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18/03/2015

Dans le but de renforcer la souveraineté des communautés paysannes et de protéger les terres agricoles contre la menace de l’exploitation pétrolière et minière, les organisations sociales colombiennes ont élaboré le concept de territoires agroalimentaires. La définition de ces territoires va de pair avec la reconnaissance des paysans comme sujet de droit.

Territoires agroalimentaires

L’idée de créer des territoires agroalimentaires s’inspire des territoires protégés par des législations tels que les territoires ancestraux ou les réserves naturelles. Considérant l’importance des impacts des activités extractives, il apparaît essentiel, pour les communautés rurales et les organisations sociales qui les appuient, d’organiser la lutte paysanne, notamment en définissant des espaces où les droits territoriaux des paysans seront garantis. Les territoires agroalimentaires serviraient à obtenir une reconnaissance légale et politique de ces zones, à garantir les droits des communautés agraires qui y habitent et à conserver et à protéger les ressources naturelles de ces territoires.

La consolidation des territoires agroalimentaires est défini par les communautés elles-mêmes. Le tracé inclut des zones géographiques homogènes, interculturelles et interethniques. L’aire agroalimentaire doit répondre à certains critères spécifiques définis préalablement par les communautés agraires et organisations sociales. Ce sont des territoires caractérisés par l’identité paysanne (campesina).

Pourquoi créer des territoires agroalimentaires? Pour permettre la reconnaissance des paysans comme sujets de droits politiques, économiques, sociaux et culturels; pour construire des territoires de production agricole qui sont conformes à leur idéaux et en respect avec la nature; pour renforcer les projets agricoles écologiques et biologiques; pour renforcer l’économie paysanne et pour protéger la culture paysanne; pour encourager la souveraineté alimentaire; pour lutter pour l’accès aux terres; et pour réduire les conflits liés à l’utilisation du sol.

Reconnaître le paysan comme sujet de droit

L’objectif de créer ces territoires agroalimentaires est également un outil de reconnaissance des paysans comme sujets de droit, c’est-à-dire, comme des populations avec des besoins distincts dont les droits doivent être respectés. À travers les stratégies des multinationales extractives au niveau national et mondial, les communautés agraires ont été victimes de discrimination sociale et de violence afin de libérer les terres à des fins d’exploitation. Les communautés sont non seulement victimes de déplacements forcés, mais également des impacts environnementaux qui résultent de la présence des entreprises. La contamination de l’eau n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le thème des territoires agroalimentaires se construit également dans l’idée de dénoncer l’empire des grands propriétaires terriens et des domaines privés.

Projet de loi

Pour consolider cette proposition, un projet de loi sera présenté par le sénateur Alberto Castilla auprès du gouvernement. Ce projet de loi vise à amender les articles 64 et 65 de la Constitution Colombienne pour que ces territoires soient reconnus légalement, incluant la reconnaissance des paysans comme sujet de droit. Ce projet de loi inclut l’obligation à la consultation préalable avant l’implantation de projets extractifs, tel que c’est déjà le cas pour les communautés autochtones. Actuellement, lorsque les entreprises font des démarches auprès des communautés, et ceci n’est pas tout le temps le cas, elles procèdent à des processus de socialisation durant lesquels elles présentent leurs bonnes intentions afin de charmer les populations. Ces socialisations sont généralement déséquilibrées et paraissent plutôt comme des campagnes de désinformation et permettent aux entreprises une acceptation sociale pour améliorer leur image.

Cependant les organisations sociales insistent sur le fait qu’avec ou sans ce projet de loi, la reconnaissance de ces territoires est légitime. Ces territoires, plus que tout, sont des moyens de protection des terres de production des paysans. Le fait de délimiter des zones n’est qu’un outil qui permet de soulever les questions liées à la possession des terres et de ce fait consolider les mobilisations sociales. Le système légal peut être une voie pour porter certaines dénonciations, mais reste un système restrictif. Ainsi, il est essentiel de sortir du cadre légal pour chercher d’autres types de reconnaissances politiques et tout autant légitimes. La consolidation de ces territoires fait partie intégrante d’un plan de vie digne (vida digna).

Processus de délimitation

L’idée de créer ces territoires agroalimentaires est née il y a un an. Évidemment, le processus demandera plusieurs mobilisations et efforts avant que ne soient reconnues officiellement ces zones et que ne soient garantis les droits qui les accompagnent. Premièrement, il y eu une phase de construction, principalement menée par un mouvement social agricole - le Coordinateur national agricole (CNA) - et le mouvement populaire de masse du Centre-Orient de Colombie. Le CNA a monté des ateliers afin de présenter l’idée dans les différentes communautés. L’étape suivante fut donc celle de la socialisation du projet, avec des réunions, assemblées publiques et ateliers dans les zones qui seraient concernés par ces territoires.

Lors des rencontres, il y eut des ateliers de cartographie sociale où les communautés délimitaient les zones agroalimentaires selon les zones de production et les réalités distinctes des différentes municipalités qui divisent les départements. En Arauca, les zones projetées regroupent les municipalités de Tame, Saravena, Fortul et Arauquita. Suivant ces ateliers ont été réalisés pour chaque département.

Les 21 et 22 mars 2015, une rencontre sera organisée à Yopal, dans le département du Casanare. Lors de cette rencontre plus de 1000 personnes seront convoquées pour décider collectivement de la proposition de ces territoires agroalimentaires. L’idée sera de construire conjointement une déclaration politique qui sera postérieurement présentée aux institutions politiques concernées par l’implantation de ce projet, incluant les ministères, la présidence et les mairies concernées.  

L’évènement organisé par le mouvement populaire de masse du Centre-Orient de Colombie fait suite à la volonté du Congrès des Peuples de se propager dans les régions. Le Congrès des Peuples est un processus populaire et social qui vise l’élaboration d’un plan de vie digne au niveau national colombien et la construction d’une stratégie conjointe des différents secteurs sociaux.

Author
PASC