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22/01/2016

Le 13 janvier dernier, la majorité des actions de l’entreprise étatique colombienne ISAGEN a été vendue à un fonds d’investissement privé canadien. Si les agissements de l’entreprise d’électricité ont parfois causé controverses et insatisfactions dans la population civile -rappelons par exemple qu’en 2014, ISAGEN a mis fin unilatéralement à la table de négociation sociale qui avait été mise en place afin de traiter des conséquences et impacts négatifs sur les populations locales de son méga-projet Hidrosogamoso, une des plus grandes centrales hydroélectriques du pays- il n’en reste pas moins que la vente de celle-ci à Brookfield Asset Management est loin de faire l’unanimité dans l’opinion publique.

La vente de 57,61% des actions de l’entreprise nationale au fonds privé de Toronto cause de nombreuses inquiétudes dans la population colombienne. Tout d’abord, la vente a été conclue à un prix réduit, le consortium canadien ayant acheté les actions à leur plus bas prix. Ensuite, la légalité de la conclusion de cet appel d’offre est contestée puisqu’il ne contenait qu’une seule offre, ce qui laisse à penser que le gouvernement de Santos s’est arrangé avec Brookfield Asset Management afin de conclure cette vente le plus rapidement possible. En effet, Santos était à la recherche de fonds pouvant servir à financer son projet 4G, et avoue ouvertement que les revenus de la vente seront destinés à ce projet qui prévoit la construction de plus de 8000 km de route à travers la Colombie. Les objectifs avoués du projet 4G sont de permettre un échange de marchandises plus efficace, notamment celui des minéraux par les multinationales, et d’accroître les exportations colombiennes.

Sans surprise, ni le gouvernement de Santos ni le fonds canadien n’ont tenu compte des nombreuses revendications populaires dans ce dossier. La privatisation d’ISAGEN inquiète la population quant à la possibilité d’une hausse des frais d’électricité, dans la mesure où l’électricité deviendrait un commerce privé, et non plus un service public. Cette vente se produit déjà dans un contexte d’augmentation des tarifs d’électricité lié au réchauffement climatique et à l'actuel phénomène El Niño qui engendrent une baisse des niveaux d’eau et affectent la production d’électricité des barrages hydroélectriques.

Germán Corredor, directeur de l’Observatoire de l’Énergie de l’Université Nationale, s’inquiète quant à lui à savoir si les projets de géothermie et de production éolienne entrepris par ISAGEN seront abandonnés par le consortium canadien, puisque les multinationales recherchent le profit, et non l’intérêt général.

De plus, la souveraineté énergétique du pays est mise en danger par la vente de l’entreprise qui était la seule entreprise d’électricité étatique à ce jour en Colombie.  C’est 300 milles millions de pesos (monnaie colombienne) qui seront perdus chaque année par l’État colombien à la suite de cette vente, en plus d’une perte d’expertise nationale dans la recherche et la production énergétique.

Mais c’est aussi les milliers d’hectares dont l’usufruit a été acquis par Brookfield Asset Management lors de la vente d’ISAGEN qui inquiètent la population. Le fonds canadien, sous prétexte de récupérer son investissement, aura un droit d’exploitation sur les minéraux, hydrocarbures et autres ressources présents sur ce territoire, sans devoir rendre aucun compte aux communautés qui l’habitent ni au gouvernement colombien.

Encore une fois, les pratiques clientélistes du gouvernement Santos profitent aux multinationales, notamment canadiennes, au détriment des populations locales. Déjà, plusieurs mouvements de résistances se sont formés. Le 12 janvier dernier, un grand rassemblement a eu lieu à Medellín en opposition à la privatisation d’ISAGEN. La vente d’ISAGEN devient aussi une des nombreuses raisons motivant une grève sociale convoquée autant pas les groupes ouvriers, autochtones que divers mouvements sociaux et politiques, et qui est prévue pour dans quelques mois. En tant que militant.es, nous ne pouvons qu’appuyer les actions de tou.tes celles et ceux résistant à la domination des multinationales, particulièrement lorsque celles-ci détiennent leur siège social au Canada.


Sources principales :
http://colombiainforma.info/politica/seccion-politica/2998-polemica-ven…
http://www.wsj.com/articles/colombian-president-takes-heat-for-sale-of-…
 

Ici la déclaration écrite par le Colombia Working Group: Solidarité avec les Colombien.nes opposé.es à la privatisation massive de l'énergie

Auteur.trice
PASC