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28/09/2015
« Sans le fleuve, je ne ris plus, je ne rêve plus, je ne vis plus : des fleuves pour la vie, non la mort ! ». Voici un des témoignages qui a marqué la vingtaine d’activistes qui composait la Caravane pour la défense de la vie et du territoire qui s’est déroulée en Colombie du 15 au 28 août 2015. Cette caravane, organisée par le Réseau de fraternité et de solidarité avec la Colombie (Redher), a traversé plusieurs régions colombiennes et rencontré des communautés, des groupes et des individus qui subissent les impacts du conflit social et armé colombien, afin de se solidariser avec les groupes en résistance. Quatre axes ont guidé leurs chemins : les axes urbain, rural, minéro-énergétique et carcéral. Ce cri du cœur pour dénoncer les impacts de projets d’exploitation sur les fleuves ne fait qu’illustrer une des problématiques qui a été rapportée par les organisations et groupes qui ont été rencontrés par l’équipe qui composait la caravane.   Problématique systémique Les quatre axes rassemblent des enjeux qui sont systémiques et intimement liés. Par exemple, certaines personnes ont fait part de la surpopulation en milieu urbain. Cette augmentation démographique résulte du nombre important de personnes déplacées dû au conflit social et armé. Ces déplacements forcés sont notamment les conséquences des répressions vécues en milieu rural, répressions qui sont souvent le résultat de la présence de projets minéro-énergétiques. Ainsi, le portrait tracé dans le rapport rédigé suite à la caravane (qui sera bientôt disponible sur leur blog : http://caravana.redcolombia.org/) permet de constater que le conflit vient d’un modèle structurel de développement et non seulement de la violence armée.    Dans les régions urbaines visitées, c’est-à-dire Bogota, Bucaramanga et Valledupar, il a pu être observé que la surpopulation dans les villes, parmi d'autres causes, provoque un accès difficile au logement et la privatisation des biens essentiels tels que l’eau, le gaz et l’électricité. Cela contrevient au droit fondamental à des conditions de vie digne. En plus de ces problématiques sociales, la violence paramilitaire dans les villes continue d’engendrer des des menaces, des disparitions forcées et des assassinats ciblés. Cette structure de contrôle, également observée en milieu rural et dans les zones d’exploitation minéro-énergétique, a évolué vers une plus grande criminalisation de la protestation, créant une crise dans le milieu carcéral. Effectivement, depuis 2011, une nouvelle loi de sécurité nationale (la loi 1453) a été mise en place et permet de criminaliser plus facilement les mouvements sociaux en les persécutant et en les judiciarisant stratégiquement : « Ce dont nous avons peur, c’est de ne pas savoir comment ils (les institutions de l’État, notamment la police) vont utiliser l’information. Ensuite ils nous cherchent et nous disent que nous sommes des guérilleros, on va en prison ou ils nous tuent »1.   Face à ces répressions, le travail des syndicats est primordial. Ces derniers soulèvent la vulnérabilité des droits des travailleuses et travailleurs en Colombie, liée entre autres à la précarité des emplois, au manque de droit d’association et au fait qu’un tiers des travailleuses et travailleurs n’ont pas de contrat. Sans contrat, la vulnération des droits devient plus grande et la caravane souligne comment les entreprises étrangères, notamment des compagnies canadiennes, profitent de cette structure.    Fragilité des territoires La caravane s’est aussi solidarisée avec des groupes qui résistent à l’imposition de projets minéro-énergétiques qui viennent affectés économiquement et socialement les populations tout en niant leur droit à un environnement sain. Problématique généralisée : aujourd’hui plus de 50% du territoire colombien est concessionné à des fins d’exploitation. Le Canada est d’ailleurs un des nombreux pays qui bénéficient de ce pillage des terres. En effet, des compagnies à capital canadien auraient utilisé la méthode de fracking pour explorer les possibilités d’exploitation dans certaines régions. Cette méthode a des conséquences graves sur l’environnement et crée souvent des effets sur les nappes hydriques, violant le droit d’accès à l’eau potable des habitant.es. Le rapport de la caravane souligne que l’exploitation de mines à ciel ouvert, l’exploitation hydroélectrique ou l’exploitation dans des milieux aussi fragiles que des páramos affectent les communautés aux niveaux environnemental, social, économique et culturel. Les conséquences environnementales qui résultent de l’exploration et de l’exploitation des ressources naturelles participent également aux déplacements des populations.    Évidemment, parmi les populations les plus affectées par ces enjeux minéro-énergétiques se retrouvent les communautés autochtones qui voient leurs territoires se faire ingérer par des projets menés par des entreprises nationales ou internationales. Souvent, les compagnies s’installent sur leurs territoires sans consulter les habitant.es, ce qui contrevient à la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail.   Les entreprises nationales ou internationales bénéficient d’un soutien de l’État et de ses institutions pour s’installer dans les territoires. « L’inefficience, l’incapacité et la corruption dans le système d’octroi et de contrôle des licences d’exploitation de projets minéro-énergétique de la part des autorités municipales, des corporations régionales et nationales, comme le Ministère de l’environnement, l’Agence nationale de licences environnementales, l’agence nationale minière et l’Agence nationale d’hydrocarbure, agissent en faveur des entreprises concessionnaires en rendant les normes plus flexibles, par leur manque de contrôle et de monitorat ». Même au niveau juridique, les lois ont été amendées pour favoriser l’exploitation des territoires au détriment des droits des populations qui y habitent.    Crise dans le milieu carcéral Une partie du rapport soumis par le groupe composant la caravane dessine un portrait de la situation actuelle en milieu carcéral. Du point de vue exprimé dans le rapport, c’est le modèle actuel qui fabrique des prisonnier.es. Les problèmes de judiciarisation et de criminalisation de la protestation, ainsi que la criminalisation de la pauvreté, créent une surpopulation importante dans les prisons. Présentement, la Colombie est en mesure de détenir dans ses 138 institutions carcérales 76 553 individus, mais en juin 2015 le nombre de prisonnier.es s’élevait à 117 018 personnes, c’est-à-dire 40 465 personnes de plus que le seuil établi.  Les conditions de vie sont de fait exécrables : le manque d’accès à l’eau potable, le manque d’hygiène, les problèmes de santé et le manque d’accès à des soins de santé, l’alimentation insuffisante et mal préparée et le manque d’accès à l’éducation n’en sont que quelques exemples. Ceci sans compter les cas de tortures, de menaces et la répression à laquelle sont soumises les victimes du milieu carcéral.    L’impunité sur un plateau d’argent Autant en milieu urbain que rural ou carcéral, la répression continue d’être utilisée par l’État comme outil pour faire avancer les intérêts économiques des grandes entreprises et des politiques néolibérales, au détriment du respect de l’environnement et des droits humains. L’État ainsi que les groupes paramilitaires, militaires et la police continuent de maintenir un climat qui génère des crimes contre l’humanité, la population civile et les leaders des mouvements sociaux. Comme les conséquences se voient aux niveaux social, culturel et environnemental, on ne peut plus parler simplement d’un conflit armé et la solution doit être instaurée par le « surpassement de la violence structurelle du modèle de société qui est imposé au pays ».   Afin de lutter contre l’impunité maintenue par l’État, des initiatives sont mises sur pied par les différents groupes et mouvements sociaux. Des projets d’éducation populaire, des plans de vie digne, des mouvements de récupération de terres et des luttes pour la souveraineté alimentaires ne sont qu’une infime parcelle des efforts quotidiens avec lesquels se solidarise le Réseau de fraternité et de solidarité en Colombie (Redher).     Notes: 1. Toutes les citations de cet article viennent directement du rapport rédigé suite à la caravane.
Author
PASC