Aller au contenu principal
20/01/2019

"Étudier, s'organiser et lutter fonctionnent, c'est la leçon que nous ont appris les étudiant.es, professeur.es et travailleur.ses"

L'année 2018 a commencé avec des dynamiques très aiguës : les élections parlementaires qui ont marqué le chemin politique et médiatique dans les régions et au niveau national, la configuration du parti FARC, la consolidation des forces politiques comme Coalition Colombie, le positionnement de la Colombie Humaine et les mouvances de l'uribisme organisés dans le Centre Démocratique. Cela au milieu d'un constant débat autour des accords pour la fin du conflit avec les FARC-EP. Les motivations et les projets politiques ont été mis publiquement en évidence pendant la campagne présidentielle.

Cette lutte électorale pour le butin de la conduite bureaucratique, des ressources de la paix et de la célébration du bicentenaire ont permis de visualiser quelles forces et acteurs seraient déterminant.es dans la direction politique et économique du pays. Au second tour des élections présidentielles, l'impulsion de divers secteurs alternatifs, progressistes et de gauche se sont rangés derrière le "moins mauvais", avec plus d'intentions de faire de contrepoids à l'uribisme, avec des certitudes et des accords programmatiques réels. Cela a permis de voir que le champ populaire se trouvait dispersé, sectoriel et divisé, après une forte attaque qui n'a pas cessé du long des deux périodes du gouvernement Santos, permettant la continuité impunie de la droite au pouvoir et plusieurs airs d'autoritarisme peu constructifs pour l'émancipation populaire.

Nonobstant, un géant silencieux se préparait au milieu de tout ce panorama. Des étudiant.es de plusieurs Institution d'Éducation Supérieure -IES-  virent avec préoccupation la quiétude du mouvement étudiant après la Rencontre Distritale de 2017, et décidèrent de réaliser la Rencontre Nationale d'Etudiants de l'Education Supérieure -ENEES de son sigle en espagnol-, dans lequel se sont unifiées les diverses problématiques et exigences de la communauté étudiante, ce qui a fait qu'en moins de 6 mois une nouvelle rencontre fut convoquée, cette fois-ci en Florence-Caquetá pour donner forme à l'ensemble d'exigences et définir l'heure zéro pour la grève étudiante nationale.

Le 3 octobre, à l'Université de l'Amazonie plus de 2 500 étudiant.es de plusieurs -IES- approuvèrent un document de 10 exigences dans des termes de budget, autonomie et démocratie, avec lesquelles ils ont pris les universités et les rues de manière fracassante depuis le 11 octobre, en plus de construire l'instrument d'organisation unitaire qu'ils ont nommé Union Nationale d'Étudiants de l'Education Supérieure -UNESS-, en vues de de faire pression pour un financement digne à l'éducation dans la cadre du budget général de la nation, en plus de positionner le débat sur l'éducation au plan national.

Cependant, la répression qui était déjà présente s'est renforcée, notamment de la part des recteurs et des agents bureaucratiques de l'éducation et des administrations locales au moyen des ajournements de semestre. Les attaques de l'ESMAD et des infiltré.es dans les mobilisation ont cherché à déstabiliser et méconnaître le mouvement étudiant, qui paradoxalement est devenu plus fort à chaque jour avec le soutien social de chaque mobilisation. Dans la mobilisation du 13 décembre, l'attaque de l'ESMAD a laissé plusieurs blessés, l'un d'entre eux a perdu l'œil et ce à quoi s'ajoutent d'autres jeunes blessés dans les mains de l'ESMAD pendant les mois de mobilisation étudiante, ce qui a généré un rejet d'une grande partie des Colombien.nes exigeant au président Duque des vraies solutions et un dialogue réel avec les étudiant.es.

Le 14 décembre a été signé le premier accord dans des termes budgétaires qui contient, comme élément exceptionnel une injection à la base budgétaire. Tout en gardant la préoccupation soulevée par l'annonce de Duque "que l'argent sortirait de quelque part", que sûrement ce ne sera pas de la poche des entrepreneurs mais des travailleurs. Cet accord a été montré de deux manières : d'une part, comme une grande victoire pour le mouvement étudiant, et de l'autre, comme des lingettes d'eau tiède que le Gouvernement promet afin de calmer les esprits et gagner en légitimité. De plus, avec comme perspective que plusieurs secteurs sociaux comme les centrales ouvrières, les communautés autochtones, les paysan.nes, chauffeurs routiers, communautés noires, femmes et diversités sexuelles ont avancé en propositions comme l'Assemblée Législative Populaire et des Peuples afin de consolider des agendas unitaires qui permettent de matérialiser la Grève Civique Nationale pour l'année 2019 qui mettrait en échec le gouvernement Duque et sa cour d'entrepreneurs, grands propriétaires terriens et militaires.

C'est pour cela que le mouvement étudiant colombien à travers l'UNEES se profile comme le personnage de l'année, car sans l'effort d'autant d'heures dans des tables de travail, discussions, plénières, rencontres, expressions artistiques, culturelles et belligérantes n'aurait été possible de tourner le regard de la société vers la reconnaissance de l'éducation comme droit fondamental et bien commun, la prise de conscience sociale et de classe et l'émancipation populaire à travers la mobilisation comme outil de lutte.

Étudier, s'organiser et lutter fonctionnent, celle-ci a été la leçon que nous ont donné les étudiant.es, professeur.es et travailleur.ses.

Auteur.trice
Jonathan Camargo – Asociación Nacional de Jóvenes y Estudiantes de Colombia – ANJECO- www.trochandosinfronteras.info