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01/11/2011

Commerce Équitable, Bio, Rainforest Alliance, UTZ, Bird-Friendly : Perdus lorsque vous consultez les diverses étiquettes « éthiques » présentes sur les emballages des produits d’épicerie ? Vous n’êtes pas les seuls. L’année dernière, Équiterre lançait « L’Éthique derrière l’étiquette », un premier guide pour permettre aux consommateurs québécois de déchiffrer les logos les plus présents dans nos épiceries. Équiterre a longtemps été un champion du Commerce Équitable1 et ce nouveau guide est en soi une reconnaissance du fait que le logo bien connu du Commerce Équitable n’est plus le seul à faire appel à la solidarité et à la sensibilité environnementale des consommateurs des pays développés.

Mais l’arrivée des nouveaux logos ne sème pas la confusion que parmi les consommateurs. Le manque d’information et de clarté frappe aussi les producteurs à l’autre bout de la chaîne de production.

Les promoteurs de la certification

Nous sommes portés à croire, soit en raison de notre familiarité avec la certification biologique, soit en raison du message parfois trop romantique propagé par les partisans du Commerce Équitable, que la certification existe pour le bénéfice des producteurs, pour leur garantir un revenu décent, un accès aux fonds de développement, une vie digne, etc. Parfois on sous-entend même que l’initiative a été impulsée par les producteurs eux-mêmes (effectivement, le Commerce Équitable tel qu’on le connait aujourd’hui est l’idée originale d’une coopérative autochtone au sud du Mexique, l’UCIRI).

Bref, les producteurs sont toujours au centre du discours mais dans mon cas, qui est loin d’être une exception, la décision de se certifier avec UTZ, justement un de ces nouveaux logos apparus sur nos étagères récemment, a été prise par le conseil d’administration de la coopérative. Plus précisément, la décision a été prise suite à une série d’ateliers donnés par des ONGs locales en partenariat avec des ONGs internationales (CATIE, Catholic Relief Services, Oxfam International, etc.), le tout financé par les grandes agences de développement des pays du Nord, dont celles des États-Unis (USAID), de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la Suisse. Dans ces ateliers, on dit que pour réussir, il faut répondre aux besoins du marché.

L’accès au marché, particulièrement aux marchés de niche plus lucratifs, est négocié par le biais de certifications existantes. Donc pour survivre et réussir, il faut se certifier. C’est la loi du marché. Le message est clair : « certifiez-vous, c’est bien ! ».

Visiblement, le message a été convaincant : ma coopérative s’est lancée dans le processus de certification UTZ, fortement recommandée par les consultants. Cette foi aveugle dans la certification est ensuite transférée par les coopératives aux producteurs : « croyez-nous, ce projet sera bon pour vous, vous allez voir ! ».

Les consultants ont toutefois négligé de mentionner que l’offre surpasse la demande, que toute la production certifiée ne sera pas vendue en tant que telle, que les primes obtenues grâce aux certifications représentent une partie infime (2% dans le cas de UTZ) du prix courant du marché, que le rapport coûts-bénéfice des certifications n’a jamais été étudié systématiquement et que dans certaines études de cas les paysans perdent de l’argent en se certifiant. Bref, le conseil d’administration de ma coopérative a pris la décision sans vraiment comprendre les enjeux, sans qu’ils soient conscients de ses coûts, sans qu’ils sachent quels sont ses réels bénéfices. Ça a été ma triste tâche de les désillusionner en partageant ces vérités décevantes.

Et les producteurs

La conséquence de cette promotion agressive de la certification, toujours présentée comme étant plus rose qu’elle ne l’est, se fait ressentir dans la coopérative où je travaille. Le processus de certification avait déjà été entamé avant que j’arrive. Maintenant on se rend compte que la certification UTZ coûte beaucoup plus cher que l’on croyait. Elle requiert des investissements importants dans l’infrastructure et l’équipement de certaines fermes participantes, elle n’apportera pas les bénéfices économiques auxquels on a rêvé. Les producteurs se découragent et démontrent de moins en moins d’intérêt chaque fois qu’on leur parle de certification. À peine un tiers des producteurs impliqués dans le projet seront en mesure de respecter les critères de la certification durant la première année. On dit ça pour être optimiste, reste à voir combien des deux tiers exclus voudront s’engager de nouveau l’année prochaine.

Ce message trop optimiste de la certification qu’on dirige vers les producteurs et leurs coopératives n’est pas très différent du message naïf qu’on lance aux consommateurs du Nord en les bombardant avec des images de paysans souriants sur les emballages des produits certifiés. Ça, au moins, c’est du marketing social, c’est plier la vérité pour encourager la consommation de ces produits et ainsi apporter un bénéfice aux producteurs. On ne s’éloigne pas de l’objectif initial : celui d’améliorer leurs conditions de vie. Mais quand on commence à façonner la vérité, voire désinformer, afin d’encourager des producteurs à entrer dans un processus de certification sans qu’ils connaissent ce que ça implique, on est très loin de l’objectif initial. C’est à prendre en considération la prochaine fois que vous êtes devant l’étagère de cafés « éthiques » dans votre épicerie du coin.

Pourquoi se certifier ? Pour qui ?

Si la certification n’est pas aussi favorable comme on voudrait faire croire, on doit se demander pourquoi il y a un réseau qui en fait une promotion agressive. La réponse courte c’est que c’est à la mode. La réponse moins courte c’est que c’est en fait la conséquence d’un mariage entre deux modes. Certaines idées du Commerce Équitable, vendues comme histoires à succès dans les cercles plus altermondialistes, ont été mariées à d’autres idées beaucoup plus pro-marché en vigueur dans les institutions de la coopération internationale.

Crédit caricature : Fairtrade par Lousnak (www.lousnak.com)

Publié dans le Journal des Alternatives, 1 novembre 2011

Lazar Konforti travaille présentement au Nicaragua avec une coopérative rurale sur un projet de certification et de commercialisation de café. Cet article, basé sur son expérience, jette un regard sur la certification du point de vue des coopératives et des producteurs qu’elles rassemblent.

 

Author
Lazar Konforti