Un jour sur deux les organisations sociales colombiennes dénoncent l'assassinat d'un militant ou d'une militante. Ces personnes visées sont ceux et celles qui exigent la protection de l’environnement, des meilleures conditions de travail, le simple respect des lois et de leurs droits sociaux. Ce sont ceux et celles qui exigent que les multinationales du secteur extractif sortent de leurs territoires et qu'on leur garantisse le retour sur les terres qui leur ont été volées, tout comme une garantie du droit à l'opposition politique. Les prisons débordent et les prisonniers et prisonnières politiques, de plus en plus souvent membres de mouvements sociaux, sont victimes de montages judiciaires, ce qui leur feront passer jusqu’à cinq ans en prison préventive avant d’être finalement innocentés. Sara y Tulia Valencia, Milena Quiroz, Alexander Tibacuy, Mateo, Julián Gil, autant de noms derrière lesquels se cachent des vies brisées par la politique de persécutions de l’État colombien. Ces méthodes offensives s'allient à une campagne de répression systématique et abusive envers les actions des organisations autochtones, paysannes et afro-descendantes comme c'est le cas actuel dans le département du Cauca depuis la fin février 2019 ou encore, les attaques à multiples niveaux qu'ont subit les mobilisations étudiantes de novembre et décembre 2018.
Le plan de défense et de sécurité du gouvernement appuyé par des réformes législatives, comme la réforme du code de police et celle de la justice qui visent à affronter de manière intégrale les organisations sociales, en les accusant d’être liées aux guérillas, spécialement à la guérilla de l'ELN toujours active. Le gouvernement accuse d’ailleurs cette dernière d'être l'auteur des assassinats de ces dirigeants sociaux, sans que la contradiction ne semble les déranger.
Dans les territoires où l'ELN est le plus présent, la stratégie du gouvernement allie actions militaires, judiciarisation de la population et interventions sociales intégrales dans le but de délégitimer et déraciner les organisations sociales perçues comme le terrain fertile ou la base sociale de la guerilla. Il s'agit de la stratégie contre-insurrectionelle selon laquelle il faut assécher l'eau pour attraper le poisson, l'eau étant le tissu sociale en soi de milliers d'hommes et de femmes qui luttent pour organiser leur territoire de façon autonome.
Les dénonciations se multiplient en Arauca, Choco, Sur de Bolívar alors que le plan de défense du gouvernement se fait sentir. Cette guerre de contrôle territorial est enracinée dans le modèle économique extractif, qui prétend faire de la Colombie un fournisseur docile de matières premières aux dépends des plans de vies des communautés qui habitent les territoires.
Le gouvernement avec sa politique de «sécurité» qui n'est autre qu'une politique guerrière, n'a donc aucune intention de faire respecter les accords signés avec la FARC. Alors qu'une cinquantaine d'ex-combattants ont été assassinés depuis leur réintégration à la vie civile, Jesus Santrich, un des négociateurs des accords, est en attente d'extradition vers les Etats-unis pour des accusations montées de toute pièce pour narcotrafic tandis que les communautés paysannes des zones de conflit, eux, attendent la mise en œuvre des programmes sociaux prévus par les accords.
En plus de saboter la mise en œuvre des accords le gouvernement de Ivan Duque a décidé de saboter les efforts de paix avec la guérilla de l'ELN. Après avoir boycotté la table des négociations durant plus de six mois, il a annoncé la fin des négociations dans les médias suite à une opération militaire de l'ELN dans une école militaire de Bogota. Cependant il n'a jamais communiqué formellement cette décision à l'ELN et refuse de respecter les protocoles internationaux signés par les pays garants du processus - la Norvège, Cuba, Venezuela, le Chili, le Brésil et l'Equateur.
Plus qu'une guerre contre quelques milliers de combattants et combattantes, c'est un génocide qui se déroule contre les centaines de milliers d'hommes et de femmes qui, au jour le jour, bâtissent les fondements d'une société non capitaliste et qui espère pouvoir ainsi vivre en paix.