, comme par exemple le changement de l’utilisation attitrée aux sols. L’Antioquia oriental produit plus de 40 % de l’énergie totale produite en Colombie, se révélant être à la fois une source hydrique de très grande importance et un générateur d’énergie destinée à l’exportation. Il existe actuellement 54 permis de construction de micro-centres et l'État a accordé plusieurs concessions minières dans la région, en n’accordant aucune voix ou pouvoir décisionnel aux communautés.
Impacts et résistance
La caravane a pu mettre en lumière les répercussions de l’imposition de ce modèle de développement. Dans cette lignée, les activités économiques des communautés se voient imposer le changement d’un secteur de production agricole, vers la vente de services et la production industrielle. Ce modèle imposé a également des répercussions sociales, comme celle de la rupture du tissu communautaire opéré par les paysans et paysannes et leaders sociaux persécutés par des groupes paramilitaires de la région. Les gouvernements et les autorités régionales créent des lois, des politiques et des reconfigurations territoriales afin d’implanter des projets en fonction des intérêts des multinationales. En plus des désastres environnementaux qui rendent les terres inutilisables, cela entraîne une dépaysanisation des populations rurales, c’est à dire la transformation de leur identité de travailleur.euses de la terre, pour devenir la main-d’œuvre des multinationales. Pour ces raisons, les paysans et les paysannes de l’Antioquia oriental ont décidé de s’organiser, de s’unir et de se mobiliser autour de la défense du territoire. Rassemblé.es dans un large mouvement, plusieurs actions populaires, allant de la mise en tutelle, à la création d’assemblées consultatives préliminaires, à la demande d’audiences publiques, ont été mises sur pied.
Festival de l’eau : «Pour aimer, défendre et vivre dans le paramo»
Au cours du 19 et 20 octobre derniers, le neuvième Festival de l'eau organisé par le Mouvement Social pour la Défense de la Vie, de l'Eau et du Territoire - Movote - a eu lieu au cœur du paramo de Sonsón. Cet évènement avait pour but de rassembler les différentes communautés de l’Antioquia oriental afin de se donner de la force en tant qu’acteurs et actrices central.es de résistance. Le débat sur la problématique des centrales hydroélectriques, était au centre de l’évènement: «ils détruisent notre écosystème, où allons-nous vivre, qu'allons-nous manger, de quelle source d'eau allons-nous vivre?» a déclaré Alirio Quintero, un paysan du village de Jerusalén à Sonsón.
«Une inquiétude surgit parce que nous voyons notre région inondée et les retombées économiques ne profiteront qu’à quelques-uns; ce que les communautés revendiquent, c’est de vivre dignement et de façon permanente au sein de leurs territoires» a déclaré Omar Andrés Osorio, du collectif Tulpa Comunitaria.