Pasar al contenido principal
08/02/2012

 

L’Agence canadienne de développement international (ACDI) subventionne des projets de responsabilité sociale, pour la plupart à proximité de sites miniers, afin d’aider les compagnies minières canadiennes, devant l’opposition locale montante contre l’exploitation minière, à avoir accès à des gisements riches en minerai, dans les pays en développement.   Tandis que j’écris ces mots, des milliers de Cajamarcans du Pérou protestent contre la mine Conga, planifiée par la Corporation minière Newmont, qui détruira quatre lacs, lacs desquels ils dépendent pour leur eau et leur gagne-pain.   Le mois dernier, environ 10 000 personnes ont marché jusqu’au bureau du gouverneur à La Rioja, en Argentine, pour demander l’annulation des accords concernant la mine d’or d’Osisko, exprimant leur crainte que l’eau nécessaire pour produire leur vin de première classe, leurs olives et leurs noix soient touchées et polluées.   Une résolution à la Chambre des représentants aux Philippines, amenant un moratoire sur l’exploitation minière de grande envergure dans le pays au complet, a vu le jour suite à 10 moratoires provinciaux et 32 municipaux, notant que des unités de gouvernement locales « ne sont pas convaincues des bénéfices prétendus de l’exploitation minière » (Résolution no. 528).   En Amérique latine, de plus en plus de communautés procèdent à des consultations ou des référendums pour démontrer leur opposition collective à l’exploitation minière, évoquant la nécessité de protéger les ressources naturelles desquelles dépendent leur sécurité alimentaire et leur développement futur.   L’opposition à l’exploitation minière des communautés, souvent menée par des gens pauvres et marginaux qui manifestent à grand coût personnel, se produit de plus en plus avant qu’une minière ait reçu ses permis d’exploitation, puisque même les communautés les plus reculées sont au courant des risques graves et de longue durée que l’exploitation minière engendre.  L’opposition et les conflits avec les communautés représentent donc un problème sérieux pour les compagnies minières qui recherchent un accès stable et sécuritaire aux gisements de minerai.  L’industrie recherche alors une « licence sociale pour opérer ».    

Le conflit revient à la maison

  Au Canada, des rencontres entre des parlementaires et des gens qui leur ont conté les dommages causés par les opérations minières canadiennes dans des pays lointains, ont conduit à un rapport parlementaire révolutionnaire en 2005, qui recommande que le gouvernement canadien « établisse au Canada, des normes claires qui assurent que les compagnies et résidents canadiens soient tenus responsables lors de preuves de violations de droits environnementaux et/ou humains associés aux activités de compagnies minières canadiennes ».  Ce rapport a mené à des tables rondes concernant la responsabilité sociale des entreprises (Corporate Social Responsibility Roundtables)  sur le secteur minier en 2006, et à une conscientisation des Canadiens sur les impacts négatifs de l’exploitation minière dans les pays en développement.   En tant que participante au groupe de consultation multipartite de ces tables rondes (RSC), j’ai à plusieurs reprises entendu les membres de l’industrie minière décrier les dommages à la réputation de l’industrie, causés par l’attention grandissante portée au Canada sur les problèmes de l’exploitation minière outre-mer. J’ai aussi entendu des demandes de l’industrie minière faites au gouvernement canadien, pour qu’il assure le maintien de l’avantage concurrentiel des compagnies minières canadiennes opérant dans le monde.   Des participants de l’industrie ont notamment demandé un support sans précédent à l’ACDI directement sur les sites miniers où les compagnies font souvent face à une opposition sévère de la communauté. L’industrie était fortement opposée à toute mesure obligatoire de reddition de comptes du gouvernement canadien qui imposerait l’amélioration des performances sociales et environnementales à l’étranger.    

Union des forces

  En 2007, lorsque le dernier rapport de la table ronde du RSC fut présenté, les leaders de l’industrie, contrariés par les recommandations consensuelles du rapport, créèrent l’Initiative Devonshire, suite à des rencontres à huis-clos avec un grand nombre d’ONG qui se consacrent à l’aide au développement.  J’ai appris qu’au nom de l’Initiative Devonshire, les patrons des compagnies minières et des ONG ont formé un lobby pour que l’ACDI constitue un « partenariat » avec eux sur les sites miniers des projets RSC.  Ce n’est qu’en 2009, lorsque le gouvernement canadien publia sa réponse au rapport de la table ronde du RSC, appelé « Construire l’avantage canadien », que l’ACDI reçut le couvert politique nécessaire pour entrer dans les partenariats demandés, un couvert politique qui n’était pas prévu par le rapport.   Il n’est pas surprenant que Pierre Gratton, président de l’Association minière du Canada, ait écrit récemment un papier publié dans le Citizen d’Ottawa, et intitulé : « Des changements à l’ACDI longuement attendus ».  Il n’est pas non plus particulièrement surprenant que l’ACDI, un pion de la politique étrangère du gouvernement actuel, réponde aux demandes directes de l’industrie en subventionnant les projets RSC des compagnies, principalement proches des sites d’exploitation, avec l’argent des payeurs de taxes.   L’ACDI dépense 6,7 millions $ pour soutenir trois projets pilotes gérés par les OGN canadiennes Plan Canada, World University Service of Canada et World Vision Canada, respectivement en partenariat avec IAMGOLD, Rio Tinto Alcan et Barrick Gold. Ces projets impliquent l’acquisition de compétences et le renforcement des capacités des dirigeants locaux, principalement à proximité des sites miniers.   La subvention de projets RSC de riches multinationales représente une utilisation irresponsable des fonds publics de la part de l’ACDI, surtout dans la mesure où ces projets masquent, au lieu de corriger, les sérieux effets négatifs locaux et nationaux causés par l’exploitation minière.   Si le gouvernement canadien était vraiment intéressé à s’occuper des impacts négatifs de l’exploitation minière sur le développement, il aurait mis en œuvre les recommandations du rapport parlementaire de 2005 et de la table ronde du RSC de 2007.   Pour la première fois, les grands patrons de World Vision, World University Service of Canada et Plan Canada ont publié la semaine dernière leur vision collective sur leurs partenariats actuels avec les compagnies minières dans le Globe and Mail. Dans un article à parti pris, ces OGN de l’Initiative Devonshire proclament le message propre de l’industrie : les compagnies minières sont « des acteurs vraiment signifiants du développement ».   La prétention des compagnies minières d’être des agents de développement doit être examinée dans une perspective critique, au regard d’une part de la littérature grandissante sur la « malédiction de la ressource », qui lie l’exploitation minière avec un appauvrissement national de plus en plus important des pays en développement, dépendamment de la ressource (par exemple par la perte de compétitivité, la perte de développement d’autres secteurs économiques et une distribution inégale des bénéfices associés à la richesse minérale) et d’autre part de l’opposition locale grandissante contre l’exploitation minière.   Les ONG de l’initiative Devonshire continuent de justifier leurs partenariats par le fait que l’exploitation minière est « au cœur des plans de développement d’un pays en développement », ce qui démontre une absence totale de conscience du fait que l’industrie elle-même, comme je l’ai démontré par ailleurs, via le Conseil international des mines et minéraux, fait la promotion de la place de l’exploitation minière dans les stratégies de réduction de la pauvreté des pays en développement qui sont également riches en minéraux.   Enfin, les patrons des ONG indiquent que « nous ne devons pas rester immobiles ».  Sur ce point, nous sommes d’accord.  Ces ONG n’ont joué aucun rôle dans les tentatives des parlementaires et des organisations civiles sociales de développer des mécanismes de reddition de comptes pour assurer des standards sociaux et environnementaux de haut niveau pour les opérations des compagnies minières outre-mer.  Leur soutien à ces efforts continus serait bienvenu.     Catherine Coumans est la coordonnatrice de recherche et du programme Asie-Pacifique pour MiningWatch Canada.  Elle est l’auteur de Whose Development ?  Mining, Local Resistance, amd Development Agendas.    

Toujours le même financement de l’ACDI

  Deux articles dans le journal Embassy du 1er février ("Mixing apples and rowboats: CIDA and the foreign aid debate," et "Promote inclusive growth through trade in Asia") démontrent bien comment l'utilisation faite par le gouvernement Harper de l'aide étrangère (qui est au service d’une politique étrangère axée sur l'exportation), est contre-productive, tant pour une aide au développement efficace que pour la santé industrielle de notre pays.   Le lien entre l'aide au développement du Canada et les activités des sociétés minières canadiennes en Afrique et en Amérique du Sud est un autre exemple récent de la corruption des valeurs de notre pays en matière de politique étrangère. Ce n'est pas une réelle innovation, comme le prétend une ACDI en difficulté. Il s’agit plutôt d’une nouvelle perversion de l'ancienne formule d’aide, qui a été discréditée.   Le financement par l'ACDI d'ONG canadiennes travaillant dans les villages pauvres, sous l'égide des sociétés minières canadiennes, est un héritage du 19ème siècle, qui causera probablement plus de mal que de bien, et transformera les villages pauvres en petites néo-colonies ou villes d'usine, avec les ONG siégeant en tant que surveillants sociaux paternalistes, voire parasites.   Je suis d’accord avec Stephen Groff concernant le fait que le Canada pourrait aider les pays pauvres en fournissant des occasions (non-liées à des contrats d’aide) pour des compagnies canadiennes de génie et de construction, en investissant dans le développement de l’infrastructure -par exemple pour la construction de routes et de ponts, qui permettraient aux paysans pauvres d’apporter leurs récoltes aux grands marchés urbains de leur propre pays, ou pour que les enfants des villages reculés puissent aller à l’école au lieu d’être isolés pendant des semaines ou des mois de leurs écoles à cause des inondations saisonnières des rivières asséchées.   Au-delà de ces formes fondamentales mais critiques d’assistance (comme l’explique Rahim Rezaie dans sa note à Harper), le Canada a une connaissance et des industries de communication sophistiquées et bien intégrées, incluant les secteurs médical, de la santé, et pharmaceutique, qui pourraient fournir des avantages considérables aux pays en développement, partout dans le monde, tout en créant des débouchés commerciaux mondiaux respectables pour les Canadiens.   Malheureusement, notre gouvernement a la tête dans les sables bitumineux et a tendance à penser à la terre comme à quelque chose qu’il est nécessaire de creuser et de tamiser, de louer ou de vendre, et à ses habitants comme de simples acheteurs ou vendeurs.   Burris Devanney, Halifax, NS     Traduction du PASC
Author
Catherine Coumans