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24/01/2017

Colombie, le 28 décembre. Avant de terminer l’année 2016 qui fut très mouvementée, il nous incombe de souligner le rôle des groupes paramilitaires dans la continuité de la guerre en Colombie, dans l'avancement du narcotrafic et dans la persécution, les assassinats et le déplacement des mouvements sociaux. Les groupes paramilitaires cherchent à être reconnus par le gouvernement et la société civile comme des groupes armés bélligérants qui auraient une idéologie rebelle politique et fondatrice. Cela constitue un paradoxe flagrant dans un conflit qui a historiquement opposé l’élite et le peuple.


Les négociations avec les paramilitaires

En 2016, les groupes paramilitaires ont manifesté leur intention d’entamer des négociations politiques avec le gouvernement national. Ils ont exigé d’être traités comme des groupes insurgés avant de rendre les armes. Ces revendications ont fait surface après le début des pourparlers entre l’État colombien et les Forces armées révolutionnaires de la Colombie (Fuerzas revolucionarias de Colombia - FARC). Néanmoins, d’éventuelles négociations avec le gouvernement seraient plutôt inattendues, étant donné les différences qui existent, à de nombreux égards, entre les paramilitaires et les groupes insurgés, autant par leurs idéologies que par leur répartition sur le territoire et la nature de leurs interventions militaires.

Notons que les attentats et les assassinats perpétrés contre les leaders sociaux et les communautés en général ainsi que le soulèvement armé des Autodéfenses gaitanistes de Colombie (Autodefensas Gaitanistas de Colombia - AGC) au mois de mars révèlent les véritables intentions politiques des paramilitaires : s’attaquer aux communautés et aux organisations sociales, s’en prendre aux processus de restitution des terres, persécuter les défenseurs des droits de la personne et les étudiants, attaquer les militants lors des manifestations et des rassemblements populaires et enfin, s’accaparer des terres, pendant que l’État s’avère impuissant à garantir la paix.

Ici la carte des assasinats commis par les paramilitaires en 2016


Des belligérants ?

Conformément au droit international, pour qu’un groupe armé soit considéré comme belligérant dans un conflit, il doit réunir trois caractéristiques : occuper un territoire, avoir un commandement unifié et s’adonner à des opérations militaires de manière soutenue et concertée. Sur leur site internet officiel, les paramilitaires AGC déclarent être le résultat d’un processus de paix qui a échoué, tout comme l'ont été les Autodéfenses Unies de Colombie (Autodefensas Unidas de Colombia - AUC). Ils réclament la possibilité de négocier avec le gouvernement, comme ont pu le faire les FARC et l'ELN.

De plus, certains éléments de preuve démontrent que la possible reconnaissance des paramilitaires comme belligérants constituerait une folie tant sur le plan de la légalité que de la légitimité. En premier lieu, il est certain que les AGC sont sous le commandement de Dairo Antonio Úsuga David, connu sous le nom de guerre « Otoniel ». De plus, d’un point de vue historique, les paramilitaires ont toujours entretenu des relations avec les Forces armées de l’État, qui sont sous le commandement du président de la République, en l’occurrence Juan Manuel Santos. Si nous comprenons cette réalité, cela nous permet de constater que les opérations planifiées et menées par les AGC ne visent pas l’État, mais la population civile.

Ici la carte des groupes paramilitaires en Colombie en 2016

En second lieu, le paramilitarisme est un phénomène de longue date qui fait partie des structures mêmes de l’État colombien. Ce phénomène n’est pas récent, il existait avant les AUC et il ne se limite pas à sa dimension armée : il « s’inscrit plutôt dans une ancienne tradition des élites nationales qui cherchent à faire taire leurs opposants par l’utilisation de la force, comme avec les Pájaros, lors de la période de la Violencia, pour ne mentionner que cet exemple. Il tient ses fondements idéologiques dans la période de la guerre froide, son histoire plus récente est intrinséquement liée à celle du narcotrafic et il peut compter sur d'importants appuis sociaux, économiques et politiques », a écrit l’ancien haut-commissaire pour la paix, Daniel García, dans son rapport intitulé "La relation entre l’État colombien et le paramilitarisme: éclaircissements historiques".


Les accords avec les FARC et les négociations avec l’ELN

Au troisième point des accords de paix conclus au terme des négociations entre les FARC et le gouvernement, les parties expriment la nécessité de démanteler les groupes paramilitaires, comme les AGC, pour une construction efficace de la paix. L’Accord souligne l’importance d’arriver à un compromis afin de « garantir la sécurité et lutter contre les organisations criminelles responsables d’homicides et de massacres ou qui ciblent tout particulièrement les défenseurs des droits humains ainsi que les mouvements sociaux ou les mouvements politiques, incluant les organisations criminelles qui se sont vues désignées comme successeurs du paramilitarisme, ainsi que leurs réseaux d'appui, et les organisations qui continuent à avoir des comportements criminels qui menacent la mise en œuvre des accords de paix".

Tandis que les négociations à La Havane ont pris fin et que celles de Quito, avec l’ELN, se font toujours attendre, il est urgent que l’État, qui est complice de la création, la consolidation et la continuité des groupes paramilitaires en Colombie, agisse en conséquence. La construction de la paix, qui nécessite pour la nation colombienne de jouir effectivement de la liberté, est une obligaion pour l'Etat et le paramilitarisme est un des obstacles majeurs à cette fin.

Auteur.trice
Editor Medellín - Colombia Informa