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14/01/2016

Les mesures d’austérité imposées par le gouvernement Couillard au milieu carcéral résultent en des conditions de vie devenues insupportables. On nous traite comme des chien.ne.s dont la vie ne vaut rien. Le gouvernement coupe dans les budgets de l’administration, et celle-ci se fait une joie de nous refiler la facture. Nous n’avons pas les grands syndicats nationaux pour défendre notre intérêt, pas de gens payé.e.s pour mener des campagnes de mobilisation en notre nom, pas personne pour nous défendre à notre place.

 

Maintenant que le Front commun a négocié une entente à rabais pour ses travailleurs/euses, la lutte contre l’austérité devrait mourir de sa belle mort, nous laissant littéralement dans la marde, à manger de la marde. Et on pense qu’on va le faire en silence. Qu’on va accepter la situation en bon.ne chien.ne docile.

 

Qu’à cela ne tienne. N’en déplaise aux « citoyen.ne.s » du Québec, la voix de ceux/celles méprisé.e.s par tout le monde, de celles/ceux dont on se câlisse éperdument depuis que le monde est monde, celle des criminel.le.s, des B.S, des putes, des ramasseurs/euses de botches, des crackheads et des quêteux/euses, est sur le point de se faire entendre. C’est ce système pourri qui a fait ce que nous sommes. Qui nous pousse à vendre notre cul ou des roches de crack sur le bord de la rue pour des pinottes. À risquer notre peau pour un p’tit vingt. Ce même système qui nous met en dedans pour le faire et dont le véritable rôle est de s’assurer qu’on y retourne.

 

Nous sentons plus que quiconque dans cette société les effets concrets des coupures, nous sommes les premiers/ères à en souffrir, à en payer le prix.

 

Conditions de vie à la prison pour femmes de Tanguay

 

Nous avons faim; les rations et la qualité de la nourriture causent de la malnutrition chez les personnes incapables de se payer de la cantine. Deux pintes de lait à se partager à 35 filles, certainement qu’on se bat pour sa portion! Nous n’en sommes pas fières, mais c’est ce à quoi nous réduisent nos conditions. Nous sommes malades, les murs des établissements sont rongés par les moisissures, les rats font partis de nos compagnons de cellules. Dans le secteur qu’on appelle le max, des reflux d’égouts sortent par les tuyauteries d’eau potable. Pour couronner le tout, les produits de nettoyage sont dilués à un point où ils perdent toute propriété nettoyante et rationnés de manière telle qu’il est impossible de nettoyer nos secteurs. Un fond de pot à café d’eau de javel et de savon vaisselle, voilà ce que l’on nous donne pour le faire. Même les gants en plastique, qui nous éviteraient les risques de contracter l’hépatite ou le VIH lors de nos tâches de nettoyage, nous sont refusés. L’accès aux services médicaux est réduit au minimum. Le retard dans les transferts de prescription met en danger quotidiennement la vie de nombreuses détenues, de par le délai beaucoup trop long pour voir l’infirmière, et ce sous le regard indifférent des agent.e.s. Celles qui présentent des symptômes de manque physique, soit la diarrhée et les vomissements, sont laissées au soin des autres détenues, qui se transforment alors en garde-malades de fortune. Les femmes enceintes n’ont pratiquement aucun suivi médical, mis à part une échographie au cours de leur grossesse, pas plus qu’une alimentation appropriée. On leur sert le repas régulier, mais avec quelques crackers, une pomme et deux morceaux de fromage en tranche cheap en guise de collation.

 

Le durcissement des peines (retrait du 1/6) et des conditions de libération a entraîné un important problème de surpopulation. Il faut en moyenne un mois à passer dans la salle commune avant de pouvoir partager avec une autre fille une cellule pour y entasser 2 matelas, dont un sur le minuscule espace sur le plancher. On appelle « surpops » celles qui n’ont pas de cellule. Cette condition implique de devoir constamment « watcher » nos sacs, sous peine de se faire voler le peu qu’on réussi à accumuler, et bloque la possibilité de faire une cantine décente. Cela complique les activités quotidiennes, que ce soit prendre une douche ou aller à la cour extérieure. La pièce réservée aux « surpops » est elle-même « surpop » : il n’y a pas assez de place pour mettre les matelas de toutes les filles. Le niveau de violence est de plus en plus élevé, car tout devient source de conflit.

 

On ferme Tanguay pour des raisons d’économie budgétaire et parce que le building est considéré comme insalubre, pour nous déménager à Leclerc, qui est pratiquement dans le même état. La plupart des quelques programmes qui subsistaient à Tanguay ne suivront pas. La zoothérapie, l’art thérapie et le service de friperie - qui prenait tout de même 14 jours à passer avec les vêtements qu’on avait sur le dos lors de notre arrestation avant d’y avoir accès - en sont quelques exemples. Il sera impossible pour les filles n’ayant pas de gens à l’extérieur pour leur apporter des vêtements et de l’argent d’en avoir, car toutes les jobs ont été abolies. On planifie de mettre 3-4 filles par cellules, dans des « wings » à 80. Les conditions déjà exécrables à Tanguay ne seront que pires après le déménagement. Leclerc sera une des deux prisons pour femmes au Québec, laissant celles-ci dans les conditions d’emprisonnement les plus dures de la province. Il était déjà reconnu que les hommes en ont des meilleures, mais en mars prochain, un pas de plus sera franchi vers une dégradation marquée de la condition féminine, agrandissant l’inégalité homme/femme, d’ailleurs beaucoup plus prononcée chez les femmes pauvres et sans-emplois que chez celles des autres classes sociales.

 

Les conditions de vie à Tanguay sont particulièrement dégueulasses, mais n’empêche qu’il en est de même dans toutes les institutions carcérales. Dans chaque prison, on exploite sans vergogne les travailleurs/euses, et ce depuis des décennies. 3.60$ de l’heure, pour remplir des contrats privés. Apparemment, les lois du travail sont différentes lorsqu’appliquées aux citoyen.ne.s de seconde zone que nous sommes. Le gouvernement et l’administration savent très bien que les détenu.e.s sans cantine accepteront les présents salaires et conditions, jouant ainsi sur la pauvreté de ceux-ci/celles-ci pour se remplir les poches. Et ils la font leur cote, pas de doutes là-dessus. Nous sommes écoeuré.e.s d’être traité.e.s de la sorte. « L’opinion publique » nous dit : bien fait pour vous! Vous n’aviez qu’à vous trouver une vraie job! Vous êtes là parce que vous le méritez! Elle n’est pas de notre bord, « l’opinion publique », pas plus quand nous sommes dehors qu’en dedans. Les mesures d’austérité faites au milieu carcéral ne sont qu’une partie des effets de celles-ci sur nos vies. L’aide sociale, les programmes d’aide à l’emploi, les services communautaires qui nous aidaient à se remettre sur pied après notre sortie, les services d’aide alimentaire, les maisons d’hébergement, nous les sentons de tout bord tout côté ces criss de coupures. Elles poussent certaines personnes à la rue. Pour une des premières fois dans l’histoire du Québec, nous disons un gros fuck you à tou.te.s ceux/celles qui, par leur attitude mesquine, tentent de nous décourager de s’unir, alors qu’ils/elles sont bien au chaud, bien nourri.e.s, et qui trouvent quand même le moyen de cracher sur les plus pauvres. Comme si ce n’était pas assez de l’être! La mobilisation des détenu.e.s provinciaux/ales contre l’austérité n’est que le début de la lutte à celle-ci. Ceci est une promesse.

Nous appelons tou.te.s les détenu.e.s provinciaux/alles à s’organiser dans leur prison. Les filles de Tanguay mènent le bal. Faites la liste de vos revendications!
Nous appelons toutes les personnes concernées par la question carcérale à soutenir la lutte s’y menant présentement.
Nous appelons tous ceux et toutes celles qui ont un intérêt dans la lutte contre l’austérité à s’allier avec nous pour la pousser plus loin qu’elle n’a jamais été : VERS UNE GRÈVE SOCIALE!

Liste de nos revendications:

-Des repas qui comblent les besoins nutritionnels de base d’une personne adulte;
-Des diètes spéciales adéquates pour les femmes enceintes;
-Accès à la médication et au service de santé à l’arrivée, considérant le nombre élevé de personnes avec des dépendances physiques;
-Vêtements, bas et sous-vêtements en quantité adéquate et qualité acceptable;
-Produits d’hygiène de base : savon, shampoing et savon à linge en quantité décente;
-Produits de nettoyage de qualité satisfaisante et en quantité raisonnable;
-Outils pour le nettoyage : lavettes, guenilles et mopes propres;
-Casiers pour les « surpops »;
-Retour de la cigarette;
-Salles de « surpop » plus grandes;
-Qu’on cesse de mettre les personnes avec des problèmes de santé mentale et les protects dans les secteurs réguliers;
-Plus de programme de réinsertion sociale et de services communautaires pour l’aide à la sortie;
-Plus de droit de visite organisée avec les enfants;
- 2h de sortie de cour par jour;
-Accès au gym quotidien.

 

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