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17/09/2012

Deux auteurs qui s'en étaient pris à l'industrie minière canadienne quant à des abus allégués en Afrique reviennent à la charge: ils dénoncent le laxisme gouvernemental qui aurait fait du Canada le paradis des sociétés minières.

Dans Paradis sous terre (Comment le Canada est devenu la plaque tournante de l'industrie minière), publié aux Éditions Écosociété, Alain Deneault et William Sacher livrent une charge à fond de train contre l'industrie minière canadienne à l'étranger. Comme ils l'avaient fait d'ailleurs avec Delphine Abadie dans Noir Canada, retiré des tablettes après une entente à l'amiable avec Barrick Gold, qui avait poursuivi les auteurs et l'éditeur pour 11 millions.

Cette fois, les auteurs rassemblent les allégations de conflits, corruption, atteinte à la santé publique ou pollution massive provenant de plusieurs pays en voie de développement à l'encontre des sociétés minières du Canada - où sont incorporées 75% de celles de la planète.

L'objectif: susciter une prise de conscience chez les citoyens et espérer qu'une commission d'enquête indépendante puisse faire la lumière sur ces allégations, résume Alain Deneault, en entretien avec La Presse Affaires.

Le livre soutient que le Canada est devenu «l'outil politique et juridictionnel de l'exploitation débridée du sous-sol à travers le monde».

Cela, d'après les auteurs, grâce à un environnement d'affaires non contraignant, une masse de capitaux transitant par Toronto, des avantages fiscaux et l'absence de poigne juridique quant aux allégations de comportements illégaux ou immoraux à l'étranger.

Projet de loi battu en 2010

La question de l'imputabilité des entreprises minières à l'étranger avait fait l'objet d'un projet de loi privé (C-300) présenté à la Chambre des communes par le député libéral John McKay, en 2009. Il voulait créer un ombudsman ayant les pouvoirs de recevoir les plaintes et d'effectuer des enquêtes sur les agissements des sociétés minières canadiennes à l'étranger. Il liait également le financement ou le soutien du gouvernement à la bonne conduite des sociétés. L'industrie minière avait mené une intense campagne contre ce projet de loi, battu en Chambre en 2010.

«Depuis, il n'y a pas eu d'avancées sur le plan législatif», a déploré le député McKay à La Presse Affaires.

Le projet de loi C-300 demeurait tout de même «timide», selon Alain Deneault. Deux autres projets de loi (l'un du Bloc québécois, l'autre du Nouveau Parti démocratique) présentés par la suite mais jamais débattus, préconisaient une commission permanente sur l'industrie minière à l'étranger et, dans un cas, la possibilité de poursuivre des sociétés pour des agissements commis ailleurs.

«Ces trois projets de loi montrent qu'il y a des directions dans lesquelles on peut tendre, qu'il y a des choses à faire», dit M. Deneault.

John McKay souligne qu'il traîne dans son sac un brouillon d'un nouveau projet de loi, mais qu'il n'est pas prêt à le présenter dans le contexte actuel, avec «un gouvernement prédisposé à laisser le marché décider de tout».

Le gouvernement conservateur est resté vague dans ses réponses aux questions de La Presse Affaires.

«Grâce à la Stratégie de responsabilité sociale des entreprises de notre gouvernement, nous voulons aider [les sociétés minières] à demeurer des leaders mondiaux et continuer de créer des emplois et des débouchés au Canada et à l'étranger», a indiqué par courriel un porte-parole du ministre du Commerce international, Ed Fast.

Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement a créé en mars 2010 un conseiller en responsabilité sociale spécialement pour l'industrie extractive. Ce conseiller a un rôle de promotion des bonnes pratiques et de médiation, mais n'a pas de pouvoir d'enquête et ne s'occupe pas de cas d'activités criminelles ou illégales. «Inutile», tranche John McKay.

Alain Deneault ne cultive pas grand espoir de voir Ottawa agir sur ces questions pour l'instant.

Mais il croit que les citoyens, à la fois investisseurs et épargnants, peuvent se mobiliser et demander aux gestionnaires de leur épargne ou de leur retraite (incluant la Caisse de dépôt et placement du Québec et le Régime de pensions du Canada) de ne plus placer leur actif dans l'industrie minière, jusqu'au moment où on en saura davantage sur leurs agissements dans le monde.

Source : Cahier Les Affaires, La Presse, 17 septembre 2012.

Auteur.trice
Hugo Fontaine