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16/01/2019

Dans le département du Putumayo, l’aubaine pétrolière dans la municipalité de Villagarzón ne profite qu'aux intérêts étranger. Là-bas, il n’existe aucun hôpital de troisième niveau, pas plus qu’il n’y a d’eau potable ni de traitement des eaux résiduelles, et encore moins une université publique. Avec l’accord de l’État colombien, les multinationales comme Gran Tierra Energy et Emerald Energy ont précarisé des milliers de familles depuis maintenant 15 ans : ils ont transformé le territoire et sa population en un terrain pour l’extraction d’hydrocarbures.

Colombia Informa a parcouru cette région pour connaître l’ensemble des dommages qu’ont subis les habitants du Putumayo et dont la municipalité de Villagarzón est exemplaire, conséquence de cette nouvelle étape de colonisation fondamentale qu’est l’extraction pétrolière.

Dans un événement qui a réuni les sept peuples autochtones qui habitent le milieu Putumayo, María Mestizo, gouverneure du peuple Nasa, raconte en larme : « Les multinationales sont en train de couper nos vies et celles de nos enfants. Générer des revenus ? Ce n’est pas la vie. Si la terre est détruite, nous n’allons pas manger du papier, nos enfants sont sous-alimentés ; Ecopetrol et les multinationales n’en tiennent pas compte. »

L’intervention des multinationales crée dans les territoires une perte de la souveraineté gouvernementale 1, et cela a lieu dans Villagarzón depuis plusieurs années. L’État, en servant Gran Tierra et Emerald Energy, demeure étranger aux problématiques sociales qui actuellement motivent les revendications envers le gouvernement de Iván Duque. Ces demandes cherchent principalement à ce que le Putumayo soit déclaré territoire amazonique et agroalimentaire, et non pas un district minier.

Dans le Villagarzón, des peuples entiers souffrent d’une vie indigne et ne peuvent satisfaire leurs besoins élémentaires, alors que l’extraction pétrolifère continue.

Les « communes »

Cependant, depuis l’apparition de l’Association des comités d’action communale de Villagarzón – Asojuntas – la gouvernance du pouvoir populaire s’exerce, réussissant ainsi à stimuler un dialogue entre le peuple et l’État pour le développement d’alternatives économiques qui bénéficient réellement aux communautés. Dans ces propositions, l’action des multinationales est mise de côté ; à la place, le tourisme et l’agriculture mettent en lumière les possibilités concrètes pour créer des revenus qui fortifient l’identité et fassent prévaloir la protection de cette municipalité traversée par la pauvreté et la déforestation.

Iván Ruiz, président de Asojuntas, est un leader social qui a été menacé pour avoir lutté contre l’extractivisme réalisé par les multinationales de Gran Tierra et Emerald Energy. Bien qu’il ait reçu plusieurs avis de mort pour défendre son territoire, Iván garde un sourire chaleureux et son sens de l’humour demeure intact.

Nous nous sommes rencontrés dans le Haut Mecaya, situé à deux heures du chef-lieu municipal, alors que nous vérifions les dégâts de l’activité pétrolière ; le soleil de midi frappait fort la terre de couleur orange alors que nous marchions depuis une heure, Iván dit alors : « Si nous ne prenons pas d’eau pure, plus loin nous allons surchauffer et commencer à sentir le diesel. » Une blague cruelle, mais pas si loin de la vérité. On pouvait en effet sentir l’odeur du pétrole alors que nous étions témoins de la contamination des sources hydriques causée par les rejets de pétrole brut de la multinationale Gran Tierra, qui durent depuis maintenant quatre ans.

Dans le Villagarzón, la faiblesse de l’État a fait en sorte que les entreprises présentes ont eu l’entière responsabilité dans leurs actions de maintenir l’État social de droit qui constitue la nation. Ainsi, la fiscalité, la sécurité, la protection environnementale, la gestion sociale, entre autres choses sont maintenant marquées d’une « responsabilité sociale entrepreneuriale » qui augmente et fortifie l’invisibilité, la criminalisation, la répression et la judiciarisation de la contestation sociale 2.

Iván Ruiz et avec lui plus de 80 présidents communaux – liés à travers Asojuntas – se font une idée précise de la situation et, en dépit de la fumée générée par les cheminées situées dans les batteries d’exploitation pétrolière, ils voient clairement que défendre le territoire de l’expansion extractiviste doit se poursuivre en matérialisant des propositions d’alternatives pour le développement.


Écotourisme

En 2011, avant que ne commence le processus de paix entre les anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l’État colombien, 25 des 32 départements rencontraient la présence de projets d’extraction minéro-énergétique et de groupes armés rebelles. Le Putumayo était l’un de ces départements où la lutte armée a été marquée par les attaques constantes contre l’infrastructure pétrolière.

Le conflit pour le contrôle territorial est un chapitre qui n’a pas encore été résolu dans le Villagarzón. Des femmes qui soignent, des hommes sans métier et une jeunesse dépourvue d’éducation viennent démontrer que l’implantation réelle et effective de l’Accord de paix entre les FARC et l’État est nécessaire pour éviter l’expansion de l’économie extractiviste ; pour mener à bien les propositions alternatives de création de revenus dans le Putumayo, il est prioritaire d’avoir une vie digne.

En adhérence avec ce qui a été décidé dans l'accord de paix, la substitution de la culture des feuilles de coca dans le Villagrazón devrait permettre l’écotourisme de El Salado de los Loros, un couloir naturel d’une beauté inégalée située à deux heures de la ville en voiture. Il existe dans le Bloque San Juan une grande biodiversité qui se manifeste à travers les sons, les couleurs, les arômes, les textures et les saveurs; un délicieux ragoût de poulet fut la manière de nous recevoir dans la cabane principale de la réserve écotouriste communautaire.

Son promoteur, Bernardo Caguasangua, a expliqué : « Si nous réussissons à organiser la conservation des eaux, de la source de ces 27 rivières, ainsi que la lutte communautaire des 17 comités associés à l’Association environnementale de El salado de los Loros, nous réussirons à ce que la culture, la société, et la politique occupent une place intégrale à l’intérieur de Villagarzón. Nous cherchons à connaître ce dont le département et la nation ont besoin, et ce n’est pas le coltan qui existe dans cette rivière, nous devons défendre notre propre vie, l’eau, le territoire.»


Ainsi, les communautés du Putumayo et, spécifiquement de Villagarzón, développent la construction d’alternatives qui sont en accord avec les nécessités du territoire et de ceux qui l’habitent ; « Il n’y aura plus d’expansion pétrolière, Putumayo est l’Amazone».

 

Original: http://www.colombiainforma.info/villagarzon-entre-el-extractivismo-y-el-turismo-comunitario/

(1) - Carrión, Diego y Ricardo Sánchez. Pensar las alternativas, imaginas la transición. Economía extractiva y efectos comparados: turismo, petróleo y minería. 2014.
(2) - Romero, César y Ruiz, Francisco. Estado y la reconfiguración regional de nuevos regímenes biopolíticos. 2018.

Auteur.trice
Colombia Informa