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09/05/2016

Le 12 avril dernier, le président Santos et la ministre colombienne du Ministère de Mines et Énergie rencontrèrent les dirigeants de Pacific Exploration & Production (E&P), anciennement Pacific Rubiales, ainsi que le directeur du fond d’investissement canadien Catalyst Capital afin de discuter de l’accord permettant d’éviter la liquidation de Pacific E&P.

En effet, la situation financière de l’entreprise est en chute libre depuis quelques années. La dégringolade du prix du pétrole s’est ajoutée aux dépenses extravagantes de ses dirigeants, à la mauvaise gestion de ses dettes et aux dénonciations de plus en plus fréquentes contre ses agissements. Depuis 2013, la pétrolière faisait des affaires dans des secteurs aussi diversifiés que la culture de palme, le traitement d’eaux usées et la construction d’infrastructures. Elle avait notamment investi dans le commerce du charbon, et possédait 19% des actions de Cablenoticias, une chaîne d’information colombienne, et des actions dans le journal El Tiempo, un des plus lus du pays. Elle commanditait divers festival et tournois sportifs, en plus de posséder des équipes de soccer. 1

Les dettes s’accumulant, Pacific E&P se trouve désormais dans l’impossibilité de payer les intérêts de ses créances. Des acquis ont du être vendus, notamment les équipes de soccer, les actions dans les médias, et plus récemment, des actifs dans la construction d’oléoducs et de ports sur la côte atlantique. La valeur de ses actions a chuté drastiquement, jusqu’à ce qu’elles soient suspendues à la Bourse de Colombie en avril dernier. Entre 2014 et 2015, ses pertes sont passées de 1,335 millions de dollars à 5,483 millions.2 La crise financière de l’entreprise l’a menée au bord de la faillite, d’où la nécessité pour celle-ci de négocier avec ses créanciers. Ces négociations se sont achevées par l’accord mentionné plus haut avec Catalys Capital, une firme canadienne ayant accepté d’assumer la dette de la pétrolière pour un montant de 5,300 millions et d’apporter 50 millions de dollars en liquidité pour permettre à Pacific E&P de continuer ses activités. 3

En échange de cet investissement, Catalys Capital devrait obtenir environ 30% des actions de Pacific E&P4, ce qui entraîne la colère de plusieurs autres actionnaires de l’entreprise qui vont perdre beaucoup à la suite de cet accord. Plusieurs actionnaires se sont d’ailleurs regroupés derrière l’avocat Jaime Granados pour contester l’entente. Selon eux, l’accord est plein d’irrégularités, a été développé sans consultation, et protège les hauts dirigeants de l’entreprise aux détriments de la majorité des actionnaires. Ils affirment que les problèmes financiers de la pétrolière sont dus à une mauvaise gestion des fonds par ces mêmes dirigeants qui se sauvent de justesse de leurs responsabilités.5

À l’appui de ces propos, soulignons qu’en 2012, une étude du Centre de politiques alternatives du Canada démontrait que les dirigeants de la compagnie, Miguel de la Campa, José Francisco Arata, Serafino Iacono et Ronald Pantin, étaient parmi les 20 dirigeants d’entreprise les mieux payés du Canada.6 En 2014, alors que Pacific E&P était en pleine crise économique, Francisco Arata, un des fondateurs de la compagnie, reçu une indemnisation de départ de 8,3 millions de dollars.7 Pourtant, tout porte à croire que le gouvernement Santos a donné son approbation au projet de refinancement de la multinationale, sans aucune remarque face aux multiples violations de droits humains occasionnées par l’entreprise canadienne, ni face à la douteuse gestion de ses fonds.

Malgré cet accord, l’avenir de Pacific E&P reste incertain. À partir du premier juillet 2016, celle-ci n’aura plus le contrôle de Campo Rubiales, le plus grand champ pétrolier de la Colombie qui a fait la fortune de Pacific E&P.

Rappelons que cette dernière avait été très critiquée pour sa gestion de Campo Rubiales, notamment en ce qui concerne ses agissements anti-syndicaux et son non-respect des normes environnementales. Pourtant, Ecopetrol, pétrolière nationale colombienne, en refusant de renouveler le contrat d’opération de Pacific E&P, a tout de même félicité celle-ci pour son travail dans le développement du champ pétrolier, et a réitéré son intérêt à travailler conjointement avec elle dans le futur.8

Le non-renouvellement du contrat de Campo Rubiales inquiète particulièrement les travailleurs du champ pétrolier. Plus de 500 travailleurs reliés avec Pacific E&P se trouvent dans l’incertitude face à leurs emplois lorsque le contrat prendra fin. Ecopetrol refuse de reconnaître une substitution patronale, ce qui l’obligerait à conserver les employés de Pacific. Au contraire, elle affirme devoir renvoyer plusieurs employés pour des raisons économiques.9 L’USO, syndicat colombien dans le secteur pétrolier, reste sur ses gardes au sujet de la transition, mais espère tout de même que les conditions de travail s’amélioreront à la suite du départ de Pacific E&P. 10

D’un autre côté, Pacific E&P vient de recevoir un jugement à son encontre de la part de la Cour constitutionnelle de Colombie concernant son deuxième plus grand champ pétrolier dans le pays. Celle-ci ne pourra plus continuer ses activités de production de pétrole dans le champ de Quifa sans avoir réaliser des consultations avec la communauté Sinuaki de la réserve Vencedor Pirirí de la région. La Cour a reconnu que la présence d’employés de l’entreprise, de machineries, de bruit ou d’interventions dans les sources d’eaux affecte le système de croyances et de convictions du groupe autochtone.11

Il n’en ait que plus malhonnête que le gouvernement Santos et l’entreprise étatique Ecopetrol continuent de donner leur support à Pacific E&P, une compagnie qui a fait preuve de sa mauvaise foi à nombreuses reprises.

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Notes

1. «¿Qué pasó en Pacific?», La Semana, (23/04/2016) [en ligne] http://www.semana.com/economia/articulo/pacific-inversores-se-declaran-inconformes/470645

2. Juan Esteban Lewin, «La ultima jugada de los de Pacific», La Silla, (08/04/2016), [en ligne] http://lasillavacia.com/historia/la-%C3%BAltima-jugada-de-los-de-pacific-55379

3. «¿Qué pasará con accionistas de Pacific tras acuerdo para salvarla?», La Semana, (19/04/2016) [en ligne] http://www.semana.com/economia/articulo/acciones-de-pacific-no-se-negociaran-mas-en-la-bolsa-de-valores/470166

4. «El acuerdo permitió salvar a Pacific», La Semana, (23/04/2016) [en ligne] http://www.semana.com/economia/articulo/tom-becker-de-pacific-habla-sobre-acuerdo-con-accionistas/470732

5. «¿Qué pasó en Pacific?», Op. Cit.

6. Hugh Mackenzie, «Canada’s COE Elite 100 - The 0,01%», Canadian Center for Policy Alternative, (Janvier 2012) [en ligne] https://www.policyalternatives.ca/sites/default/files/uploads/publications/National%20Office/2012/01/Canadas%20CEO%20Elite%20100FINAL.pdf

7. «¿Qué pasó en Pacific?», Op. Cit.

8. «Decisión sobre operación de campo Rubiales», Ecopetrol, (26/10/2015), [en ligne] http://www.ecopetrol.com.co/wps/portal/es/ecopetrol-web/nuestra-empresa/sala-de-prensa/boletines-de-prensa/Boletines%202015/Boletines%202015/Ecopetrol-operacion-campo-Rubiales

9. «Trabadores en el limbo», La Semana, (14/11/2015), [en ligne] http://www.semana.com/economia/articulo/trabajadores-de-pacific-en-el-limbo/450059-3

10. «USO se prepara para que Ecopetrol retome Campo Rubiales», Unión Sindical Obrera, [en ligne] http://www.usofrenteobrero.org/index.php/subdirectivas/meta/4805-uso-se-prepara-para-que-ecopetrol-retome-campo-rubiales

11. «Drástica decisión de la Corte Constitucional contra Pacific», La Semana, (23/02/2016), [en ligne] http://www.semana.com/economia/articulo/corte-ordena-a-pacific-ep-detener-produccion-de-campo-quifa/461685

Author
PASC